FATHER SEBASTIAAN « SABRETOOTH VAMPYRE »
Enregistrement : Archives de La Spirale (1996-2008)
Mise en ligne : Archives de La Spirale (1996-2008)
Propos recueillis par Laurent Courau.
L'intégralité de cette interview est publiée dans Mutations pop et crash culture, l'anthologie de la Spirale actuellement disponible en librairie. Father Sebastian et les communautés vampyriques d'Europe et d'Amérique du Nord ont également fait l'objet de Vampyres, Quand la réalité dépasse la fiction, un livre et un documentaire réalisé par Laurent Courau d'après une idée originale de Lukas Zpira.
J'utilise le nom de Father Sebastian, ce qui me correspond mieux que mon nom de « jour ». J'ai toujours ressenti le besoin de contribuer à un mouvement, de participer à la définition et à l'établissement d'une communauté d'esprits. C'est le but de ma vie. Je sens que quelque chose guide mes pas, sans vraiment savoir de quoi il s'agit. Cela fait des années que je participe à la création d'organisations pour servir cet objectif à travers le monde. Beaucoup sont venus et beaucoup sont encore là.
Pour moi, la vie est d'essence magique, un rêve lucide et une danse merveilleuse. Je me vois comme un prêtre, au service de mes frères et de mes soeurs pour les guider et les rassembler, en partageant mes connaissances (ce que je fais au travers de ma maison d'édition) et en leur offrant des expériences (au travers des événements, des rassemblements, des rituels et des performances que j'organise). Et certainement pas en régnant comme un roi ou un seigneur, ce qui pour moi n'est pas un service, mais une forme de faux ego personnel.
Actuellement, ma priorité est de partager les traditions de ma famille avec la communauté au travers de mon nouveau livre V ou Vampyre, un nouveau tome sur la voie sombre, les enseignements et les traditions du Strigoi Vii (le vampyrisme vivant). Il contient une série d'articles, d'essais et de textes sur le vampyrisme moderne. Je l'ai écrit en collaboration avec Michelle Belanger de la Maison Kheperu, Layil Umbralux et Madame X de mon propre ordre pour pousser les gens à se remettre en question et les aider à renforcer leurs visions.
Cette première édition de V est une édition spéciale limitée à trois mille exemplaires, dont les 666 premiers exemplaires numérotés et signés sont déjà épuisés. Je suis donc très content et très flatté de la réaction de la communauté.
Comment avez-vous découvert la scène vampyrique ?
J'ai commencé par organiser des parties grandeur nature de Vampire: The Masquerade autour de 1992, parce que je me sentais attiré par certaines personnes qui participaient à ce jeu de rôle. Ce jeu a constitué ma première initiation à la sous-culture vampyrique underground new-yorkaise. C'est ensuite, en 1994, alors que je travaillais de jour comme prothésiste dentaire que je me suis lancé dans la fabrication des crocs sur mesure dans les clubs et à l'occasion de nos jeux de rôle. Ça m'a ouvert les portes d'un monde plus tangible, dans lequel je pouvais vivre plutôt que de faire semblant.
J'ai donc commencé à « interviewer » les membres de l'underground new-yorkais pour qui je façonnais des crocs. Quand vous passez une heure à travailler avec une personne, il se crée forcément un échange. Vous prenez quelque chose d'elle et elle vous laisse une part d'elle-même. Après deux années d'activité, j'ai décidé en janvier 1996 d'organiser un rassemblement intitulé le « Vampyres Ball » au Bank pour tous ceux pour lesquels j'avais fait des crocs. C'est à partir de ce moment que je me suis senti véritablement lié à New York, profondément amoureux de cette ville et de ses habitants. J'ai passé les sept années qui ont suivi à former d'autres artisans fabricants de crocs et à publier des livres. J'ai moi-même réalisé des milliers de crocs, ouvert ma propre boutique, commissionné des artistes pour fabriquer des bijoux et voyagé à travers le monde.
Le « Vampyres Ball » de 1996 a été un moment charnière, pour ce que j'appelle le « old coven » (les Azaralim) et le « middle coven » (le Sanguinarium). Ça a été le moment du grand passage de pouvoir, à peine cinq mois avant que Suzan Walsh, la journaliste du Village Voice, ne disparaisse en enquêtant sur les vampyres de l'East Village. Le passage de la couronne des mains des Azaralim au Sanguinarium a ouvert une nouvelle ère pour la scène vampyrique. Il ne s'agissait désormais plus d'un phénomène aussi underground qu'avant et les médias ont vite fait de New York la « capitale des vampyres ». Les anciens Azaralim qui régnaient dans l'ombre sur les scènes sombres de Manhattan ont été dissous et le Sanginarium s'est imposé.
