JEFF NOON « NYQUIST MYSTERY »
Enregistrement : 13/06/2018
Mise en ligne : 13/06/2018
Au grand désespoir de ses lecteurs, plus un livre ne sort pendant dix ans. Noon se consacre à des projets expérimentaux collaboratifs sur internet comme Mappalujo, 217 Babel Street, etc. Il profite aussi de ce laps de temps pour concrétiser une passion de toujours : l’écriture de scénario. En 2012, le très attendu Channel SK1N est publié en e-Book, démontrant que son pouvoir d’évocation reste toujours aussi psychédélique. Ce printemps 2018 trouve l’esprit de l’auteur bouillonnant de nouveaux mondes où fiction et réalité se fécondent et dans lesquels le langage se frotte au temps, dans une ambiance de film noir : voici A Man of Shadows et The Body Library, premiers tomes de sa série des Nyquist Mystery.
Enfin aujourd’hui, par la magie de Facebook, j’ai la chance d’avoir décroché une interview... alors traversons sans plus attendre le miroir pour parler avec Jeff Noon !
Entretien et traduction par Stig Legrand
English version down below
Tout d’abord, je ne me qualifierais pas d’auteur de métafiction, je me vois plutôt comme un auteur romantique, s’efforçant d’insuffler une imagerie et des sentiments romantiques dans des situations contemporaines ou (légèrement) futuristes. J’entends par cela que je ne commence jamais avec l’idée d’écrire de la métafiction, mais juste de raconter des histoires et de pousser mes personnages dans des situations bien au-delà de leur contrôle. Et je fais de mon mieux pour créer un langage qui puisse en même temps dire cette histoire, et à un degré variable, l’envahir. Mon but est de saturer le texte d’idées, d’images, de sentiments, de mots, de données sensorielles, jusqu’à ses limites. Et je pense que l’acte de saturation génère ce que certains perçoivent comme une atmosphère métafictionnelle. Mais je n’ouvre pas ces portails exprès; c’est un effet secondaire du processus.
Des gens ont argumenté que Nyquist semble savoir qu’il est dans un roman policier. C’est peut-être le cas, et il est vrai que j’ai voulu m’inspirer du roman noir classique pour A Man of Shadows. Mais en tant qu’auteur, je ne peux le voir qu’en termes concrets : je le revois à l’instant de sa création dans ma tête, et je me rappelle exactement de la manière dont je l’ai créé et du pourquoi. Il est venu au monde dans un but bien précis : être la toute dernière personne à entrer dans le Crépuscule. Il devait craindre le Crépuscule plus que quiconque dans la ville. C’était ça l’étincelle. C’est à partir de telles contingences pratiques qu’un personnage se développe. Et qu’il s’épanouit dans l’écriture. Et qu’on espère le voir enfin prendre vie pour le lecteur.
Je pousserai mes personnages jusqu’au bout du bout de la route, et encore plus avant, jusque dans les friches. Si une porte s’est ouverte, hé bien, je les pousserai à travers. Je suppose qu’agir de la sorte crée une impression de dispositif métafictionnel, alors que dans ma tête, j’éperonne simplement mon héros dans un enchaînement d’expériences dramatiques, plus dangereuses les unes que les autres, du moins je l’espère. Et si par un quelconque hasard, Nyquist déboule dans sa propre histoire, en tant que personnage, comme c’est le cas dans The Body Library, c’est que c’était la seule issue possible ! S’il ne l’avait pas fait, il serait mort. C’est aussi simple que ça. Il serait mort. Il doit devenir un personnage pour survivre. Il y a très peu de plan élaboré ou de théorie derrière tout ça, juste une réaction désespérée à des évènements accablants.
Les deux premiers tomes se déroulent chacun dans une ville différente, dont les spécificités sont importantes (à la manière d’Italo Calvino dans Les Villes Invisibles). Pouvez-vous nous en dire plus sur la géographie de cette série ?
