SCARFOS - INTERVIEW


Enregistrement : 28/04/2011

Pulsions humaines ou animales pour créatures minérales, affres métalliques et totems d'un nouvel âge sombre où l'humain et la machine fusionnent en accouchant d'une nouvelle branche bio-mécanique de l'arbre du vivant.

Une plongée introspective dans les perspectives dystopiques du sculpteur Scarfos, artiste décalé et autodidacte interrogé suite à ses récentes expositions à la galerie In My Brain et dans le local de Gangurru (Lyon).

Propos recueillis par Laurent Courau. En parallèle de cette interview, nous vous invitons à consulter notre galerie photographique des sculptures de Scarfos.



Les techniques que tu utilises requièrent de l'espace, de l'outillage et un savoir-faire bien particulier... Comment as-tu appris à travailler le métal ?

En fait, je suis issu d'une famille qui a toujours été, en contact avec le métal. Mon grand-père était déjà chiffonnier, récupérateur de métaux, etc. Et mon autre grand-père avait une fonderie du côté de Villeurbanne. Ma manière de travailler le métal était et reste toujours un peu d'un autre âge. Elle a évolué actuellement avec l'arrivée de nouveaux matériels et en particulier la découpe au plasma, pour ce qui est de travailler le métal « bombé ». Je le travaille actuellement à froid, tout à la frappe.

Pour ce qui est mon espace de travail, il faut une motivation énorme pour travailler dans ces conditions, mais l'envie reste toujours la plus forte.

Justement, ce point est intéressant. Peux-tu nous parler de ton atelier et de ton mode de fonctionnement ?

En fait, en guise d'atelier pour le moment, je crée dans un garage en sous-sol au deuxième niveau, dans l'anonymat le plus total. Les seuls bruits qui viennent ponctuer par moments la journée sont le bruit des portails électriques qui me signalent l'arrivée de personnes.

Ca crée une ambiance, une atmosphère des plus glauques. Je ne sais pas ce que c'est que de travailler à la lumière du jour et en toute quiétude. Mes créations, je les découvre à la lumière du jour, bien souvent en même temps que les gens qui les voient lors de mes expositions. Je m'en amuse, car c'est un peu une deuxième naissance.

Qu'est-ce qui t'a amené à te concentrer sur le métal plutôt que sur une autre matière, le bois ou la pierre par exemple ? Et qu'est-ce qui a motivé ton choix d'un métal généralement brillant, brossé, plutôt qu'un métal rouillé et abîmé, ce que l'on voit aujourd'hui avec l'esthétique steampunk ?

Je trouve le métal magique. Par exemple lorsque l'on soude, cette fusion qui vient solidariser deux éléments à tout jamais et de savoir que même, quand j'aurai disparu mes créations seront normalement toujours là.

J'aime beaucoup travailler avec l'inox. Ce métal a des propriétés exceptionnelles, il ne rouille pas et possède une résistance exceptionnelle. De plus, il faut un certain savoir-faire pour le travailler. Éviter sa déformation constitue par moment un véritable challenge et c'est ça que j'aime le plus.

Plus généralement, comment en es-tu venu à la sculpture. Nous avons eu l'occasion d'en parler, tu as eu une jeunesse plutôt agitée. À quel moment et de quelle manière s'est faite la transition vers une pratique artistique ?

En fait, quand j'ai commencé la sculpture, mes créations étaient énormément torturées. Elles ne touchaient que le corps, en général les scarifications internes et externes que nous inflige la vie. Ce qui vient de mon passé. J'ai côtoyé très très jeune la violence et assisté à beaucoup de scènes difficiles. Et je me rends aujourd'hui compte, avec le recul, que la violence constituait mon quotidien.

Je citais plus haut le courant steampunk. Quels sont les films, les artistes, les auteurs ou les romans qui t'ont influencé ? On peut notamment imaginer que la science-fiction a imprégné ton imaginaire ?

J'ai toujours été fasciné par l'univers de la science-fiction, par ces hommes-machines, fusions bio-mécaniques, conditionnés pour le combat ou alors les découvertes de mondes extraterrestres, qui nous emmènent au-devant de créatures à priori hostiles, mais qui ne font que se défendre contre l'envahisseur. Mon maître à penser dans tous ces domaines est H.R. Giger. Cet homme a su créer et imaginer un univers entier à lui seul.

Sorti de ces formes artistiques (cinéma, littérature et pratiques artistiques), où puises-tu ton inspiration ? On pourrait supposer que tu t'inspires des paysages urbains et des reliefs de la société industrielle, du règne animal, notamment des insectes, ou encore de cultes oubliés avec leurs totems inquiétants...

Pour ce qui est de l'inspiration, j'observe énormément tout ce qui m'entoure, mais tout particulièrement l'être humain. Tout ce qu'il se passe dans le monde, de ces risques sourds qui menacent toutes les nations. Je puise aussi dans mon passé. C'est de là que me viennent mes créations les plus sombres. Mais il est vrai que ça peut aussi venir du monde animal, quand on voit ce que certains insectes ou autres arrivent à faire à leur échelle. Nous n'avons rien inventé dans nos sociétés.

