LEFDUP & LEFDUP « ENTRE LE SNARK ET LE GRAND NAPOTAKEU »
Enregistrement : Archives de La Spirale (1996-2008)
Mise en ligne : Archives de La Spirale (1996-2008)
Leurs créations se sont propagées à travers une multitude de supports depuis l'Oeil du Cyclone, mythique, regrettée et inégalée émission de télévision canalplussienne, jusqu'aux réseaux informatiques avec Lefdup.com, leur mégalomaniaque et truculent site web.
Propos recueillis par Laurent Courau.
Denis - À la base c'est le frère d'un autre Lefdup.
Le problème étant que l'un comme l'autre n'ayant jamais su lequel des deux était le frère de l'autre, Il est difficile de répondre précisément a une telle question, sachant que ni l'un ni l'autre ne sait exactement s'il est son propre frère ou si c'est un effet de ses sens abusés (la plupart du temps). Ce qui nous en conviendrons ne rend pas la tâche facile. C'est aussi pourquoi, l'un comme l'autre ne sait vraiment s'il fait de la musique pour les yeux, ou des images pour les oreilles, le principal étant qu'il se passe quelque chose. En somme.
Jérôme - Je suis d'accord avec mon frère. J'ajoute qu'un Lefdup se caractérise aussi par son inaptitude viscérale à définir clairement, voire sérieusement, ce qu'il fait, ou même ce qu'il est, ce qui ne l'empêche pas lui-même (le Lefdup) de prendre tout ça très au sérieux ...Bon, c'est peut-être pas très clair, mais c'était une première question bien difficile (ça commence bien !)...
De la musique pour les yeux et des images pour les oreilles ? Parlez-nous de vos activités diverses et variées...
Denis - Afin de s'y retrouver un tant soit peu dans ce grand gourbi (et orbi) on peut considérer que Jérôme a de meilleurs yeux que Denis, qui, lui, a de grandes oreilles. Et un grand nez (ce qui peut toujours servir). De fait l'un et l'autre est amené chacun de son côté a vivre de passionnantes expériences dans des domaines aussi variés que la télé, le ciné, les spectacles, la musique, le bruitage, l'art vidéo (ou pas), les expos, les installations, la pub, les jeux, l'internet, et la tartine beurrée.
Jérôme - SURTOUT la tartine beurrée...
Denis - Ainsi, lorsqu'on se retrouve pour travailler ensemble, à faire des trucs et des machins, qui sont des sons et des images, et qui, si ça se trouve, feront des musiques et des films (comme aurait dit Pierre Schaeffer), quelle n'est pas notre joie de débattre de nos nouvelles expériences, et de nous prouver l'un l'autre que c'est moi qui ai fait la plus mieux d'abord.
Jérôme - Non, c'est moi.
Le site Undernet décrit votre univers comme « baroque et saugrenu ». Que répondez-vous à l'auteur de cet article ?
Denis - « Saugrenu » : absurde, d'une bizarrerie ridicule. « Baroque » (entre autres) : bizarre, original, excentrique.
Absurde, bizarre, original, sûrement !!! Et heureusement ! C'est sans doute le principal intérêt de tout ça ! On peut raconter n'importe quoi sur n'importe quoi et de n'importe quelle manière sans se sentir obligés d'expliquer le pourquoi du comment de telle ou telle démarche (c'est quoi le message?) etc.. On est tenu par aucune « déontologie journalistique », artistique, politique, satirique ou Stanley Kubrique.
L'aspect « ridicule » n'est après tout qu'histoire d'appréciation... On ne prétend pas faire sourire tout le monde ! On est déjà content quand on se marre nous-même.
Jérôme - Je n'ai pas lu l'article, mais il est vrai que selon la personnalité de son auteur, « baroque » et « saugrenu » peuvent apparaître tour à tour flatteur ou méprisant... et comme j'avoue ne pas connaître la ligne éditoriale d'Undernet, je ne me rends pas vraiment compte, mais bon, pour moi ce sont des termes qui me satisfont de toutes façons : ça me paraît même super-vendeur, ça donne plus envie d'aller le voir que s'il était décrit comme « chiant » ou « convenu », non ?
À part ça, le tout premier article de presse concernant L'Oeil du Cyclone était titré « Télé pourrie » (eh oui) : mais c'était dans Présent, le torchon de Le Pen ! (ce qui me rappelle qu'ils ont quand même été les premiers à en parler, comme quoi, l'info...)
Du goudron Dalinien au vert à lèvres Stormoïde, quels furent les grands moments de la parabole Lefdupienne ?
Denis - Ils furent et ils sont encore ! ( ?)
De nombreuses « paraboles » peuplent le Lefdupland. De Mouzghéva, première et unique speakerine « ultra-terrestre » de Canal+, en des temps héroïques, à Stan the Hack (The best of the Crack), on a la chance de rencontrer régulièrement tout un tas de personnages, croisés au coin d'un nouveau logiciel, d'une nouvelle machine, d'un nouveau dugbul (instrument éminemment Lefdupien) ou d'un nouveau pétard...