Ce sont Les Villes Invisibles de Calvino qui m’ont inspiré pour écrire une série de romans policiers, mettant toujours en scène le même détective privé, mais dont chaque tome se déroulerait dans une ville différente, et chaque ville aurait sa propre caractéristique étrange ou fantastique. Dans le premier tome, A Man of Shadows, la métaphore centrale est le temps, comment on le mesure et comment on le passe. Dans The Body Library, ce sont les histoires, le vocabulaire, les mots eux-mêmes qui représentent l’infection, la drogue, et notre fluide vital; un facteur de changement fondamental. Chaque fois, mon personnage, Nyquist, se trouve impliqué non seulement dans une affaire criminelle, mais aussi dans la spécificité unique de la ville : il se fait embobiner, infecter, transformer, etc. Chaque ville se comporte comme un piège, et peut-être un moyen d’évasion et de rédemption.
Jeff: Laréalitéc’estlaréalité,etlafiction,lafiction.Ilestbondesavoirlaquelleestlaquelle. Mais je les vois toutes deux comme des mondes, chacune avec leur façon de faire, leur topographie et leur population. Il y a une frontière entre les deux et je la crois au moins légèrement poreuse. Il est facile d’imaginer des personnages et des évènements qui passent de la Réalité à la Fiction, en fait, ça arrive tout le temps, et pas uniquement dans la littérature non-fictionnelle. Mais peut-être qu’il existe aussi des échanges dans l’autre sens, de la Fiction vers la Réalité. Je pense qu’un livre peut avoir une vie au-delà de ses pages: les mots et les histoires nous affectent, ils nous affectent en profondeur. Ils nous transforment. En bien et en mal, nous apprenons des histoires. Depuis l’esprit de l’auteur, à l’écran, à la page, et de la page aux yeux du lecteur et à son esprit : c’est un long processus où l’infection et la contamination peuvent arriver à n’importe quel point. Dans The Body Library, je fais de cette frontière un véritable endroit, je lui offre matérialité et présence, dans l’esprit et dans la chair des habitants de la ville. Notre nature est triple : réalité, histoire et rêve. Enlevez un de ces éléments et nous sommes amoindris.
Considérez-vous la métafiction comme un acte magique permettant de voyager entre les dimensions ?
Jeff: Je considère toute fiction comme un portail vers d’autres sphères, de la nouvelle la plus franchement linéaire à l’oeuvre la plus expérimentale. Il n’y a rien d’inhérent à la métafiction qui lui donne un pouvoir supérieur à n’importe quel autre style narratif.
Cette relation entre réalité et fiction est un thème qui vous est cher, mais à quel point votre continuum est-il perméable ? Cette fluidité résulte-t-elle d’un effort de votre part ou est-ce une intuition qui vous suit depuis toujours ?
Jeff: Pour moi, la révélation a été d’utiliser les mots de façon à ce qu’ils représentent l’issue de secours, tout en la décrivant aussi. J’ai découvert qu’en appuyant le côté poétique extrême de l’écrit, je pouvais offrir au lecteur une seconde issue de secours, parallèle à celle plus évidente de l’excitation du récit. La dernière page de mon roman Descendre en marche en est un bon exemple : le monde semble sans espoir, le personnage principal a tout perdu, et pourtant la nature des mots donne au lecteur une impression d’ouverture, d’éclosion.
Par exemple :
Que ces couleurs cascadent. Que ces murmures s'éveillent ; que ces étincelles composent, brillent écume et mousse, crépitent, éclatent, s'enclosent et se caressent, parlent. Que cette langue émerge de la lumière jadis tombée dans un jardin, sur un visage d'enfant, sur des produits chimiques. Que l'image déborde d'elle-même, se répande. Elle se répand, elle clame les mots qui sont elle puis elle se dissipe, elle devient un jeu, la flamme d'elle-même, fleur éclosion et parfum d'elle-même.
(Traduction de Marie Surgers pour La Volte)
Cela m’a pris du temps avant de découvrir ce processus, mais réaliser que je pouvais remixer la prose comme un DJ ou un musicien remixent la musique a été un moment de prise de conscience et d’expérimentation.
