PUNISH YOURSELF « DISCO FLESH : WARP 99 »


Enregistrement : Archives de La Spirale (1996-2008)

Cauchemars urbains, overdoses télévisuelles, junkfood et obsessions sexuelles... La Spirale s'est plongée au tournant du millénaire dans l'univers sonore, visuel et psychotrope des techno-punks de Punish Yourself. Après une première immersion musicale et quelques échanges de courrier, la rencontre ne pouvait qu'avoir lieu.

Où il est question de radicalisation, de cyberpunk, de fluorescence et de sexualités polymorphes, une interview datée de l'année 2001, peu de temps après la sortie de l'album « Disco Flesh - Warp 99 », annonciatrice à sa manière des errances du nouveau millénaire, entre décadence sociétale, hystérie connective et effondrement systémique.


Propos recueillis par Laurent Courau.



Photographie par Yaël Paris

Punish Yourself... Votre nom laisse supposer des connexions avec les scènes fétichistes et sado-masochistes. Etes-vous partisans du latex, des chaînes et du fouet ?

Le nom a été donné au départ sans réfléchir à la connotation SM, mais c'est vrai qu'on a toujours ressenti une fascination esthétique pour l'imagerie latex / fetish, ça doit d'ailleurs certainement plus venir des Cramps et du Rocky Horror Show que de Die Form... Par contre, sur scène, on a effectivement des comportements SM, mais ça tient plus à une forme primale de défoulement qu'à l'imagerie sexshop. C'est plutôt treillis et fourrures que latex, mais ça m'est arrivé de casser des néons à mains nues et de me rouler dans le verre, de faire le chien et autres exhibitions/humiliations auto-infligées...

Vous définissez votre style musical comme du PunkIndusTechnoDanceCore en ajoutant que vous êtes sauvages, sexy et que vous aimez baiser tout le monde. Garçons, filles ou autres. Ca me semble tout à fait alléchant et je ne doute pas que les lectrices et les lecteurs de La Spirale aimeraient en savoir un peu plus.

Sur la musique ou sur la baise ? Pour la musique, je crois que PunkIndusTechnoDanceCore résume bien le trip : des machines à bloc, des guitares à bloc, des sons tordus, des beats pour danser... On a des influences autant punk-hardcore que techno-indus, plus d'autres éléments plus exotiques, space rock et glam batcave, alors voila. Pour la baise, je crois que c'est assez explicite. Il y a de tout dans le groupe : gay, hétéro, indéfini... Alors on est preneur sur tous les tableaux, sauf animaux jusqu'à nouvel ordre. Quant à ce qui est de "sauvages et sexy", il faut venir nous voir pour comprendre vraiment...

Quels furent vos premiers contacts avec l'informatique et les nouvelles technologies ? Et à quel moment avez-vous décidé de les utiliser dans votre musique ?

J'ai acheté ma première boite à rythme à dix-sept ans. Depuis, je ne l'ai pas lachée, le reste a suivi (par contre, je n'ai longtemps travaillé qu'avec du hardware dédié, je n'étais pas du tout attiré par l'informatique, je trouvais que c'était plus vivant avec des cables, des boutons et des afficheurs lumineux, le PC est venu plus tard). Pendant longtemps, je ne m'en servais que chez moi, tout seul, Punish était un groupe sans machine. On faisait du punk gothique... Mais comme en fait on écoutait surtout Ministry, Front 242, les Lords Of Acid, on a bien fini par se rendre compte de ce qu'on voulait vraiment faire...

Votre univers évoque l'ambiance nocturne, urbaine et décadente d'une mégapole futuriste alors que vous vivez dans le sud de la France au pays des grillons et du pastis au mètre. On vous verrait pourtant mieux dans un squatt de la banlieue tokyoïte ou dans les caves d'une usine désaffectée de Berlin Est. Comment gérez-vous ce décalage méridional ?

Il y a de très beaux squatts, caves et usines désaffectées à Toulouse, et je peux te garantir que tu n'y entendras jamais un grillon. Toulouse est une ville où on sent parfaitement les vibrations urbaines... C'est sûr, c'est pas Tokyo, Berlin ou Detroit, mais on en a déjà un avant goût...

On reconnaît entre autres choses un extrait du speech d'introduction de Faster Pussycat Kill Kill sur votre dernier album. Quelles sont vos sources d'inspiration et vos références artistiques ? Que ce soit en musique, en cinéma, en littérature, en graphisme ou sur tout autre support de création...

Bravo pour Russ Meyer, tu es le premier à t'en rendre compte. C'est vrai qu'on parle beaucoup cinéma dans les textes (plus dialogues samplés), et comme on a tout un visuel scénique, il y a forcément des inspirations. En films, quelques grands classiques : La Nuit Du Chasseur, The Rocky Horror Show, Richard Kern, tout ce qui est cinéma Z, le X... Pour les arts graphiques, le Pop Art, Jack Kirby, les comics des années soixante, Druillet... On s'inspire moins directement de littérature, moi je suis très branché SF (Spinrad, Zelazny, Dantec...) mais ça contribue plus à une atmosphère générale qu'à des références précises.

Vous dîtes défendre les libertés sexuelles mais ce débat a-t-il encore lieu d'être ? Quitte à me faire l'avocat du diable, je me demande si les minorités sexuelles n'ont pas gagné la guerre médiatique et si ce n'est pas actuellement au tour des forces les plus réactionnaires de se trouver en position de dissidence.

