SYLVIE DENIS ET ROLAND C. WAGNER


Enregistrement : 15/03/09

Sylvie Denis et Roland C. Wagner, tous deux auteurs de science-fiction reconnus (voir les liens connexes et la précédente interview de Roland C. Wagner dans La Spirale), nous parlent d'Il est parmi nous, un roman de Norman Spinrad essentiel et inédit qu'ils viennent de traduire pour le compte des éditions Fayard. Il est parmi nous sera disponible en librairie le mercredi 18 mars 2009.

Présentation d'Il est parmi nous par l'éditeur :


Qui est vraiment Ralf, le « comique venu du futur » ? Et pourquoi « Le Monde selon Ralf », le talk-show qu'il anime à la télévision, est-il de plus en plus amer ? Quand Texas Jimmy Balaban, son agent, l'a découvert sur les planches d'un café-théâtre de troisième zone, il était pourtant d'un drôle... Dexter D. Lampkin, un écrivain de science-fiction désabusé, et Amanda Robin, qui joue les coaches mystiques, pensaient avoir bien peaufiné le personnage. Le problème, c'est que Ralf ne sort jamais de son rôle. Comme s'il était son rôle. Comme s'il venait vraiment du futur... et quel futur !

Le pire que vous puissiez imaginer : la biosphère a été dévastée, l'air est irrespirable, et les derniers représentants de l'espèce humaine se sont réfugiés dans des centres commerciaux pressurisés. En un mot, l'homme survit sur le vaisseau devenu fou d'une planète morte qu'il n'a pas su sauver. Ralf a-t-il été renvoyé dans le passé pour réveiller nos consciences ? Est-il celui dont nous avons besoin pour traverser l'inévitable « crise de transformation » que nous devons affronter ? Car ce qui est, est réel. Et nous ne pourrons y échapper.

Dans ce roman à l'humour ravageur, Norman Spinrad, l'auteur virtuose de Jack Barron et l'éternité, des Miroirs de l'esprit et des Années fléaux, met en scène notre époque avec intelligence et férocité face aux grands périls qui pèsent sur l'humanité et, comme dans Rêve de fer, poursuit sa réflexion sur son genre de prédilection, car Il est parmi nous est aussi le grand roman de la science-fiction.

Norman Spinrad étant exceptionnellement de retour en France pour une durée d'un mois, plusieurs séances de signatures sont prévues. La première se tiendra dès le début de la semaine prochaine dans le cadre du Salon du Livre de Paris, occasion rare de rencontrer un des auteurs phares de ces cinquante dernières années.

Mardi 17 mars - 17 heures
Signature en avant-première sur le stand Fayard (M53) au Salon du Livre de Paris, Porte de Versailles

Samedi 21 mars - 15 heures 30
Signature Chez Gibert-Joseph - 30, bd Saint-Michel, 75005 Paris

Jeudi 26 mars - 18 heures
Signature à l'Amour du Noir - 11, rue du Cardinal-Lemoine 75005 Paris

Et du 30 mai au 1er juin 2009
Norman Spinrad sera l'invité d'honneur du festival Etonnants Voyageurs à Saint-Malo.



Où et comment situez-vous Norman Spinrad sur l'échelle de l'évolution science-fictionnelle ? Je trouve par exemple surprenant de le voir relativement peu cité aux côtés des cyberpunks dont il me semble pourtant constituer au minimum un ancêtre éclairé. D'ailleurs, Roland le souligne très justement dans sa chronique Le père, le fils et la maladie et je le cite : « Spinrad était fasciné par l'électronique, la vidéo et la dégradation de la société américaine dès les années 60 »...

Sylvie Denis : J'ai toujours pensé que Norman Spinrad parlait de choses dont j'avais moi aussi envie de parler, en mieux. Et puis dernièrement, je me suis souvenue que j'avais lu Les Solariens à quatorze ans, et que donc, ce qui m'intéresse a peut-être été influencé... Son analyse du mouvement cyberpunk était tout à fait juste, dans la mesure où il voit la technologie comme une extension normale de l'homo sapiens. Ce sont des gens qui écrivent de la SF pour parler de notre monde, pour mieux le comprendre. Et comme il y a un certain courant de pensée qui tente de persuader les gens que notre époque est compliquée et incompréhensible, ma foi, j'estime qu'ils font un travail indispensable pour la bonne santé intellectuelle de l'humanité !

Roland C. Wagner : Dans mon souvenir, Norman a été cité pas mal de fois comme un précurseur des Neuromantiques, comme il avait suggéré de les appeler. Je suis tenté de penser que non seulement il le mérite, mais qu'il est doublement, voire triplement précurseur des auteurs cyberpunks. À moins qu'un texte m'ait échappé, il est quand même le premier auteur de science-fiction à employer le rock dans le cadre d'une conjecture, vers la fin des années soixante. À la même période, il a exploré des univers psychédéliques dans des nouvelles comme « Carcinoma Angels » ou « En terrain neutre ». Jack Barron et l'éternité témoigne d'un intérêt pour la société de l'information qu'on ne trouve guère que chez Brunner, et encore. Il y a aussi d'une manière générale chez Norman une intégration du « savoir de la rue » par où il exprime ses préoccupations sociales. On retrouve tout ça dans l'esthétique cyberpunk : les mondes psychédéliques sont devenus des espaces virtuels numériques, la télé a été supplantée par le réseau, il y a le rock et il y a la rue...

