SONIA BIBLE « THE WITCH OF KING CROSS »
Enregistrement : 02/09/2020
Mise en ligne : 02/09/2020
BILLETTERIE & INFORMATIONS
03 Septembre 2020 - 22H00 - Salle 300
Première mondiale du film
04 Septembre 2020 - 14H15 - Salle 300
Site officiel : ÉtrangeFestival.com
PRÉSENTATION DU FILM
Sydney, années 50. Rosaleen Norton s’est spécialisée dans la peinture occultiste, pleine de sabbats infernaux exhalant une sexualité débordante. Dans une Australie conservatrice, la sorcière de Kings Cross n’allait pas tarder à être accusée d’obscénité, de s’adonner à des rituels sataniques et autres orgies.
Au fil des mots de Rosaleen Norton et d’interviews, Sonia Bible explore le destin stupéfiant de cette peintre qui se disait sorcière depuis sa naissance – en observant médusé son physique surnaturel, comment ne pas la croire ? –, de cette figure de libération féminine bien trop en avance sur son époque. The Witch of Kings Cross nous immerge dans ses toiles insensées, associant documents d’archives et chorégraphies infernales autour d’une Rosaleen fictive. Ayant toujours réfuté le terme de satanisme, avec une conception païenne et panthéiste de la sorcellerie inspirée des travaux d’Aleister Crowley, elle opère dans la vie comme dans l’œuvre l’éloge d’une magie sexuelle affranchie de toutes règles morales ou religieuses. The Witch of Kings Cross offre le fascinant portrait d’une insoumise et le témoignage d’un art des extrêmes qui efface les frontières du bien et du mal, du fantastique et du réel.
Propos recueillis par Laurent Courau.
Traduction par Éric Francoiseau.
Lorsque j’ai commencé à mener des recherches pour The Witch of Kings Cross en 2013, j’ai été immédiatement frappée par la bravoure et la détermination de Rosaleen Norton. C’était une femme sauvage et créative, qui avait des décennies d’avance sur son temps. Elle n’a jamais abandonné ses quêtes artistiques, malgré les tracas et les complications que lui causaient les autorités. Ce fut pour moi une grande source d’inspiration. J’ai dû retrouver en moi une partie de cette force pour achever ce film sur une période de sept ans. Plus les diffuseurs Australiens et les organismes de financement cinématographique rejetaient l’idée, plus je m'avérais déterminée à leur prouver leur erreur.
Avec le recul, je pense que cela devint une obsession. Au départ, je n’étais pas fan de son art. J’étais davantage intéressée par l’histoire de la femme rebelle, le portrait que les médias dressaient de Rosaleen et l’effroi que ce qu'elle représentait causait à la société australienne. Plus j’en apprenais sur le symbolisme et la philosophie derrière l’art, plus j’appréciais et respectais ce travail. J’ai fait un gros travail de recherche sur les mythologies grecque et païenne, sur les enseignements de la Kabbale et Aleister Crowley. Malgré tout, pour moi, c’est la philosophie de Carl Jung qui m'a le plus aidé dans ma compréhension du sujet. A l’université de Sydney, j’ai suivi un cours de six semaines sur Carl Jung et l’alchimie, à une époque où j’étais justement bloquée sur le film.
Vous avez dit que « se retourner sur la vie de Rosaleen Norton et la manière dont elle fut persécutée nous aide à mieux nous comprendre aujourd’hui ». Est-ce que vous voyez un lien entre ce qu’a dû affronter Rosaleen Norton dans les années 1950 et l’expansion mondiale du féminisme en 2020 ? Qu’est-ce que cela nous dit de l’état actuel du Monde ?
Rosaleen Norton célébrait le culte du dieu Pan, le dieu de la nature. En Australie, elle fut cataloguée comme sorcière par les médias, comme marginale par la communauté artistique, mais ses idées étaient vraiment belles. Les femmes puissantes se font toujours traiter de sorcières par les médias et aujourd’hui, plus que jamais, nous devons (re)commencer à prêter l’oreille à la voix de la nature. En tant que commentatrice, Kristina Dryza dit dans le film : « c’est l’avènement du divin féminin ! »
« Le véritable Ange Déchu est l’esprit de l’humain. Dès lors que l’humanité devient plus civilisée et agresse de plus en plus la Nature, celle-ci, en conséquence, n’a d’autre choix que de se déclarer son adversaire. Si pour une quelconque raison quelqu’un souhaite rechercher le mal absolu, il lui suffira de se tourner vers le cœur de nombre de ses semblables. »
― Rosaleen Norton
Au vu de sa bande-annonce, The Witch of Kings Cross semble mélanger plusieurs médias tels que des archives, de la danse, des séquences d’animations. Qu’est-ce qui vous a amené à cette narration particulière ?
J’ai été amenée à prendre des risques avec la direction créative de ce film, pour rester fidèle à l’esprit de Rosaleen Norton. Je voulais visualiser son monde intérieur et ses croyances spirituelles. Et je désirais aussi fortement que le film possède un caractère érotique, car c’était clairement la sexualité de Norton que les autorités trouvaient si menaçante. Ainsi, choisir des danseurs pour les rôles des figures de Pan, de Lilith et de Lucifer tels qu’ils sont représentés dans les œuvres de Norton me semblait être une idée passionnante. Représenter les transes et les expériences de magie sexuelle de Norton par des dieux et déesses aux corps sexy, se contorsionnant en jouant sur une scène souterraine bohème.
Il y a deux ans, nous avons découvert deux collections privées considérables qui rassemblent des œuvres d’art, des journaux intimes et des carnets de croquis et de notes. J’ai incorporé des extraits des journaux intimes dans le script pour que Rosaleen raconte sa propre histoire. Nous avons animé quelques-unes des pages d’écriture, croquis, articles de journaux et dessins. Le film est comme une exposition itinérante de cet art et de ces objets rares et extraordinaires que nous avons exhumés et répertoriés au fil des années. J’espère que ce sera pour quelques personnes une fenêtre sur le monde d’un génie méconnu.
Quelles ont été, à ce jour, les réactions du public lors des projections de The Witch of Kings Cross ? Les gens étaient ils en empathie avec le sujet ? Avaient-ils de la sympathie pour Rosaleen Norton et sa vie de femme hors-la-loi intrépide et son génie indiscutable ?
La projection du jeudi 03 septembre à l’Étrange Festival sera la « première » mondiale. Le film n’a jamais été montré au public jusqu’à maintenant. Il n’y a même pas eu de projection pour l’équipe du film ! Nous sommes ravis que cette « première » se tienne en France. Par-dessus tout, nous sommes enthousiasmés à l’idée que le travail de Rosaleen Norton soit vu et apprécié en Europe, quarante ans après sa mort. J’aimerais vraiment être présente et écouter ce que le public français en pense.
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