J'aime bien me renseigner et côtoyer différentes religions, car pour moi c'est un véritable mystère : le besoin d'avoir un guide, quel qu'il soit, pour faire la différence entre le bien et le mal, dans ta façon de te comporter avec les autres, etc.

Quelle est ta vision du futur des relations entre l'homme et la machine ? Du métal et de la matière manufacturée face à l'organique homo sapiens ? Tu vois une fusion ou plutôt un affrontement ?

L'homme dans sa fuite en avant, dans sa course à la technologie, sera obligé de compter sur les machines dans un avenir de plus en plus proche ou encore sur l'intelligence artificielle. Car qui dit technologie moderne dit milieu hostile, des besoins de calculs de plus en plus précis, de simulateurs avec des bases de données énormes, etc. Notre terre est sur le déclin. On nous parle de plus en plus d'aller sur Mars, mais on sera obligé d'envisager ce plan de repli pour que l'espèce humaine subsiste.

Mais il est sûr qu'il y aura toujours des dérives avec les nouvelles technologies. Les plus gros budgets sont liés au domaine de la défense, donc tout est imaginable, même le pire.

Si on devait parler d'un message ou d'une vision que tu essaies de faire passer au travers de tes sculptures, quels seraient-ils ? Je sais par exemple que tu as une idée précise de la marche du monde ou plutôt de la manière dont il est contrôlé, voire ordonné... (sourire)

Je vois notre monde comme une piscine à quatre niveaux. Tu as les gens qui restent collés au fond, piétinés par ceux qui se débattent pour atteindre la surface. Puis ceux qui sont arrivés à agripper le rebord et enfin les derniers, très peu nombreux, qui profitent du spectacle allongés sur des transats, en repoussant d'un coup de pied dédaigneux tous ceux qui pourraient les rejoindre.

Il est clair que tous les dirigeants des pays « développés » ont compris depuis fort longtemps qu'il ne faut faire qu'un, pour espérer régner en maître sur la surface du globe.

Le public lyonnais a pu voir tes oeuvres en exposition à la galerie In My Brain dans le quartier de La Guillotière et chez Gangurru, rue Romarin. Quels sont tes prochains projets, à la fois en terme d'exposition que de nouvelles pièces, si tu peux nous en parler ?

Au tout début, je ne voulais pas exposer, car je suis quelqu'un de réservé et j'étais très mal à l'aise dans l'exercice de donner des explications sur mon travail. Mais grâce à des rencontres à taille humaine, à savoir Thierry Ehrmann, Bullitt Ballabeni, Rodolphe Bessey et maintenant Pierre et Paul de la galerie Gangurru, j'ai trouvé une certaine confiance en moi qui m'a permis de franchir le pas et d'y trouver une certaine satisfaction.

Il faut dire que je ne suis pas toujours tombé sur des personnes très ouvertes d'esprit. Elles m'ont tout de suite catalogué et dit de mon travail que c'était une thérapie en sous-entendant que j'en avais besoin. Mais c'est aussi le genre d'hostilité qui m'a poussé à me lancer dans certaines de mes créations, car en eux je trouvais exactement ce que je cherchais. (sourire)

Pour ce qui est des évènements futurs, il y a la soirée steampunk qui est en train de se monter, où l'on pourra exposer pour une certaine durée et d'autres projets pour la fin de l'année, mais rien d'arrêté, toujours en discussion. Mon plus gros projet reste de trouver un vrai atelier, où je pourrai vraiment m'exprimer et mettre en forme toutes les idées que j'ai dû mettre de côté à cause du manque de place. Mais je n'ai jamais perdu, même dans mes créations classées « cyberpunk », le côté torturé. Il y a toujours un détail qui rappelle mes origines artistiques et bientôt mon retour à mes premiers amours.

Question désormais rituelle dans La Spirale... et d'autant plus que tu es père de famille. Comment vois-tu le futur, à la fois d'un point de vue personnel et donc familial, que d'un point de vue plus général ? Comment imagines-tu le futur à l'horizon d'une dizaine ou d'une vingtaine d'années, voire plus loin ?

Pour ce qui est de l'avenir, je le vois très sombre pour l'humanité en général. L'être humain est en train de perdre son statut. Il devient un individu parmi tant d'autres. Les limites de l'horreur sont de jour en jour repoussées. Des affaires comme le petit Grégory sont maintenant quotidiennes en 2011. On est passé à la vente d'organes, c'est pas rien... « vendu sur pied » !

On assiste de plus en plus à des catastrophes, qu'elles soit naturelles ou bien causées par l'homme. Les conséquences deviennent mondiales, qu'elles soient économiques ou climatiques. À la vitesse où vont les choses, on va assister à des exodes de peuples chassés par la misère, l'insalubrité de leurs lieux de vie et qui seront repoussés aux frontières des pays pour le moment épargnés. On assistera à de véritables catastrophes humanitaires.

Un esclavage mondial se met en place, sous le couvert de la mondialisation et tout le monde se dit : « ouf ce n'est pas nous ! » Mais tout le monde est pris dans cette spirale qui va nous mener aux abysses les plus sombres de l'imagination dévastatrice de l'être humain.


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Titre : SCARFOS - Interview
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