Que pensez-vous du double sens du mot « character » ? (qui en anglais, signifie « personnage » et « caractère typographique »)
En général, j’écris plutôt des personnages simples que des personnages très complexes. Je suis attiré par des personnages dotés de deux ou trois facettes, et dont les traits de caractères sont en conflit. Ça me suffit pour créer cette personne, à partir de l’éternel combat entre ses émotions et convictions contraires. Si j’ai de la chance, si les mots sont avec moi ce jour-là, une sorte de poésie au coeur brut peut émerger de ce décalage et de ce conflit. Pour tenter de répondre à la question : pour moi, un personnage se compose de caractéristiques opposées (combat / sécurité, désir / haine, courage / peur), et ainsi de suite. J’aime imaginer que la tête et le coeur de Nyquist sont le champ de bataille de tels enjeux, et qu’il ne pourra jamais tous les réconcilier. Dans The Body Library, une troisième sorte de « caractère » entre en jeu, il s’agit de l’utilisation de lettres et de chiffres en tant que symboles ; comme la ville est tellement saturée d’histoires, et comme les histoires sont devenues une drogue, le corps de Nyquist a été envahi par des lettres vivantes, par des « caractères » : son corps est un alphabet, une bibliothèque de chair.
Je n’aime pas trop penser à la portée symbolique de mon travail, mais il peut s’avérer intéressant de réfléchir quelques minutes dans ce sens : nous sommes ce que nous disons et ce que nous lisons. La connaissance nous habite, le langage circule en nous. J’ai un meme central auquel je reviens encore et encore : « La forme est hôte, le contenu est virus. Infectez, infectez ! » Et donc mon travail tourne toujours autour de ces moments de contamination, qu’il s’agisse de musique, de rêve, de bruit ou de temps. Ou dans ce cas précis, de l’histoire elle-même. Ecrivains et lecteurs partagent ces moments d’infection, et le virus qui se transmet entre nous, c’est le langage.
Aimeriez-vous concevoir une fiction immersive destinée à la réalité virtuelle ? Pensez-vous que cette nouvelle expérience peut permettre de ressentir physiquement la puissance de l’écrit, la relation entre l’imaginaire, les mots et les structures du langage ?
Non, pas vraiment. Je me consacre au roman, et au livre. Il n’y a que ce mode d’expression pour m’offrir une telle infinité de possibilités et de joie. C’est totalement immersif, aussi bien en tant qu’auteur que comme lecteur des livres d’autres gens. On peut le dire ainsi : le livre est encore la meilleure interface de narration que nous ayons inventée. Il se peut que ça change dans le futur, qui sait, mais pour l’instant, je suis comblé par l’exploration des limites intérieures et extérieures de la page. Je n’ai besoin de rien d’autre pour augmenter mon plaisir. Je n’ai rien contre les déclinaisons d’oeuvres littéraires pour les médias interactifs où l’on doit choisir sa direction, mais en tant que lecteur, je prendrais la voie unique et lumineuse du livre, que je peux suivre jusqu’au bout.
Comment conjuguez-vous aujourd’hui votre passion du langage et votre pulsion vers l’expérimentation ? Quelles sont vos méthodes ou vos jouets pour remixer le présent ?
Je m’imagine un spectre gradué, une longue ligne allant de la pure expérimentation jusqu’au pur récit narratif. Chacune de mes idées ayant un potentiel narratif vit quelque part sur cette ligne. Une partie du processus d’écriture initial consiste à déterminer où se situe l’idée. Donc, mes livres Cobralingus, Channel SK1N et Mappalujo sont plus proches du pôle expérimental, et les Nyquist Mystery se situent plus près de l’extrémité narrative. Je chercherai toujours à placer des romans à différents degrés de cette ligne, pour ne jamais me cantonner à une seule zone, pour explorer à fond les possibilités de la narration et jouer avec les mots.
Certains des sites internet qui servaient de plateformes à vos expérimentations (comme metamorphiction.com ou mappalujo.com) n’existent plus. Comment se fait-il ? Etes-vous déçu par la réalité d’internet aujourd’hui vis à vis des perspectives excitantes qu’on lui prêtait aux débuts ?
