MICHAEL RONSKY « GRATTE-FOUTRE »


Enregistrement : 14/10/2020

Nouveau venu en littérature, en parallèle d’une carrière dans le shibari et la performance kink, Michaël Ronsky nous embarque ici, avec Gratte-foutre, dans un joli tour de train fantôme, parmi des dimensions aussi parallèles que personnelles, où le réel et les fantasmes s’entremêlent.


Un premier roman dont on salue la réussite ; galerie de créatures perverses et sensuelles, freakshow surprenant au cœur duquel trône l’occultiste Philippe Pissier, déjà interviewé sur nos pages à l'occasion de sa traduction de Magick : Libera Aba - Livre Quatre d'Aleister Crowley.

Avec le mérite rare de s’attaquer à un pan relativement méconnu de la contre-culture, entre ésotérisme et musique industrielle, kinbaku-bi et BDSM, et d'évoquer tant Julius Evola que William S. Burroughs, Russ Meyer, l’Unpop Art, Charles Manson ou Boyd Rice, au fil de ses pages.



Présentation du livre par l'éditeur :


Deux photos macabres paraissent sur le réseau social fétichiste Fetlife, le monde du bondage tremble. La vengeance personnelle ou la croisade d'un moraliste exalté sont les pistes privilégiées par Auriol Villas, enquêteur en crise morale, et sa collègue, la sardonique Louison de Drèze. Assisté par l'occultiste Philippe Pissier et Beatriz de la Iglesia, habituée du milieu kink, Auriol Villas pénètre dans des infra-mondes qui lui étaient jusqu'alors étrangers, tandis que des irruptions de sauvagerie, individuelles et collectives, secouent la métropole. Unpop Art, manifestations immatérielles barbares, bibliothèques noires et kinky sex, sous une forme tronquée de roman noir, l'auteur déploie, non sans humour, un univers fantasque et trouble, semé de références musicales et cinématographiques, ne se fixant dans le réel que pour mieux s'en écarter.

Propos recueillis par Laurent Courau.
Portrait de Michaël Ronsky par Raphaelle Neidhart.
Photographie de frise par Tako Octobrachia.
Couverture de Gratte-Foutre par Human Chuo.





Portfolio de Gabriel Asper, d'après une performance au Zoo de l'Usine (Genève, 2015). Avec Mi-Do, Nightmare Vani, C. G. et Michael Ronsky. Visuels de Ben Muzzin. Photographie de Gabriel Asper.

Qu’est-ce qui a motivé l’écriture de ce roman, Gratte-foutre, évidemment bien documenté puisque tu opères depuis de longues années dans les cultures et les milieux qui s’y trouvent évoqués ?

Gratte-Foutre est la concrétisation de mon rêve d'adolescent dévoreur de livres. J'ai écrit des nouvelles dans des fanzines photocopiés, et deux romans qui ont été refusés par les maisons d'éditions à l'époque, heureusement. Ce n'était pas satisfaisant, je suis content que personne ne les aie lus. J'ai continué d'accumuler des piles de carnets et de feuillets de notes pendant des années, j’ai rejoint les rangs de ceux qui ont un roman dans le tiroir, et j'ai mis ça de côté pour m'impliquer plus physiquement, disons dans d'autres formes d'expression. En 2017, j'ai eu un problème avec une main, et l'opération chirurgicale qui va avec. Rien de très grave mais attraper les choses et manipuler des cordes était devenu difficile pendant un temps. Par contre, taper sur un clavier c'était possible. Je me suis plongé dans le projet, c'est devenu obsessionnel.


© Utopia fetish de luxe

Parlons un peu de ton parcours. La quatrième de couverture te présente comme un « performeur, maître dans l’art du shibari, personnage des nuits interlopes et du Cabaret Bizarre ». Bigre ! (sourire) Aurais-tu le bonté de revenir sur ce curriculum vitae coloré pour les lectrices et les lecteurs de La Spirale ?