Chacun a eu son heure de gloire, et n'est pas inapte a réapparaître dans nos divers voyages, tel le spectacle que nous avons récemment proposé à Sao Paulo et à La Villette et (toujours) diffusé sur Internet, voyage qui, justement nous propulse dans les méandres du dit Internet en compagnie de sept musiciens, trois écrans géants, seize moniteurs et une tripotée de paraboles visuelles et sonores, enregistrées sur bande. (pardon... sur hard disk)
Jérôme - À part ça, pour les grands moments, ou plutôt les Très Riches Heures de La Lefduperie, on peut citer en vrac Tout Toutou (série télé pour un public de chiens, entièrement aboyée et diffusée sur Canal), quelques installations (dont Les Allumés de la Télé à la grande Halle de La Villette, avec Véro Goyo et Michel Royer - et d'autres), les séries de concerts mégalo-underground (avec 15 à 20 musiciens et une « grosse » installation vidéo sur scène) où nous changions de nom de groupe à chaque représentation, et évidemment L'Oeil du Cyclone, auquel nous avons quand même consacré quelques zannées de notre petite vie, à faire plus d'une centaine de génériques (musique et images) différents, et tout l'habillage visuel une semaine sur deux, en alternance avec Véro Goyo, puis Vincent Hachet, (puis d'autres...), quelques sujets, beaucoup de rencontres... Bref, c'était plutôt la grôsse éclate, dirais-je.
Après, dans le genre parabole, on peut parler du site Lefdup & Lefdup, fabriqué quasi-clandestinement dans un but uniquement ludo-thérapeuthique mais qui nous valut les honneurs inattendus de la presse (et de la Scam aussi, sous la forme d'un prix accompagné d'un chèque !) et qui provoqua la commande d'un spectacle pour un festival Brésilien (« Home of The Page », donc), spectacle au cours duquel j'ai rencontré ma femme...C'est-y pas de la belle parabole, ça ? Merci Internet !
Où sont passés les Maîtres du Monde ? Et, toujours au rayon « nouveautés », quels étaient les liens entre les Lefdup et la punkoïde tribu des Lucrate Milk ?
Denis - Les Maîtres du Monde était le nom d' un collectif d'artistes vidéo, issus pour la plupart des Arts Décos de Paris. Il se trouve que nombre de leurs bandes-son se faisait chez les Lefdup, qui avaient le privilège de posséder un magnétophone et un micro, ce qui a l'époque n'était pas absolument révolutionnaire, mais néanmoins très utile.
Ses nombreux « membres » sont par la suite partis vers de nouveaux mondes, virtuels ou pas, et sont désormais les maîtres de leur propre monde.(ce qui n'est déjà pas mal) On pourrait citer en vrac, Yann Nguyen Minh, Dominik Barbier, Lari Flash, Basile Vignes, Jean-René Bader, Vero Goyo, Claudie Decultis, etc.
Quand aux légendaires Lucrate Milk, Denis a eu l'honneur d'accorder leur basse la veille de l'enregistrement de leur premier disque et par la meme occasion d'expliquer au bassiste par où ça se tenait et Jérôme a servi d'interprète en studio avec l'ingénieur du son qui ne parlait pas le keupon.
Jérôme - Quel menteur ! C'est aussi moi qui lui ai accordé sa basse, qu'il avait entièrement démontée pour pouvoir la peindre couleur girafe... ce qui était bien sûr le plus important. En fait la plupart d'entre eux étaient aussi aux Arts décos, comme quoi ça sert d'aller à l'école parfois.
Denis - Bon, je vais faire un café. Ça le calmera.
Comment se fait-il que vous ayez autant de zamis, seriez-vous les Télé-Tubbies de la production audiovisuelle montreuilloise ?
Jérôme - Personnellement, je suis tout vert, et Denis est tout rose ; peut-être est-ce là la raison de notre grande popularité ?
Plus sérieusement, il règne dans le quartier une ambiance plutôt sympathique entre les multiples ateliers de déco, de 3D (y'a même Disney qui est là !), les productions de vidéo (comme Label Vidéo), de films burkinabés (Idrissa Ouédraougo), les lieux de répétitions (et les musicos qui vont avec), les associations, le foyer malien, etc.
Mais... les Tele-tubbies, c'est plutôt barru ou saugrenoque ?
Denis - Si on me cherche, je suis au bar des sports.
Pourquoi est-ce que vous n'écoutez pas de chanteuses electro-gothique dépressives en portant du mascara et des vêtements noirs ?
Denis - On le fait, mais à la maison, le soir tard.
Jérôme - (tiens ? mais je ne t'ai jamais vu habillé comme ça ?)
Chez moi en ce moment, la tendance est plutôt d'écouter des vieux Brésiliens rigolards affublés de chapeaux ridicules (avec des p'tites franges là et là), qui font du triangle et de l'accordéon...
