SPOMENICI « MONUMENTS OUBLIES DE L'EX-YOUGOSLAVIE »
Enregistrement : 23/02/2017
Mise en ligne : 23/02/2017
On y trouve cependant une concentration plus importante en Croatie, Bosnie et Serbie. La plupart de ces monuments, à l'architecture brutaliste, célébraient la guerre patriotique des troupes yougoslaves contre l'envahisseur nazi. Ils attisent aujourd'hui un intérêt croissant.
Article et photographies de Guillaume Origoni
Cet intérêt est catalysé par plusieurs facteurs.
Tout d'abord, du point de vue architectural et esthétique, les Spomenici sont d'une incontestable originalité. Ils ne correspondent pas aux critères occidentaux ou orientaux, et ils se distinguent de l'architecture totalitaire et nationaliste de l'ex-bloc de l'Est, illustrant ainsi ce que fut la Yougoslavie titiste : un« objet » à part dans le monde communiste, mais aussi dans son rôle d'État leader des non-alignés.
Les Spomenici entretenus dégagent quant à eux une puissance et une énergie« païenne » que l'on ne trouve nulle part ailleurs.
Enfin, il est important de savoir que ces monuments sont aujourd'hui l'enjeu d'une compétition mémorielle, exacerbée par le désordre politique, social et culturel issu de la dislocation de l'Ex-Yougoslavie.
Il ne s'agit donc pas ici et maintenant de traiter un sujet historique mais de rendre compte partiellement de la fascination qu'exerce sur certain d'entre nous cette architecture à la fois totalitaire, alien, et qui fait objet d'une pop-culture qui dépasse le cercle des urbexeurs.
Une communauté informelle se crée peu à peu entre ces« initiés » qui ont organisé eux-mêmes des circuits suivant l'implantation des Spomenici sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Les motivations ne sont pas toujours convergentes. On croise sur place des architectes étonnés que d'autres soient attirés par ces monuments, des familles qui décident que les vacances au bord de la mer« ça va comme ça ! », des artistes plasticiens, des vidéastes, des graffeurs, des vandales, des urbexeurs. Et souvent on y croise peu ou aucun de ses semblables. On croise aussi la population locale, lorsque l'un des Spomenici se trouve dans une zone de villégiature.
L'ex-Yougoslavie est un Far-West culturel.
Ainsi, un groupe de skateur a décidé de rider le mythique monument de Podgaric (probablement le plus emblématique) en Croatie, alors que 3 photographes de Prague ont lancé un crowfunding pour shooter 21 Spomenici en 30 jours. On trouve également une participation croissante (dont l'auteur de ces lignes) permettant au site Internet Atlas Obscura de référencer plus précisément la localisation des monuments.
Nous n'y trouverions plus rien de brutaliste et totalitaire. Plus rien de yougoslave ou de balkanique. Rien qui puisse nous faire vivre des instants de liberté et d'anticonformisme. Est-ce qu'il s'agit ici d'une posture snob, identique à celle des fans de la première heure qui ne supportaient plus The Cure depuis« The Head On The Door » ? Sûrement ! Mais qui peut nier que« Seventeen Seconds »,« Faith » et« Pornography » sont tout simplement bien plus envoutants ?
Guillaume Origoni, alias Colonel Kurtz
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