L’Internet est plein de sites morts; j’en découvre toujours plus lors de mes recherches. Chaque activité humaine a un cycle de vie naturel, et c’est très bien ainsi. Dès que mes idées se retrouvent dans des livres, à ce moment-là elles peuvent abandonner Internet : elles résident alors dans leur habitat naturel. Mais oui, certaines choses n’existent qu’un moment, puis elles disparaissent, et j’aime cette idée, de devoir se trouver en un lieu précis, à un moment particulier, pour profiter de quelque chose. Pour être honnête, je ne suis pas un grand utilisateur d’internet; je l’utilise clairement beaucoup moins qu’il y a quelques années. Ça commence à être très passé de mode. On attend toujours le chef d’oeuvre d’internet. Peut-être qu’il n’arrivera jamais, peut-être qu’il n’y aura pas d’équivalent à la Chapelle Sixtine, ou à l’Ulysse de James Joyce. Peut-être même que l’internet ne fait pas partie des grands moyens d’expression créatifs, qu’il s’apparente plutôt à un loisir plus commun, plus limité, comme la tapisserie, peut-être ?
Que trouvez-vous sur les réseaux sociaux qui vous inspire assez pour continuer à disséminer vos microspores ?
J’aime atteindre les gens. J’aime raconter des histoires, pour laisser quelques petites marques à la surface du monde. Les médias sociaux sont un moyen d’expression idéal pour ce genre d’activité. Je vois ça comme un laboratoire, un lieu où explorer des idées d’une façon simple et rapide, sans réel enjeu de se montrer brillant ou quoi que ce soit de ce genre. Un carnet de croquis. Pendant des années et des années, j’ai conservé des carnets pleins d’idées pour des histoires, il y en avait des milliers, mais aujourd’hui, c’est sur Twitter et Facebook que je prends mes notes. D’une certaine façon, j’ai rendu public ce qui était privé - l’activité au jour le jour de mon cerveau. Et de temps en temps, une minuscule idée émise en ligne prend vie de manière autonome, elle s’étoffe, devenant une histoire plus longue, ou même un roman. Le processus est en marche.
JEFF NOON "THE NYQUIST MYSTERIES"
Cult writer exploring the zone between genre and avant-garde, Jeff Noon has produced a wonderfully strange corpus of books over a quarter of a century. Calling the game in 1993 with an iconic series of 4 famed titles : first Vurt (that went on to win the Arthur C. Clarke Award), followed in 1995 by sequel Pollen, Automated Alice in 1996 and in 1997 Nymphomation, he then spawned weird gems on the cusp of the millenium, such as 50 hallucinatory short stories assembled as Pixel juice in 1998, the addictive dub of Needle in the groove that liquefied narration in 2000; 2001, he sampled language through filter gates of viral poetry with Cobralingus, foraged the fringes of our crumbling info-based civilization with Falling out of cars in 2002 (all these books have been translated to french at La Volte). Much to the despair of his readers, no further books were published for the next 10 years. Noon focused on experimental projects online such as Mappalujo, 217 Babel Street, etc. and gave screenwriting, that had always been a temptation, a go for real.
In 2012, a much awaited new story was published as an e-book, Channel SK1N, demonstrating that his narrative power was psychedelic as ever.
This spring of 2018 finds the author’s brain aswirl with fresh worlds where fiction and reality intermesh and language engages time, in a noir atmosphere : that’s A man of shadows and “The body library”, first volumes of his Nyquist Mystery series.
With a little Facebook magic, I have been lucky enough to get permission for an interview... so let’s cross the mirror and talk with Jeff Noon !
INTERVIEW (MAY 2018)
Recently, you started a series of novels (The Nyquist Mysteries), centred around the character of John Nyquist, private detective in a clueless world. As a metafiction writer, how do you relate to this new character?
Well, first of all I wouldn’t describe myself as a metafictional writer, but more a Romantic author, doing all he can to imbue contemporary or (slightly) futuristic life with romantic feelings and imagery. I mean by this that I never set out to write metafiction, only to tell stories and to force my characters into situations far beyond their control, and I try my very best to create a language that both tells this story, and to a lesser or greater degree, overwhelms the story. I am aiming to flood the text to its very limits with ideas, images, feelings, words, with sensual input. And I think this act of flooding creates what some might view as a metafictional atmosphere. But I’m not opening the portals on purpose; they are opening as a side effect of the process.