C'est malaisant de faire son propre parcours, je n'ai pas écrit ce texte de quatrième de couverture, mais je l'assume volontiers, cesser de me déprécier est l'un de mes rares objectifs de 2020 qui tienne encore. Pour ce qui est de performeur et maître de shibari, pour celles et ceux qui ne me connaissent pas ou ne connaissent pas le shibari, le mieux c'est quand même Google à cause des photos et des vidéos.

Sinon, je suis né en 1973, j'ai connu le téléphone fixe sans et avec répondeur, les mange-disques et le Commodore 64. J'ai travaillé en tant que caissier à l'Usine, le temple de la culture alternative genevoise, premières scènes en 2006, des performances fétichistes évidemment, avec ou sans cordes. J’ai fait quelques collaborations scéniques avec Bak13, avec Dam Von Smock sur son projet Music For The Space, Suka Off. Récurent du Cabaret Bizarre Crew (www.cabaretbizarre.net), organisateur des nuits déviantes Fetishbox, des soirées performances Lust Factory, Tokyo Underground, programmateur au Zinema, cinéma indépendant Lausannois, avec un menu films, performances et débat, j'ai traîné un peu partout dans les évènements fetish, BDSM, cordes, dans la scène indé, tout en me passionnant pour d'autres sujets, dont certains sont développés dans Gratte-Foutre.


© Otto Bone

Au-delà du shibari, du milieu kink et du BDSM, Gratte-foutre fait quasi figure de manuel d’initiation à une certaine contre-culture, entre musique industrielle et occultisme, en évoquant Julius Evola, William S. Burroughs, Russ Meyer, l’Unpop Art ou Boyd Rice, parmi tant d’autres, au fil des pages. Est-ce que l’on doit y voir une volonté d’ouvrir ces courants à un nouveau public ou s’agit-il, plus simplement, de partager tes passions ?

Je voulais raconter une histoire à travers une autre. Celle, en toile de fond, de tout un pan de contre-culture qui m'a nourri et que je pense pas du tout inintéressante même pour qui n'en serait pas familier. On est la somme de ce que l’on mange. Il me semblait important de faire passer des références, des pistes pour qui est jusqu'ici passé à côté, et des clins d'oeil pour ceux qui savent de quoi je parle, ne serait-ce que par gratitude pour les artistes et les courants qui nous ont façonné. Et comme ça me passionne, c'est vrai que c'était exaltant de le faire.

Et puis il y a la petite histoire, celle des personnages qui s'agitent, qui finit par rejoindre la grande. Dans cette histoire à l’échelle humaine, il y des morts, des gens imparfaits qui font ce qu'ils peuvent, des personnages ni tout blancs ni tout noirs, qui buggent souvent, comme le monde dans lequel ils surnagent, et puis l’intervention de forces qui les dépassent dans un mouvement sur lequel ils n’ont pas prise. Quand s'est posée la question du genre, à la maison d'édition, à savoir polar avec du sexe, fantastique, roman réaliste ou pas du tout, comique ou non, j'avais tout mis donc c'était résolu. Je ne sais pas si c'est réussi mais je voulais que cette histoire fasse penser à plein d'autres, que ce soit des livres, des films, ou le réel, parce qu'elle en est la descendante, tout en jouant de ce fait acquis pour conduire le lecteur là ou il ne s'attend pas forcément à se rendre.

En parlant de références, nous n'avons que peu mentionné l'aspect musical de ces cultures « souterraines ». Même si l'exercice peut sembler trivial, pourrais-tu donner quelques conseils musicaux afin d'accompagner la lecture de Gratte-foutre ? En te basant peut-être sur la bande-son qui a accompagné son écriture, si ce fut le cas ?