Le clan Sabretooth fut ensuite formé par mes propres clients, sous l'inspiration de Goddess Rosemary. Il était dirigé par moi-même et Father Vincent, mon frère de sang et mon apprenti. Nous avons organisé des événements incroyables, lancé un rendez-vous hebdomadaire connu sous le nom de Long Black Veil au légendaire club Mother et des centaines d'âmes sombres (dont notamment de nombreuses célébrités) sont venues à nous pour célébrer quelque chose. Depuis cette époque, des douzaines de Maisons (des familles vampyriques telles que les Omallies, Sahjaza, Orion, Hidden Shadows, OTD, etc.) se sont formées. De nombreuses cours, des salons noirs pour vampyres, comme Gotham, Iron Garden et Lazarus, et des ordres comprenant de nombreuses différences dans leur composition, leur forme et leur style ont évolué à partir de clan Sabretooth.
Ces traditions et ces concepts sont devenus un modèle et une inspiration pour toutes et tous à travers le monde ! Nos traditions, notre code de conduite et notre terminologie sont utilisés sur les cinq continents, depuis le Brésil jusqu'au Japon, en passant par la Russie et l'Europe.
Qu'est-ce qui vous a attiré vers le côté obscur de la force ? Étiez-vous déjà intéressé par les sciences occultes et le paranormal ?
Je ne peux pas vraiment vous expliquer ce qui m'a attiré vers le côté obscur de la force. J'ai toujours été fasciné par l'occulte et le paranormal et je l'exprime véritablement ces dix dernières années au travers d'une expérience psychologiquement et scientifiquement tangible. Les gens se rassemblaient et vivaient cette vie nocturne mais pour une raison qui m'échappe, ce n'était pas assez tangible. On ne vit pas véritablement un fantasme.
Pour beaucoup la magie, le clubbing, l'art, la performance, la spiritualité, la religion et l'occulte sont l'exercice d'une volonté de l'espèce humaine. Toute culture a ses mythes, ses légendes, son folklore et ses croyances subliminales. Les Occidentaux ont réalisé que beaucoup de ces choses fantastiques sont simplement des métaphores, mais nous avons quand même nos propres légendes modernes tels que les anges, les enlèvements extraterrestres, la renaissance de la magie et bien sûr les « vampyres ».
Pourriez-vous nous expliquer ce qu'est un vampire et nous dire pourquoi la communauté vampyrique utilise un « y » au lieu d'un « i » ?
Au départ, on m'a enseigné, et j'ai observé en faisant mes premiers pas dans la communauté vampyrique new-yorkaise du début des années quatre-vingt-dix, que le terme subtil de « vampyre » avec un y, était d'usage afin de faire la distinction entre la réalité et le fantasme. La communauté vampyrique la plus ancienne, que mon mentor et moi-même appelons les « Azaralims », était profondément underground. Il est tout simplement impossible d'expliquer de quoi il s'agissait. Certains d'entre eux utilisaient le terme de « Strigoi Vii » comme un code entre eux pour signifier qu'ils étaient des vampyres.
Plus récemment, depuis à peu près quatre ans, certaines personnes se sont mises à utiliser la lettre « i » comme dans « vampire », principalement sur le Web. Je ne suis pas sûr de comprendre leur motivation, il y a des modes comme ça. Il s'agit surtout de partisans de la sorcellerie blanche et d'adeptes de la Voie de la Main Droite mais ceux du Strigoi Vii continuent d'employer l'orthographe traditionnelle. À chacun son truc.
Que pensez-vous de l'évolution récente de la communauté vampyrique ? Elle me semble en pleine expansion, pour ne pas dire explosion ?
Je pense que cette évolution vient de ce que de plus en plus de gens réalisent qu'ils portent en eux la « Flamme Sombre », qu'ils apprennent à l'explorer, à la célébrer et à l'expérimenter. Ceci dit, d'un autre côté, j'ai l'impression que la scène est aussi en train de trop s'ouvrir vers l'extérieur, ce qui lui fait perdre sa saveur si particulière liée au secret et à l'underground. Certains membres de la communauté estiment que nous devons être publics afin de nous « protéger » et d'éduquer les gens. J'ai personnellement été trop exploité par les médias et je refuse dorénavant de donner des interviews pour la télévision. Je n'accepte que les interviews par écrit ou pour la radio parce qu'il est ainsi plus difficile de déformer mes propos et que ça me permet d'éviter les dérives sensationnalistes.
Pour moi, cet intérêt grandissant pour la culture vampyrique est aussi un signe de l'éveil d'un nombre important de gens qui sont déjà des vamps et qui découvrent depuis peu les mots et les moyens pour expliquer ce qu'ils sont. Durant des décennies, nous avons grandi avec Dracula, les livres d'Anne Rice, le jeu de rôle Vampire : The Masquerade, etc. Notre volonté collective a façonné notre conscience autour de ces archétypes et de ces programmes. Ceci se combinant avec les conditions astrales actuelles et donc la meilleure explication étant celle d'être vampyre.
Êtes-vous en contact avec des vampyres hors des frontières nord-américaines et européennes ?
Tout à fait, avec l'expansion de l'Ordre de Strigoi Vii, nous avons des membres en Afrique du Sud, au Brésil, au Japon et en Australie. Et de plus en plus de nos membres viennent d'Asie ou de Russie.
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