ELENA MONTESINOS « TMF PRESENTS: UNRELEASED »
Enregistrement : 11/07/2021
Mise en ligne : 11/07/2021
Où l'on retrouve notre camarade genevoise au sommet de son art, toujours aussi révoltée, narquoise et irrévérencieuse. N'épargnant rien, ni personne, à commencer par la stupidité des élites et des puissances financières, l'absurde baudruche spéculative qu'est devenu le marché de l'art ou encore le microcosme volontiers égotique et conflictuel de la « révolte citoyenne ».
Propos recueillis par Laurent Courau.
Portrait pyromane d'Elena Montesinos par Laurent Guiraud.
Comme souvent dans mon parcours un peu chaotique et parsemé d’embûches, ma détermination n’a pas de limites ni de date de péremption.
Ces idées enfouies au fond de mes tiroirs - dont certaines depuis plusieurs décennies - n’attendaient que cette occasion pour être enfin partagées publiquement ! Leur forme actuelle est un descriptif purement conceptuel, mais qui sait ? Certains de ces projets pourraient peut-être finalement se concrétiser un de ces jours, pour de bon, suite à cette publication.
L’immense majorité des propositions que contient TMF Presents: Unreleased s’avère très drôle, sinon violemment sarcastique. Est-ce que la dérision constitue le dernier rempart envisageable face à un désespoir total et irrémédiable ? (sourire)
Absolument. Je crois en la puissance universelle et salvatrice du Grand Eclat De Rire comme antidote suprême à la stupidité saumâtre et sans bornes dans laquelle nous sommes en train de nous embourber.
Tu crois qu’il encore possible de secouer et de déranger l’establishment artistique ? Ou au contraire, est-ce que la capacité d’absorption des institutions et du marché de l’art s’est développée jusqu’à englober les formes de création les plus transgressives ? Question récurrente que soulève, par exemple, la tenue de Get a Nerve, alter ego « rebelle » de la foire d’art contemporain Artgenève.
Oui, il est possible de tracer son chemin en dehors des sentiers battus, mais cela demande toutefois d’être parfaitement affranchi des règles en vigueur dans le milieu duquel on tente de s’émanciper.
Dans mon cas, mon travail n’étant pas marchand, je ne me préoccupe pas de plaire ni de convaincre qui que ce soit. Ma démarche a une fonction de garde-fou, qui s’adresse à celles et ceux qui se sentent concerné(e)s. Les autres peuvent passer leur chemin, et l’establishment en fait partie. En gros, comme j’aime à le répéter souvent : « chacun sa merde ».
Je ne me soucie pas de ce qui se passe dans les grands musées ni les galeries, et je suppose que ces messieurs-dames font pareil. Mon travail s’adresse au reste du monde, à toutes les personnes qui existent en-dehors du ghetto artistique, justement. Et finalement, cela frappe de manière plus sincère avec un spectre élargi. Rien à gagner ni à perdre. Juste faire.
ACAB, « All Causes Are Beautiful ». Une très jolie réinterprétation du fameux acronyme, qui résonne avec l’ensemble des propositions de ce cahier d’artiste. Après le « rebelle sans cause » de la seconde moitié du siècle dernier, puis l’activisme « communautariste » et ségrégatif de ce début de 21ème siècle, tu nous offres une porte de sortie (enfin !) au travers de cette révolte aussi joyeuse que polymorphe. Est-ce que tu te retrouves dans ce besoin d’agir au-delà de l’aigreur et des clivages ?
Oui, c’est le but de l’opération. Dans le petit texte très court qui présente ce projet (car j’avoue qu’il faudrait plusieurs pages par projet, pour faire les choses vraiment bien), je mentionne l’union qui fait la force, en lieu et place de la division permanente qui est en train d’apparaitre de manière un peu inquiétante récemment. Je préfère le dénominateur commun « on sort tous ensemble gueuler dans la rue, le poing levé » que « mon problème est plus grave que ton problème », une rengaine qui est devenue des plus courantes actuellement dans le microcosme de la révolte citoyenne, en très mauvaise posture actuellement, elle aussi, soit dit en passant.
Et je ne sais même pas si il va être possible de se débarrasser un jour des muselières qui nous entravent, au sens propre comme au figuré.
Quid du « TMF Planetary Club », dont il est question en introduction de cet ouvrage ? Corrige-moi si je me trompe, mais je le devine (potentiellement) opérationnel. Est-il possible de rejoindre ce club, cette société de libres penseurs, ce micro-État en devenir, destiné à lutter contre la chape de plomb des frustrations, des aigreurs et des ressentis sous lesquels croulent l’Occident et les pays développés ?
OUIIII !! Le club a pris forme dès la parution du cahier d’artiste Pro Helvetia, car je n’avais pas réalisé que cela pouvait s’activer aussi facilement en-dehors de mes rêves. Il suffit d’envoyer un courrier à l’adresse mentionnée sur le site Home of TMF : https://themontesinosfoundation.org/planetary-club
Et il est aussi fort possible qu’une autre de ces propositions du livret se concrétise elle aussi dans un futur proche, sous la forme d’une relique destinée aux membres de ce club potentiellement en construction (il s’agit du projet In The Pocket : un petit talisman qui décuplerait les forces et le courage de ceux qui le possèderaient).
…et s’il y a bien quelque chose dont nous avons tous besoin en ce moment, c’est de la force et du courage.
Mais la bonne nouvelle, par contre, c’est qu’il est encore possible de choisir d’être magique et de devenir des super-héros du quotidien ! Cela répondant de manière très adéquate au scénario tragiquement dystopique qui nous accable. Il faut garder à l’esprit qu’il y a aussi de la place pour des bons rôles dans le très mauvais film dans lequel nous sommes tous forcés de jouer en ce moment, malgré nous. Ce petit livre transporte quelques-uns de ces rêves qui ne demandent qu’à devenir réalité, pour forger un monde meilleur dans la joie et la bonne humeur.
Deux choses qui sont devenues des luxes, mais qui devraient être monnaie courante.
© Diego Sanchez
TMF Presents: Unreleased
Graphisme: Bonbon
Mandataire de l'édition : Pro Helvetia
Responsable de l'édition : Josiane Imhalsy (PH)
© Edizioni Periferia
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