Some people have commented that Nyquist seems to know that he’s inside a detective novel. That might be true, and I certainly wanted A Man of Shadows to draw inspiration from the older type of noir mystery. But I (as the author) can only ever see him in practical terms: I see him at the moment of birth in my head, and I remember exactly how and why I created him. He was born from one very practical purpose: to be the very last person who should enter the Dusk. He had to be more scared of the Dusk than anyone else in the city. So that was the spark. From such practical concerns, a character grows. And then blossoms in the writing. And hopefully at some point they come to life for the reader.
I will push my characters to the very end of the road, and then onwards, into the wastelands. If a portal has opened, then I will push them through it. I think this kind of act creates the impression of a metafictional process, whereas in my head I am simply pushing my hero through one overwhelming experience after another, hopefully each of them more dangerous than the last. And if by any chance Nyquist ends up inside his own story, as a character, as he does in The Body Library, then this has happened because nothing else is possible! If he didn’t do it, he would die. It’s that simple. He would die. He has to become a character, in order to live. There’s very little thought-out intent or theory behind this, only a desperate reaction to devastating circumstances.
Each of the first two volumes take place in a different city, whose specificities are important (in the manner of Italo Calvino's Invisible Cities ?). Could you elaborate about the geography of this series ?
Calvino’s Invisible Cities was the initial inspiration to write a series of detective mysteries, each one starring the same private eye, but each one set in a different city, and each city with a different weird or fantastical attribute. In the first of the series, A Man of Shadows, the central metaphor is time and how we measure it and how we spend it. In The Body Library it’s stories, languages, words themselves seen as infection, as drug and as our life’s blood; an element of fundamental change. My protagonist, Nyquist, gets involved each time not only in a crime, but also in the city’s unique attribute: he gets tangled up, infected, transformed, and so on. Each city acts as a trap, and a possible means of escape and salvation.
Your novel The Body Library contains another "Body Library", centerpiece of an ever-changing world of literature. Do you think that elements of the story, such as characters, concepts or words can escape the fiction ? How would the multiverse react in such a case ?
Reality is reality and fiction is fiction, and it’s good to know which is which. But I do view them both as worlds, each with its own customs, geography, and populace. There is a borderline between them and I believe the borderline to be at least slightly porous. It’s easy to imagine characters and events passing from Reality into Fiction, in fact it happens all the time, and not only in Non-Fiction books. But maybe there is traffic the other way as well, from Fiction into Reality. I think a book can have a life beyond its pages: words and stories affect us and affect us deeply. We are changed by them. For good and for ill, we learn from stories. From the writer’s mind to the screen to the page, and from the page to the reader’s eyes and mind: that is a long process, and infection and bleed-through can happen along any part of it. In The Body Library, I make this borderline an actual place, I give it materiality and presence, in the mind and in the flesh of the city’s occupants. Our nature’s are made of three elements: reality, story, and dream. Take any of them away, and we lessen ourselves.
Do you consider metafiction a magical act that enables travel between dimensions?
I consider all fiction a doorway into other realms, from the most straightforward linear novel, to the most experimental work possible. There is nothing inherent in metafiction that gives it more power than other styles of narrative.
This connection between fact and fiction is a favorite theme of yours, but how permeable is your continuum ? Is such fluidity the result of efforts on your part or have you been tagged by this intuition all your life?
The revelation for me was to use words in such a way that they stood for the escape, as well as describing it. I found that by pushing the extreme poetic aspect of writing, I could offer the reader a second escape route, alongside the more obvious one of narrative excitement. The final page of my novel Falling Out Of Cars is a good example of this: the world seems hopeless, the main character has lost everything, and yet the nature of the words gives the reader a sense of opening out, of blossoming. For example...
Now let these colours cascade. Let these whispers awaken; let these sparkles compose, gleam forth, froth and foam, fizzle, burst, enclose and caress themselves, speaking themselves. Now let this tongue emerge from the light that fell once on a garden, on a child’s face, on chemicals. Let the picture overflow from itself, spilling itself. It spills over and spells out the word of itself, and then dispelling itself, it makes a game of itself, a flame of itself, the blossom and bloom and perfume of itself.
It took me a while to discover this process, but the realisation that I could remix prose as DJ or musician remixes music, was a moment of insight and experimentation.