J’ai du mal à lire avec de la musique mais pour écrire c’est primordial. L’album Red Wine and Misanthropy de Boyd Rice, King Dude, Demented Are Go, Holly Golightly, Chelsea Wolfe, Blackbox Zero, Fishbone, Funkadelic, Die Antword. Et beaucoup de stoner, principalement Monolord, Psychlona, Stoned Jesus, Kadavar, All Them Witches. Dans les moments ou je n’écrivais pas, j’écoutais des podcasts, Distorsions, les fils québécois 2.0 de Pierre Bellemare, Les couilles sur la table, et je regardais les vidéos de Nathalie Win sur sa chaîne Contrapoint.

On te sent volontiers taquin quant aux univers que le roman explore. Était-ce une volonté délibérée de ta part ? Comme une envie de titiller certains milieux qui se prennent, parfois, trop au sérieux ?

Non pas du tout, il n'y a rien de taquin à vouloir décrire les choses. D'après mon expérience, toute scène, tout microcosme aussi particulier soit-il, regroupe, avec des variantes, les mêmes archétypes qu'à l'extérieur. Evidemment, plus le milieu est spécialisé, plus c'est saillant et exacerbé. En disant cela, je m'inclus dedans.

Globalement il y a bien plus de personnes valables, bienveillantes et sincères que de gens qui se prennent au sérieux, mais comme tu le sais, on ne fait pas de littérature avec de bons sentiments. Et puis c'est sain de souligner ce que la tragédie a de comique, chez soi comme chez les autres. J'éprouve de l'empathie pour mes personnages, je me reconnais autant dans les bons que dans les autres. Nous avons tous nos dysfonctionnements et nos egos nous jouent parfois des tours, c'est le matériau principal des personnages de roman.


© Olive

J’ai vu que Gratte-foutre a été présenté en octobre dernier à l’excellente librairie genevoise Le Rameau d’or. Jusque-là, comment réagissent les initiés et les non-initiés à sa parution ?

Je suis vraiment surpris de l'accueil positif, je ne savais plus quoi penser après avoir terminé le travail éditorial. Que ce soit pendant les deux présentations qui ont eu lieu jusqu'ici, dont la première au Rameau d'or, ou dans les messages de lecteurs que je reçois sur le net, je suis étonné des questions suscitées et des retours enthousiastes, initiés ou non. Je ne m'attendais pas à ce que les gens que j'imaginais venus pour un polar ou pour du kink littéraire finissent par évoquer le Unpop Art, ni de me retrouver à parler de la machine à rêve de Burroughs, de la pertinence de peindre avec du sang menstruel en 2020 et de la théorie spermiste de Hartsoeker.

On ne va pas trop révéler du livre et de son intrigue. Néanmoins et puisqu’il est cité sur la quatrième de couverture, comment t’est venue l’idée d’intégrer Philippe Pissier à ta trame narrative ?

Parce que Philippe Pissier est un roman à lui tout seul. Depuis le début des années 2000, je suis son travail, lis ses traductions et ses écrits. Certains de ses textes sont parmi les plus intenses que j'ai lu, son verbe me traverse littéralement. Il y en a d'ailleurs certains que je ne peux plus lire tellement ils m'ont bouffé. En 2007 ou 2008, en parcourant un de ses blogs, j'ai vu qu'il avait posté des photos de mon travail fetish contenant des éléments ésotériques. Je lui ai écrit et nous avons commencé à correspondre, pour parler de magie, de livres, de choses et d'autres, à échanger des textes.

En 2015, il est venu donner une conférence à un évènement organisé en collaboration avec le collectif Tribe Hole, et il m'a fait la gentillesse de prononcer quelques mots pour mon premier rituel de mort renaissance. Le rituel ne s'est pas très bien passé, j'avais enchaîné trop de choses dans les 48 heures avant pour être en forme, mais nous avons passé de très bons moments. En commençant à écrire Gratte-Foutre, Pissier s'est imposé de lui-même. Je lui ai fait lire les chapitres dans lesquels il apparaît, sauf la fin, il a dit ok, me voilà un personnage de fiction. Outre l'hommage à son oeuvre et à sa relation avec Diana Orlow / Lilith Von Sirius, il y a aussi le fait que Philippe est un type sensible, détendu et drôle, et je ne voulais pas d'une caricature d'occultiste qu'on voit venir de loin.


