JACQUES VETTIER
Enregistrement : Archives de La Spirale (1996-2008)
Mise en ligne : Archives de La Spirale (1996-2008)
Une interview réalisée par Aurélien Police du site Alice au Pays des Hypertextes.
Le roman noir utilise en général le thème de la lutte du bien contre le mal... C'est une vérité quasi inévitable. Nécro processeurs présente peut-être ce qui est le mal absolu puisque ce sont des gens qui torturent, qui assassinent, qui filment ce qu'ils font et qui vendent ensuite leur production. Et du fait de l'achat de ces films par d'autres personnes, la ligne de séparation entre le bien et le mal devient plus floue.
Cette particularité provient également du fait de l'utilisation du Net, chose qui pour le moment n'est pas souvent abordée dans la littérature. Pourquoi avez-vous fait appel à cette nouvelle technologie pour construire l'intrigue de votre roman ?
Oui, on rencontre encore assez peu de romans policiers qui utilisent Internet parce que, en France du moins, c'est une technologie nouvelle à laquelle on n'est pas encore très familiarisé. Ca effraie, on sait pas trop ce que c'est... J'ai situé ce roman au Québec où l'usage d'Internet est quelque chose de très courant. En fait je m'en suis servi comme on se sert du téléphone dans les romans policiers... Là, j'ai utilisé quelque chose d'un peu plus récent, de plus moderne, qui a un champ d'activité plus large, qui a une vitesse de transmission plus rapide. Dans mon roman, Internet est un moyen mais pas une fin.
On pourrait faire le rapprochement avec Maurice Dantec, je pense notamment au roman Les Racines du Mal, qui fait également recours à l'informatique. Est-ce qu'il s'agit d'après vous du renouveau du roman noir ou plutôt de la création d'un nouveau genre ?
C'est une continuité. Une nouvelle technologie apparaît, elle est utilisée par tout un chacun soit correctement, soit pour commettre des actes qui ne sont pas forcément très réjouissants. Je crois que plus qu'un nouveau genre c'est la continuation de ce qui a pu être utilisé dans le passé dans les romans. Le genre épistolaire par exemple, c'est quelque chose qui a été très fort pendant longtemps mais qui est délaissé aujourd'hui. J'ai fait la même chose en utilisant Internet, des Chat, des IRC. A la place des lettres apparaissent des lignes sur l'écran de l'ordinateur. J'ai écrit un roman épistolaire d'un nouveau genre.
Pour le non-initié à Internet, est-ce qu'il ne pourrait pas prendre votre livre comme une sorte de roman de science-fiction très proche de la réalité ?
Oui, certaines personnes complètement étrangères à cette technologie peuvent y voir un roman de science-fiction alors qu'il n'y a absolument rien qui ne soit pas utilisable au jour d'aujourd'hui. Tout ce qui est utilisé dans le livre est accessible à tout un chacun, pour peu qu'il ait un ordinateur, un modem et une connexion à Internet. Il n'y a pas d'éléments de science-fiction, autant sur l'usage du net que sur l'usage d'un service de police qui s'appelle Europol (ndlr : service de police se trouvant au coeur du roman) qui existe véritablement. Sa vocation à moyen terme sera d'être une sorte de F.B.I européen. Pour l'instant il est encore en cours de création mais il utilise déjà Internet comme je le présente dans mon roman.
Comment vous est venue l'idée de placer le net au coeur de votre livre ?
Peu après avoir pris un abonnement, je suis tombé sur des chats. Les chats sont des discussions en direct auxquelles tout le monde peut participer en tapant ses messages sur son clavier. J'ai été fasciné par les dialogues que je pouvais lire sur l'écran, la facilité avec laquelle les gens arrivaient à se confier à des personnes qu'ils ne connaissaient pas du tout. Et justement parce qu'ils ne les connaissaient pas et qu'ils étaient très loin. Ils parlaient sans aucune pudeur, de choses dont on ne parlerait pas avec son voisin ou peut-être même avec son conjoint et qui, là, sont exposées au su et au vu de tout le monde. Alors comme je suis un peu pervers je me suis dit qu'il y avait là un matériau intéressant pour écrire un livre. Je m'en suis servi de manière très horrible.
Internet vous permet de réactualiser la littérature par la nouvelle technologie.
Oui... même si c'est prétentieux de dire que l'on va la renouveler... C'est un roman épistolaire moderne. Les lettres laissent la place aux lignes d'écriture du chat avec tous ses codes et ses abréviations.
Vous envisagez de continuer sur la même lancée " informatique " ?
Non, je ne pense pas continuer sur ce registre. Même si je me réserve le droit d'utiliser à nouveau Internet. C'est maintenant quelque chose d'acquis qui va bientôt basculer dans la banalité, comme le téléphone.
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