JOSH SINBAD COLLINS « FAGS IN THE FAST LANE »


Enregistrement : 20/08/2018

Vingt ans après Perv Parlor (1995) et Pervirella (1997), dans lesquels un bordel démoniaque multidimensionnel voyage à travers le temps jusqu’à une société techno-victorienne et une secte de pervers lutte contre l’oppression des sens imposée par la reine Victoria, dans la colonie britannique fictive de Condon, Josh Collins, dit « Sinbad », revient pour notre plus grand plaisir à la réalisation avec son dernier opus, au titre explicite : Fags in the Fast Lane *.

* « Pédés sur la voie rapide », dans la langue de Molière.



Prenez une bonne dose de Flesh Gordon, quelques pincées de Pink Flamingo, trois cuillerées de Faster, Pussycat ! Kill ! Kill ! Mixez le tout avec un peu (beaucoup) de rockabilly et vous obtiendrez le cocktail explosif et étrange de satire, d'humour, de démesure et d'irrévérence, qu'est ce film de gaysploitation australien.

Utilisant avec virtuosité tous les codes du genre : la fausseté du jeu des acteurs, l’outrance, le mauvais goût, les répliques cultes, les décors et les costumes « do it yourself », Fags in the Fast Lane fait partie de ces films qui ne se vendent jamais mieux qu’au travers du résumé que l'on peut en faire :


« Alors que le super-héros Sir Beauregard, alias The Cockslinger (réincarnation parfaite du Baron Rouge, si celui-ci s’était mis au strip-tease), venge une vague d’attaques violentes sur la communauté gay, sa mère, Kitten (jouée par la célèbre vixen de Russ Meyer et star du porno, Kitten Navidad), propriétaire d’un bordel… tout à fait unique, se voit trahie et volée par sa lieutenante Billy Jean, qui agit pour le compte de Wanda la Géante, chef de file d’un gang de danseuses burlesques démoniaques. Aidé par une princesse perse travestie et d’un eunuque assassin de Bollywood (joué par King-Khan), cette équipe improbable de justiciers se lance à plein gaz dans un festin rock ’n’roll de violence efféminée, à la recherche du précieux butin : le Phallus d’Or, godemiché magique qui confère à son propriétaire chance… et l’assurance d’une sexualité débridée. »

Entretien et interprétation par Ira Benfatto.



Kitten récupèrera-t-elle son puissant talisman phallique? Réponse sur les écrans de l’Étrange Festival. Projections en ouverture du festival, le mercredi 05 septembre à 19:15, puis le lundi 10 septembre à 16:45.

Plus d'informations sur le site officiel de l'Étrange Festival 2018.





En regardant le trailer, je ne peux m’empêcher de penser aux films de John Waters, de Ted V. Mekels, de Mike Kuchar et bien sûr de Russ Meyer à qui vous avez emprunté la vixen Kitten Navidad. Et c’est avec plaisir que je vois resurgir l’esprit débridé, outrancier et bordélique des films indépendants bricolés entre freaks dans les années 1960 et 1970. S'agit-il d'une filiation que vous revendiquez ? Est-ce par amour des films d’exploitation que vous avez quitté l’Angleterre pour l’Australie, terre sainte du genre ?


J’adore toutes ces références, et c’est vraiment ce niveau de film que je vise. J’organise depuis longtemps des soirées rétros, je monte des bars fantaisies et je tente d’apporter cette énergie et le chaos du spectacle vivant à mes films. Je n’essaye pas du tout de faire quelque chose de poli et raffiné, ou de culturel. C’est ce qui prédomine, mais moi, j’adore les imperfections, la laideur, la différence (vive la différence !) et le crade, surtout quand il s’applique au cinéma.

Je suis aussi un grand fan de bandes-dessinées érotiques franco-italiennes telles que MaghellaSatanikaCorto MalteseBD Sexy. Et aussi Hara Kiri, qui m’a toujours étonné (ce Professeur Choron, il va toujours « trop loin »).

Quand je regarde le programme du Melbourne International Film Festival, tous les films bénéficient de la même description : « un film soigneusement réalisé, avec une compétence toute professionnelle ». Blah blah blah et hop, on s’endort… Où est l’énergie du punk, le chaos et le délire d’une fête réussie ? C’est ce que j’aime, pas la perfection. Notre première critique du film, après une avant-première en Allemagne était quelque chose comme « chaos total en provenance d'Australie ». Je n’avais jamais vu ce genre de langage utilisé pour parler d'un film !

Je vis aujourd’hui en Australie, parce que je trouve que c’est un bon mélange entre l’Europe et l’Amérique, avec toujours ce côté « frontière sauvage ». Mais en vérité, il faut se battre ici pour faire un cinéma différent ! L’industrie du cinéma, comme dans la plupart des pays anglophones, est dominée par les questions politiques, et je me fous de ça ! Il faut trouver les moyens, comme nous, de faire un film en dehors de l’establishment culturel Australien.



Auparavant, vous avez tourné beaucoup de courts-métrages et de clips retraçant les pérégrinations de groupes garage des 90s’, organisé des festivals de rock en Espagne, tenu des bars rock en Angleterre comme en Australie. Il semble que la musique tient une place prépondérante dans votre vie. Une affiche de Fags in the Fast Lane annonce « a camp and crazy rock n’roll movie », King Khan (des King Khan & The Shrines), à l’instar de Meatloaf dans le Rocky Horror, joue le vilain Hijra. Quelle place tient exactement la musique dans ce film ?