© Mickael Sauge

On aura donc compris, à la lecture de Gratte-foutre et de cet entretien, que tu t’intéresses de près à l’ésotérisme et à la magie. Peux nous parler de ton rapport à ces pratiques, à ces courants de pensée et à ces traditions qui me semblent prendre une importance renouvelée dans la culture populaire occidentale ?

Pendant de nombreuses années j’ai été ce qu’on appelle un « fan witch », quelqu’un qui tourne autour du sujet par goût. Puis un « art witch », quelqu’un qui se sert de l’esthétique et du symbolisme dans des créations. J’accumulais une masse théorique et historique. Les études de Massimo Introvigne sur les racines des mouvements religieux et para-religieux contemporains, bien sûr les traductions de Crowley de Philippe Pissier, Austin Osman Spare, la Chaos Magick, les rites de la Golden Dawn, la théosophie d’Helena Blavatsky, la magia sexualis de P.B. Randolph, le vaudou haïtien, béninois, tout un bric-à-brac de trucs sérieux ou farfelus. Ce n’est qu’en 2013 que j’ai rejoint un groupe, principalement motivé par les rites collectifs.

C’est vrai que ça prend de l’importance depuis quelques années. Il y a bien sûr les différents courants wiccans, le glissement politico-artistique du mot « witch ». Les termes de « fan witch », « art witch », « politic witch », cette classifiaction des différents types de personnes qui gravitent autour de cette thématique, viennent d’Antinoüs Seranill, qui se fait aussi appeler l’oncle Ben. Un type très fun et érudit. Venu de la Wicca traditionnelle, il est au centre du développement de la culture hoodoo francophone, des « rootworkers » qui entre en résonance avec notre sorcellerie des campagnes. D’ailleurs, je cherche son Grand livre du hoodoo qui est épuisé, si quelqu’un n’en veut plus, je profite de La Spirale pour passer une petite annonce.

Depuis de longues années, La Spirale se pose la question de la survie des contre-cultures. Existe-t-il encore une véritable contre-culture à l’heure des réseaux sociaux et de la marchandisation du monde jusqu’à l’excès ? Et si c’est le cas, où se dissimule-t-elle, de ton point de vue ?

C'est une question complexe, l'époque est tellement sérieuse, pour les raisons que tu évoques, les réseaux sociaux, la saturation cognitive qui gèle la pensée et l'action, le fait qu'il est difficile de ne pas se faire happer et intégrer à la marche. Tout est balisé, il devient difficile de sortir du cadre sans qu'il nous rattrape. La chose qui me frappe le plus aujourd'hui c'est que la police se trouve plus que jamais à l'intérieur de nous-mêmes. Nous sommes tellement certains d'être fliqués que la plupart des gens, soit se brident eux-mêmes, soit sombrent dans le fatalisme, ou alors dans une radicalité agitatoire qui va de pair avec une vision du monde étroite, sans nuances.

La contre-culture qui m'intéresse depuis quelques années, celle qui me semble la plus excitante, c'est celle qui quitte la nuit, la fête et déserte les villes devenues suffocantes, celle qui se déconnecte et migre dans les campagnes pour devenir plus invisible, redécouvrir des modes de vie plus claniques et le plus possible autonomes. Alors bien sûr on est moins dans le glamour et l'esthétique, revenu de pas mal de choses. Je suis impressionné par ce que certains font, sur le modèle « zadiste ». J'ai toujours un Instagram, mais sinon je fuis la macération des réseaux sociaux et la saturation d'informations. Des mini sociétés, des réseaux physiques se forment, se retrouvent dans les forêts pour des rites, sur un terrain pour construire quelque chose en groupe, basé sur des idéaux communs, et ce dans le monde concret, pas devant un écran, sans pour autant vivre comme des Amishs. Si ça n'est pas la seule forme de contre-culture, ça me paraît être l’une des plus porteuse d'espoir.


