JOHN HIGGS « THE KLF: CHAOS, MAGIC & THE BAND WHO BURNED A MILLION POUNDS »


Enregistrement : 28/03/2017

The KLF, Robert Anton Wilson, The Justified Ancients of Mu Mu, Alan Moore, Principia Discordia, Timothy Leary, le Cabaret Voltaire de Zurich...

Autant de noms qui évoquent un tumulte salvateur, qui illuminent de par leur simple mention la pénombre culturelle de nos années 2.0 et qui figurent tous au registre de l'excellent The KLF: Chaos, magic and the band who burned a million pounds de John Higgs, biographie non autorisée et néanmoins amplement documentée du fameux duo électronique britannique de la fin des années 1980 et du début des années 1990.

Mais au-delà de l'épopée des auteurs de What Time Is Love?, le livre se démarque en dévoilant des connexions inattendues au coeur de la culture populaire de la seconde moitié du vingtième siècle, parmi lesquelles le lecteur croise Lee Harvey Oswald en compagnie de l'un des inventeurs du discordianisme, les descendants des Illuminés de Bavière, Echo and the Bunnymen face à Carl Gustav Jung ou encore James Joyce.

En résumé, un ouvrage passionnant. À ranger aux côtés du Lipstick Traces de Greil Marcus, pour son approche décomplexée de l'histoire secrète des récentes décennies.


Propos recueillis par Laurent Courau.
Traduction par Ira Benfatto.



John Higgs, en compagnie d'Alan Moore

Pour commencer, j'aimerais vous remercier d’avoir écrit ce livre, oh combien inspirant. Il m'évoque ces 45 tours des années 1970 qui ont motivé plein de gamins à créer leurs propres groupes de punk. De la même manière, je pense que ce livre a le pouvoir de motiver plus d'un écrivain à se mettre au boulot, à commencer par moi-même. Quelles ont été vos grandes sources d'inspiration au fil des années, pour en arriver à un tel ouvrage ?

La réponse est contenue dans le livre lui-même. Des auteurs tels que Bill Drummond, Alan Moore et Robert Anton Wilson font partie des personnes qui m'ont influencé, depuis toujours. Et ce livre s'est présenté à moi comme un exercice d'écriture autour de ce qui m'inspire le plus. C'est la recette d'un bon bouquin. J'espère qu'il apportera enthousiasme et amour au travers de ses pages. Ça explique aussi pourquoi il est autant question de Doctor Who dans cet ouvrage !

Plus spécifiquement, qu'est ce qui vous a amené à écrire ce livre ? Étiez-vous fan du groupe et de leur musique ? Quelque part, je n'ai pas l'impression que l'on se doive d'écouter KLF pour rentrer dans l'esprit du groupe.

Non, je ne faisais pas partie des fans du groupe et il n'est absolument pas nécessaire de s'intéresser à leur musique pour lire le livre. À l'époque, la musique était une affaire de tribu et je m'intéressais au heavy-metal, ce qui veut dire que je n'étais pas autorisé à écouter de la dance-music, c'était la règle.

C'est lorsqu'ils ont brûlé le million de livres sterling qu'ils ont attiré mon attention. Ce geste dépassait mon entendement, ce qui prouve bien que ma compréhension du monde était limitée. Je me suis trouvé incapable de l'assimiler et de passer à autre chose.



Combien de temps vous a pris l'écriture de The KLF: Chaos, magic and the band who burned a million pounds ? Ce livre contient une telle somme d’informations, depuis l'histoire du discordianisme jusqu'au système bancaire moderne, en passant par le Cabaret Voltaire, l'Internationale situationniste, l'histoire personnelle de Bill Drummond, les liens étranges entre Carl Jung et Liverpool, etc.

Je l'ai écrit très vite. Je crois que ça m'a pris trois mois. Mais bien sûr, j'y pensais depuis vingt ans, ce qui explique l'abondance d'informations. Mon travail d'écriture a juste consisté à coucher mes conclusions sur papier.

Avec le recul, que pensez-vous de KLF ? Est-ce que vous les voyez comme une farce contre l'industrie de la musique déguisée sous la forme d'un groupe ou comme un groupe déguisé sous la forme d'une farce contre l'industrie de la musique ? Note pour nos lecteurs, cette question fait référence à une interrogation fameuse sur le discordianisme.

Je ne vois pas du tout KLF comme une farce, ce qui ne veut pas dire non plus que ce n'était pas extrêmement drôle. Je pense qu'ils étaient très sincères dans ce qu'ils ont fait. Comme le dit le comique britannique Stewart Lee : « le tabou ultime est un homme qui essaie sérieusement de faire quelque chose de bien ».



D'un point de vue personnel, que pensez-vous de cette action de brûler un million de livres sterling ? Je suis assez d'accord avec l'idée que vous énoncez d'un sortilège jeté contre le système financier qui a forgé notre XXIème siècle, dépassant de loin l'idée d'une action vaine commise par « deux cons en mal de publicité », pour citer une autre hypothèse.