À part ça, la tendance générale depuis... depuis... un certain temps, c'est d'écouter absolument n'importe quoi, car tout le monde sait qu'il y a du bon dans tout, (et de la daube aussi, bien sûr) (et y'a même de la bonne daube parfois), et nous avons pris l'habitude d'écouter le plus de trucs possible, ce qui ne veux pas forcément dire TOUT, y'a des limites quand même, mais bon, ne pas s'enfermer dans un style, un genre, sinon, c'est comme toujours bouffer la même chose, ou voir toujours le même film...ça lasse.
Par ailleurs, le chanteur Evariste, devenu le professeur Sternheimer, a fait de très intéressantes recherches en « exprimant » (avec succès) des molécules chimiques sous la forme de fréquences et de séquences sonores - et donc musicales - et il en a conclu que nous aimons écouter les musiques correspondantes aux molécules dont nous avons besoin physiquement, et que de fait, selon les différents moments de la journée ou de la vie, on a besoin de produits différents (n'est-ce pas?). Parfois c'est du speed, parfois c'est une tisane.
Alors l'electro-gothique flippé, pour moi, c'est pas forcément matin-midi et soir... (merci docteur)
Denis - Qui m'a piqué mon mascara ?
Parlez-nous du Snark et de ce qu'il s'y trame...
Denis - Le Snark, situé a Montreuil (donc), est l'endroit où Denis, passe le plus clair de son temps depuis 1984 (et c'est pas peu dire).
Grâce aux machines les plus modernes, les logiciels les plus performants, deux oreilles et deux mains, il assure a longueur d'année diverses prestations et créations sonores et néanmoins télévisuelles, cinématographiques, théâtrographiques, publicitaires , CDRomographiques, et parfois audibles, afin que ce fier bouzin ne sombre pas corps et âme, entraîné par le poids de ses propres charges.
Parfois, Jérôme, las de ses longs périples à travers le monde, le rejoint et tous deux se speedent la tête pendant quelques semaines pour réaliser des albums saugrenus et baroques.
Jérôme - (ça lui plait ça, « saugrenu et baroque », on dirait). On y fait surtout des bandes-son de programmes Télé (l'Oeil du Cyclone, De Source Sûre, etc.), et on y prépare aussi nos zinnombrables spectacles...il faut dire que nous partageons les lieux avec des gens comme Hector Zazou ou Sébastien Libolt (qui fait les musiques des spectacles de Philippe Decoufflé), et que l'ambiance y est donc des plus studieuses. Quand à mes périples à travers le monde, ils se résument souvent à des allers-retours entre les différents prestataires vidéo parisiens « chez qui » se fabriquent les Lefduperies pour les zieux. Je citerai au passage Vidéo de Poche, petite société aussi méritante que sympathique, et à qui nous devons beaucoup (et nous ne sommes pas les seuls, depuis le temps).
Denis - Au Snark aussi, y en a qui doivent beaucoup... :-)
C'est quoi le Maghrob ? Une ancienne colonie du Lefdupland ?
Jérôme - Maghrob (ou Maghrobia selon les sources) est parfois citée dans les livres de Robert Sheckley ou de Michaël Moorcock (et peut-être même chez d'autres) comme étant une planète lointaine peuplée de Maghrobiens, sympathiques extra-terrestres aux moeurs encore mal connues...
Quand nous avons fait notre première vidéo (en 1853) (avant J-C), nous venions de faire un 45 tours (tu sais, un truc rond, plat et noir, avec un grand trou au milieu et qu'on pouvait rayer sans faire exprès) avec un titre d'un côté et le même titre à l'envers de l'autre côté, et là, surprise ! C'était du pur maghrobien tel qu'on l'émet du côté de Dénebola ! Nous avons donc déposé le morceau à la Sacem, qui exigea aussi le texte intégral.
Ce fut notre pierre de Rosette, et pendant un certain temps nous débutions tous nos concerts (multiples) par une interprétation live de l'hymne Maghrobien en VO, ce qui a pour effet de tester le public dès le début du show. En effet, tout le monde ne parlant pas couramment le maghrobien - il faut bien le reconnaître - la teneur du message de paix et d'amour qu'il contient n'est pas toujours bien perçue par le public.
À part ça, malgré une étonnante similitude phonétique et orthografik, Maghrob n'a, à ma connaissance, strictement rien à voir avec le Maghreb. Ou alors il faut demander à Sheckley (ou aux autres cités plus haut).
L'Oeil du Cyclone n'étant plus, que prévoyez-vous à l'aube du Troisième Millénaire ?
Denis - Une petite sieste et au lit.
Jérôme - Le Crépuscule du Troisième Millénaire.
Mais d'abord il y aura le Midi du Troisième Millénaire, puis le Quatre Heures du Troisième Millénaire, qui sera avec du chocolat, je pense. Je vois aussi Paco Rabanne comme président de la République, mais c'est un peu flou, et je n'arrive pas bien à discerner si ce sera ici ou aux États-Unis.
Denis - C'est ca, il sera saugrenu et baroque.
C'était quoi la réponse déjà ?
Denis - Y a plus de papier?
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