© Raphaelle Neidhart

Passionnant et intriguant ! Voilà qui donne envie d’en savoir plus sur ces réseaux souterrains, rituels et sylvestres à l’écart du monde post-moderne. Et pour celles et ceux qui n’auraient pas la chance de pouvoir s’échapper des grands centres urbains, quels seraient tes conseils de survie, tant d’un point de vue mental que physiologique ?

De faire partie d’un groupe d’amis de coeur, si ça n’est pas déjà le cas, fiables et bienveillants, et de fuir les blasés, les cyniques. De ne pas se laisser parasiter par les nombreuses choses anxiogènes, cinq fruits et légumes par jour, et puis il faut rêver, c’est très important, sans rêves nous sommes de parfaits robots. Et être capable de courir plus de 100 mètres sans cracher ses poumons, c'est pas mal.

Revenons à la « chose écrite » et de manière plus générale à la création. Outre la promotion de Gratte-foutre, quels sont tes prochains projets artistiques et littéraires ? Aurais-tu déjà un autre opus en cours d’écriture ou sinon de nouvelles performances, peut-être ?

J’ai commencé à écrire ce qui j’espère fera un deuxième roman. Ce sera plus concis dans la forme, et les thèmes, bien que pouvant passer pour corolaires en un sens, seront très différent de ceux abordés dans Gratte-foutre. Et puis je vais regarder vivre le livre, plein de gratitude. Le roman a reçu pour l'instant un bon accueil presse en Suisse, j'ai reçu ma première invitation pour un festival du roman noir en mai 2021, c'est plutôt bon signe. Quant aux performances, les temps sont durs pour les gens de scène. Avant le premier confinement, j’avais des projets avec Missy Macabre mais pour l’instant on en parle même plus, c’est trop déprimant.


© ReNoire

Question traditionnelle, voire désormais rituelle, pour conclure les entretiens de La Spirale. Comment imagines-tu l'avenir, d’un point de vue à la fois personnel et global ? Mais aussi, comment le souhaites-tu, pour imprimer une vision sinon plus optimiste, au moins plus constructive ?

Pour ma part, l’avenir c’est écrire, lire, observer, rouler en Honda CB, customiser des réservoirs de moto dans mon atelier, enseigner le kinbaku, continuer, avec les gens que j’aime, de construire une bulle qui va dans le sens de notre vision des choses. Je n’ai pas besoin de grand-chose pour vivre. Pour l’avenir global, je crois que celui qui est capable de faire un pronostic est très perspicace, moi je ne sais pas.

De nombreux scénarios sont possibles, même les meilleurs. Ça dépend de nous, ça dépend du 99% d’individus présents. En disant 99%, ça suppose que nous serions une masse homogène et c’est loin d’être le cas. Outre les problèmes qui étaient déjà présents, dans les pays dits développés comme les nôtres, il se creuse un fossé abyssal dans les discussions entre ceux qui sont en passe de ne plus rien avoir, et ceux pour qui ça va encore. Entre ceux qui étaient encore plus ou moins d’une même classe il n’y a pas si longtemps, dans une même zone de confort qui se réduit. Ce n’est pas un signal très positif. Mais moi, je ne suis pas un intellectuel ni un grand penseur, je suis une éponge, je ne peux voir que des bribes, pas la totalité. Ma part d’optimisme a un rêve naïf à la John Lennon : Imagine All the People, s’assoir par terre et croiser les bras.

Le problème c’est que Boyd Rice, c’est quand même autre chose que les Beatles.


© Utopia fetish de luxe



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