What do you make of the double meaning of the word "character" ?
Itendtowritequitesimplecharacters,ratherthanoverlycomplicatedones.Iamdrawn to characters who have two or three aspects to them, and those aspects are in opposition. This is enough for me to create that person, from that eternal struggle between opposing emotions and beliefs. Out of that mismatch and conflict, a kind of tough-hearted poetry might emerge, if I'm lucky, if the words are with me that day. So, to attempt an answer to your question: a character for me is made up of opposing characteristics: fight vs. safety, desire vs. hate, courage vs. fear. And so on. I like to think of Nyquist's head and heart as being a battlefield for these different forces, and that he will never finally reconcile them all. In The Body Library there's a third kind of "character" at play, and that's the use of letters and numbers as symbols; because the city is so saturated with stories, and because stories have become a drug, Nyquist's body has been taken over by living letters, by characters: his body is an alphabet, a library of flesh. I don't like to think too much about the symbolic meaning of my work, but it's interesting to think along these lines a little: we are what we say and what we read. Knowledge inhabits us, language flows through us. I have a central process that I return to over and over again: Form is the host, content is the virus. Infect, infect! So my work is always dealing with these moments of infection, whether by music or dream or noise or time. Or in this case, story itself. Both writers and readers share these moments of infection, and language is the virus that spreads between us.
Would you like to design an immersive fiction for virtual reality ? Do you believe that this new experience would make it possible to physically feel the power of writing, the relationship between the ideaspace, words and the structures of language ?
No, not really. I am dedicated to the novel, and to the book. That medium alone offers me an infinite amount of possibilities and joy. It is totally immersive, both as a writer, and as a reader of other people’s books. Put it this way: the book is still the best narrative-carrying device we have yet invented. That might change in the future, who knows, but for now, I am more than happy to explore the inner and outer limits of the page. I don’t need anything else to give me more pleasure. I don’t mind branching pathways, but if I had to choose, I would choose one utterly brilliant pathway, that I, as a reader, can journey down.
Nowadays, how do you combine your passion for language and your drive towards experimentation ? What are your methods or toys for remixing the present ?
I visualise a spectrum, a long line reaching from pure experimentation all the way to pure storytelling. Every idea I get that seems to have narrative potential lives somewhere on that line. A part of the initial writing process is to find out where that place is. So my books Cobralingus, Channel SK1N and Mappalujo are closer to the experimental pole, and the Nyquist Mysteries are closer to the storytelling end. I will always want to place novels on different parts of the line, to never occupy only one area, to explore fully the possibilities of narrative and wordplay.
Some of the websites that acted as platforms for your experiments (such as metamorphic.com or mappalujo.com) no longer exist. How come ? Are you disappointed by the internet today, compared to the creative potential that it promised at its beginning ?
The internet is filled with dead sites; I’m always discovering them in my searches. All examples of human endeavour have a natural life cycle, and that’s how it should be. And as soon as my ideas end up in books, at that point they can leave the internet behind: they are now residing in their natural habitat. But yes, some things exist for a moment, and then they vanish, and I do like that idea, of having to be in a particular place at a particular time in order to catch something. To be honest, I’m not a big user of the internet; I definitely use it a lot less than I used to, a few years ago. It’s starting to feel very old-fashioned now. We are still waiting for the internet’s masterpiece. Perhaps it will never happen, perhaps there will be no equivalent of the Sistine Chapel ceiling, or Ulysses. Perhaps the internet isn’t one of the great creative mediums, only an average, more limited one, like tapestry, say?
What do you find on social media that inspires you enough to continue spreading your microspores?
I like to reach people. I like to tell stories, to leave a few little marks on the world’s surface. Social medium is a great medium for such activities. I see it as a laboratory, a place to explore ideas in a quick and simple way, without any real pressure to be brilliant, or anything like that, A sketch pad. For many, many years I kept notebooks filled with ideas for stories, thousands of them: but nowadays Twitter and Facebook are my notepad. In a way, I have made public what used to be private – the day to day working of my brain. And every so often a tiny idea online takes on a life of its own, and is expanded, becoming a longer story, or even a novel. The process continues.
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