Est-ce qu'une guerre gagnée médiatiquement est gagnée sur le terrain ? Ca reste à prouver... L'homosexualité est beaucoup mieux acceptée, mais la sexualité (en général) reste un sujet qui fâche. On ne veut pas être des militants "politiquement corrects" des causes homo, nous on ne parle pas d'amour et de vie commune romantique, mais de sexe hardcore. Et ça, ça passe encore mal avec pas mal de gens... Quant au fait que les forces réactionnaires se retrouvent en position de dissidence, c'est un de leurs déguisements préférés, non ? En tout cas, c'est la tactique générale de l'extrême-droite de se poser en minorité opprimée...

Quels sont les groupes dont vous vous sentez proches en ce moment et que pensez-vous, plus généralement, de la scène musicale française ? Est-ce que vous ne vous sentez pas un peu isolés ?

On se sent vraiment en phase avec des groupes comme GRRZZZ (géant !), LT-No, Fast-Forward, ou la scène techno hardcore (Micropoint, Manu Le Malin, Laurent Hö...). Le milieu cyberpunk/indus n'est pas très étendu, mais il est très actif, alors non, on ne se sent pas isolés. Il y a aussi de très bons groupes dans d'autres styles, les Jerry Spider Gang par exemple...

Parlez-nous de vos prestations scéniques, dont la réputation n'est plus à faire. On sait que vous jouez couverts de peintures fluorescentes sous des lumières noires et que vous vous servez de projections vidéo mais encore ?

L'essentiel, c'est la lumière noire et le fluo. Les vidéos, ça dépend des occasions... On a aussi toute un dispositif avec des "décors", des grilles de chantier devant la scène, plus les stroboscopes, quand c'est possible, on bosse avec des performeurs (danse, surtout), on est d'ailleurs ouverts à toutes les propositions dans ce sens. Mais de toute façon, ce qui fait la différence entre nous et les autres, c'est qu'on n'a pas ni limites ni inhibitions.

Pour quand est prévue votre prochaine tournée, qu'on attend d'ailleurs avec impatience, et quand aurons-nous le plaisir de vous voir sur scène en région parisienne ? Et peut-être au passage un petit mot pour toutes les groupies qui vous attendent avec impatience ?

On recommence à tourner à la rentrée, à part quelques dates au Portugal fin juillet et un festival dans le sud-est fin août. Les dates ne sont pas confirmées pour le moment, mais on y sera, venez voir sur le site pour les infos... Quant aux groupies, je leur dis, au sens littéral : "Fuck You".

Comment voyez-vous l'avenir et les prochaines décennies ? Apocalypse climatique, mutations, guérilla urbaine et pandémies ? Renouveau spirituel, mysticisme et avènement de l'âge du verseau ?

Pour le merdier climatique, c'est bien parti. Quant aux guérillas urbaines, les mouvements anti-mondialisation ne vont pas en rester longtemps aux petites bagarres gentilles, la radicalisation terroriste est en route, comme après 68... Je conseille à tout le monde de lire la série des Jerry Cornelius, de Michael Moorcock. Ca a été écrit entre 68 et 76, mais on y sent déjà le goût d'apocalypse au ralenti qu'on commence à vivre...

J'ai lu sur le site Industry 666 que votre prochain album s'intitulera Sexplosive Locomotive. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vos projets discographiques ainsi que sur Geisha Machine, votre label ?

Ce troisième album sortira début 2002, on a commencé à l'enregistrer. On ne sait pas encore s'il sortira chez Geisha Machine ou sur une structure plus grosse... En fait, Geisha Machine est une structure qu'on a monté nous même, pour être indépendants. Pour l'instant on manque d'argent pour produire d'autres groupes, mais c'est prévu, on va sortir le disque de PFX68 (side-project pur indus de notre bassiste), par exemple. S'il y a des gens interessés pour travailler avec le label, qu'ils nous contactent, on verra ce qu'on peut faire. Le seul critère, c'est l'esprit cyberpunk.


Commentaires
sentinelle - 2010-11-05 13:20:17
On vous verrait pourtant mieux dans un squatt de la banlieue tokyoïte Je suis bien d'accord et je trouve ça encore étonnant que Punish n'est pas participé à la b.o d'Enter The Void, quelqu'un peut avoir l'amabilité de contacter Noé pour lui faire écouter PY (ce ne serait pas déjà fait..)

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A propos de cet article


Titre : PUNISH YOURSELF « DISCO FLESH : WARP 99 »
Auteur(s) :
Genre : Interview
Copyrights : La Spirale.org - 1996-2008
Date de mise en ligne :

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Punish Yourself - Une interview tirée des archives de La Spirale.

A propos de La Spirale : Née au début des années 90 de la découverte de la vague techno-industrielle et du mouvement cyberpunk, une mouvance qui associait déjà les technologies de pointe aux contre-cultures les plus déjantées, cette lettre d'information tirée à 3000 exemplaires, était distribuée gratuitement à travers un réseau de lieux alternatifs francophones. Sa transposition sur le Web s'est faite en 1995 et le site n'a depuis lors cessé de se développer pour réunir plusieurs centaines de pages d'articles, d'interviews et d'expositions consacrées à tout ce qui sévit du côté obscur de la culture populaire contemporaine: guérilla médiatique, art numérique, piratage informatique, cinéma indépendant, littérature fantastique et de science-fiction, photographie fétichiste, musiques électroniques, modifications corporelles et autres conspirations extra-terrestres.

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