Aujourd'hui, ça tient plus pour moi du sacrifice, de la destruction de quelque chose de valeur, sans aucun désir rationnel de récompense matérielle, mais l'espoir de pardon ou d'état de grâce. Le sacrifice a été pratiqué dans toutes les cultures à travers le monde, il est donc inscrit en nous. C'est pourquoi nous pouvons encore et toujours en trouver des exemples parmi nous, parmi les hommes sophistiqués du monde moderne.

Considérant que l'industrie de la musique ou du divertissement a tellement changé depuis le début des années 1990, où pensez-vous qu'il pourrait encore se produire une telle fracture du la réalité consensuelle ?

Je pense que ça peu se produire partout ! Je parle beaucoup dans ce livre du grand projet discordien intitulé « Operation Mindfuck », qui impliquait la propagation d'une certaine confusion au travers de fausses informations dans le but d'arracher les gens de leur vision limitée de la réalité.

Et à l'époque des fake news, de Trump et du Brexit, c'est devenu la réalité de masse de notre culture. Malheureusement, les techniques de l’« Opération Mindfuck » ont été retournées contre nous et instrumentalisées par la droite, ce qui est loin d'être drôle.

Mais nous nous y adaptons. Aujourd'hui, il nous est devenu naturel de ne pas accepter aveuglément une histoire telle qu'elle nous a été présentée, mais de nous demander qui nous raconte quoi et dans quel but. Un changement positif à n'en pas douter.

Est-ce que vous diriez que le système s'est endurci à l'égard de tels actes de piraterie depuis le début des années 1990 ?

Oui, absolument. Et c'était à prévoir. Comme pour l'anarchie sur les océans à l'âge d'or de la piraterie, le chaos se devait tôt ou tard d'attirer les forces de régulation et de l'ordre, sous la forme des lois internationales. C'est l'évolution naturelle des choses.



Qu'est ce qui vous amené vers ces génies de la contre-culture que sont Timothy Leary, Robert Anton Wilson, Alan Moore et le KLF ? J'ai noté qu'Alan Moore s'est montré très élogieux à propos de votre livre. Partagez-vous son opinion sur la nécessité d'une nouvelle contre-culture ? Si oui, quel serait d'après vous le meilleur moyen de développer, aider à la naissance d'une nouvelle contre-culture ?

La contre-culture de la fin du XXème siècle, à travers ses manques et ses maladresses, a permis à la question de l'humain de revenir au centre de nos réflexions et d'évoluer.

Auparavant, les classes supérieures occupaient cette position. Ils soutenaient les artistes, les architectes et les musiciens et exploraient les voies du luxe et de la beauté. Quand ils ont cessé d'encourager quoi que ce soit de nouveau, la contre-culture a émergé et rempli cette fonction.

Comme le dit Alan Moore, le développement d'internet a tué la possibilité d'identifier toute contre-culture. Pour autant, je ne crois pas que nous devions pour espérer une nouvelle élite contre-culturelle.

Je crois que le message de cette ère de la communication connectée est que vous devez, vous et vos amis, jouer votre rôle et explorer par vous-même ce que signifie « être humain ». Vous n'avez plus besoin d'icônes pour vous ouvrir la voie. Rien ne vous retient plus, vous n'avez plus besoin de permission.

Vous avez écrit la préface de la récente réédition de l'immense Cosmic Trigger: The Final Secret of The Illuminati de Robert Anton Wilson. Que diriez-vous à nos lecteurs pour les motiver à lire RAW et à s'échapper un peu plus de leurs tunnels de réalité normative ?

Je dirais que Robert Anton Wilson fait partie des très rares individus à avoir absorbé la globalité des enseignements du 20e siècle, en se montrant capable de leur donner du sens. Au lieu de se réfugier dans la peur comme la plupart des écrivains et des penseurs de cette période l'ont fait.

De plus, il était très drôle. Donc, si vous savez apprécier ou à l'inverse faire l'impasse sur ses manières d'excentrique californien des années 1970, je le vous le recommande.

La question « et après ? » ressurgit ça et là, sous différentes formes, au fil des pages de votre livre. Depuis The KLF: Chaos, magic and the band who burned a million pounds, vous avez écrit deux livres que j'ai hâte de lire : Watling Street: Travels Through Britain and Its Ever-Present Past et Stranger Than We Can Imagine: Making Sense of the Twentieth Century. Comment voyez-vous cet après ? Et comment percevez-vous le futur en général ?

La manière dont j'envisage le futur constitue justement le sujet de mon prochain bouquin, celui sur lequel je travaille en ce moment.

Il se passe un truc, dans les changements que l'on peut observer entre la génération des millénials et celle des posts-millénials. Combinés avec l'intelligence artificielle, les évolutions technologiques, les questions de l'emploi et l’environnement, il me semble que l'on tend vers quelque chose de vraiment intéressant. Et potentiellement bien plus positif que ce que ma génération, la cynique génération X, avait laissé présager.

C'est ce que j'espère en tout cas ! Et écrire ce livre m'a rendu considérablement plus optimiste que je ne l'étais auparavant au sujet de notre futur.



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Titre : JOHN HIGGS « THE KLF: CHAOS, MAGIC & THE BAND WHO BURNED A MILLION POUNDS »
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