La musique est suprêmement importante dans tout ce que je fais. J’ai même du mal à parler avec quelqu’un qui aime la musique BCBG (Cyndi Lauper, U2 ou Bruce Springsteen). J’imagine souvent la bande-son d'une scène, avant son action. Après avoir travaillé toute ma vie dans le spectacle, je connais beaucoup de musiciens et d'artistes de cabaret, qui se retrouvent donc dans mes films. Souvent, les acteurs s’enfuient lorsque je les approche !

J’ai travaillé avec Raul Sanchez, un éminent guitariste australien. Il a dû créer de nombreux morceaux pour le film. De la techno, du Elvis, du heavy-metal, de la disco, du sexy, du maritime, etc. J’ai bien élargi son répertoire ! Je lui envoyais des extraits de musique d’albums oubliés de tous, avec l’instruction de « faire quelque chose dans ce genre ». Il a brillamment relevé chacun de mes défis.

Vingt années sont passées depuis la réalisation de votre dernier film Pervirella (co-réalisé avec Alex Chandon). Qu’est-ce qui vous a éloigné du cinéma, mais surtout qu’est ce qui vous y a ramené ?

Généralement ça me prend deux ou trois ans pour réaliser un film, mais Pervirella était une oeuvre si grande, j’avais vraiment besoin de reprendre mon souffle à la fin. Ce qui a un peu trop duré. Je regrette un peu ne pas avoir fait quelques films entre-temps, surtout que je disposais de superbes locaux pour les filmer.

Le parc d’attractions infâme Zombie Zoo et la boite de nuit Deviles Pad, que j’ai construits, auraient fait de superbes lieux de tournage. C’est surtout quand le Luwow, l'une de mes boites fantaisies à Melbourne, se préparait à fermer que nous nous sommes dit que nous devions filmer un truc dedans, afin que le lieu ne disparaisse pas complètement. J’avais l’idée de faire Fags in The Fast Lane dans un coin de ma tête depuis pas mal de temps… puis j’ai croisé Kitten au festival Tiki Oasis et c’est parti!

Quels sont les principaux obstacles, lorsque l'on décide de monter un tel film où même le titre fait figure de balle que l’on se tire dans le pied ? Combien de temps êtes-vous resté en production ?

Faire n’importe quel film comporte des obstacles ! Mais c’est vrai, je ne me rends pas la vie facile ! Simplement, je ne vois pas d’intérêt à la normalité, alors il faut suivre des chemins plus clandestins, même si ça en emmerde quelques-uns. Le problème ne se situe pas dans le film, mais dans ce que les gens pensent du film sans l’avoir jamais vu !

Je me retrouve toujours affublé du label « trop problématique ». Lorsque j’arrive à montrer mes films, la plupart des gens les adorent, mais c’est difficile ! Heureusement, il y a des festivals courageux comme l’Étrange parce que, sans eux, je n’aurais aucune salle pour les diffuser.

La production a duré plus de deux ans. Il fallait au moins un mois pour fabriquer chaque décor et tous ces costumes! Tout ça, tout en manageant un club et en organisant des fêtes tous les week-ends.



Pouvez-vous nous raconter l’anecdote la plus folle ou la plus absurde du tournage ?

King Khan n'était à Melbourne que pour un jour et demi de tournage. Et néanmoins à l’aide d'un fond vert pour de l'incrustation, de deux doublures et d’un mannequin déguisé, il est présent dans la moitié du film. Il a même remporté le prix du « meilleur second rôle » lors du festival de films Maverick aux USA.

Le « Phallus d’Or » du film fait dorénavant partie des collections permanentes du musée du Pénis de Cynthia Plaster Caster, entre ceux de Jello Biafra et Jimi Hendrix !

Quand on filmait la scène de sexe dans la Dodge, entre Salomé et Beau, la voiture était garée devant ma maison. On était tellement à fond dedans, que je n’ai pas remarqué le grand groupe de spectateurs qui regardait par dessus le mur du jardin qu’à la fin de la scène!

À une époque où la culture queer tend principalement vers la normalisation et son acceptation par la culture de masse, je trouve essentiel que des films tels que le vôtre existent. Et plus encore, je salue le fait qu’un super-héros gay fasse enfin son apparition sous les traits de Beau Cockslinger. Il était temps ! Quelle était votre intention avec ce joyeux bordel ?

Mon intention était (et reste toujours) de foutre un joyeux bordel !






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Titre : JOSH SINBAD COLLINS « FAGS IN THE FAST LANE »
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Genre : Création
Copyrights : Ira Benfatto / LaSpirale.org
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Présentation

Vingt ans après Perv Parlor (1995) et Pervirella (1997), dans lesquels un bordel démoniaque multidimensionnel voyage à travers le temps jusqu’à une société techno-victorienne et une secte de pervers lutte contre l’oppression des sens imposée par la reine Victoria, dans la colonie britannique fictive de Condon, Josh Collins, dit « Sinbad », revient pour notre plus grand plaisir à la réalisation avec son dernier opus, au titre explicite : Fags on the Fast Lane.

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