Lors d'un récent échange d'emails, Roland me parlait d'Il est parmi nous comme d'un livre très important. Comment le situez-vous dans l'oeuvre de Norman Spinrad ?

Sylvie Denis : Il dit que c'est son meilleur livre et je ne suis pas loin de le croire. C'est en tout cas l'un des plus complexes et qui aborde une quantité ahurissante de thèmes. C'est un livre sur la science-fiction en tant que genre et que subculture, mais aussi un livre sur l'écriture tout court, sur l'avenir de l'humanité à un tournant de son histoire. Et c'est une comédie sur le thème du bouc émissaire, ce que je considère comme un exploit ! Pour les lecteurs français qui ont lu Bleue comme une orange, je pense que sa lecture sera un excellent moyen de rentrer dans la tête d'un auteur. On voit comment il en est arrivé aux idées développées dans Bleue comme une orange en suivant le parcours des personnages d'Il est parmi nous !

Roland C. Wagner : Pour l'instant, mais je suis encore sous l'influence de huit ou neuf mois de boulot intense, je pense que c'est son meilleur roman. Je veux dire, je suis bluffé. Vraiment. C'est son chef-d'oeuvre au sens où c'est une clef de voûte, la réunion de tout un tas de pistes qu'il a développées dans des bouquins antérieurs. Il en a poussé certaines vraiment à bout, soit dit en passant. Et, rétrospectivement, je pense qu'on comprend mieux Bleu comme une orange, qui a été écrit après. Il est parmi nous, c'est l'exemple même du grand bouquin qui, peut-être en avance sur son temps, n'a pas trouvé d'éditeur en son temps. Du coup, il pesait sur les suivants, mais il manquait un maillon pour le lecteur assidu. Donc, c'est le chaînon manquant.

On connaît mal le travail des traducteurs, qui est pourtant essentiel. Comment s'est déroulé ce travail à quatre mains ? Et pour être plus précis, par quel bout démarre-t-on une tâche aussi monumentale, quels furent les principaux écueils à éviter et comment s'est déroulée la collaboration avec Norman Spinrad, si collaboration il y a eu ?

Sylvie Denis : On commence par lire le livre. Je crois bien qu'entre ma première lecture et les dernières que j'ai faites du texte traduit, je l'ai lu une dizaine de fois. Comme le livre était un peu long, j'ai été chargée d'identifier où se trouvaient les possibilités de coupes. J'en ai fait part à Norman, qui a fait le travail lui même. En ce qui concerne la traduction, j'ai fait le premier jet, tout les passages écrits du point de vue de Foxy Loxy et de certains chapitres. Ensuite Roland a fait la deuxième couche et selon les chapitres, le texte a eu plusieurs relectures. Nous avons parlé de certaines décisions, comme de passer Foxy Loxy au présent, avec Norman et tout s'est bien passé !

Roland C. Wagner : J'ai commencé par le début pendant que Sylvie s'occupait de Foxy Loxy et traduisait trois ou quatre chapitres. Après, j'ai tout relu, elle a tout relu, j'ai tout relu, elle a tout relu, etc. C'est elle qui a su capter le flot, le débit, la confusion surexcitée de Loxy ; ensuite, j'ai travaillé sur le phrasé, l'orthographe, tout ça en essayant de conserver et même de faire ressortir le rythme. Les autres points de vue sont d'une forme plus classique. De temps en temps, on demandait deux ou trois trucs à Norman, surtout au sujet des calembours.

Le communiqué des éditions Fayard annonçant la sortie d'Il est parmi nous en parle aussi comme du « grand roman de la science-fiction ». Et en effet, on peut y voir une brillante parabole sur la science-fiction et le rôle qu'elle joue dans nos sociétés post-industrielles. S'agit-il pour vous aussi d'un roman sur la science-fiction et plus généralement, quelle est pour vous la place de la science-fiction dans la culture de ce début de millénaire ?

Sylvie Denis : Je n'utiliserais pas le terme de parabole parce qu'il n'y a pas de dimension allégorique : le sujet est abordé de façon très nette et très franche. L'un des personnages est un auteur de science-fiction américain qui vit à Los Angeles et qui se retrouve engagé pour fournir un background et des gags à un comique qui dit venir d'un futur où la biosphère est complètement ravagée. Et Dexter Lampkin, en bon personnage spinradien, ne cesse de se poser des questions sur ce qu'il doit faire. Est-ce qu'il trahit le genre et la littérature en participant à ce talk-show ? Est-ce qu'il se sert de Ralf de manière cynique ? Ou est-ce qu'au contraire il fait ce qu'il doit faire pour aider un peu l'humanité ?

La place de la SF est totalement paradoxale. D'une part, elle est partout par le biais du cinéma et des séries. De l'autre, son histoire et son assise littéraire est inconnue de ce qu'il faut bien appeler l'intelligentsia. Ou bien si elle est connue, ce n'est pas une connaissance avouée. J'aime à penser que c'est une sorte de contre-culture, à une époque où le mot n'est plus à la mode... Mais bon, il y a des changements. Des universitaires qui s'intéressent au sujet, des éditeurs de littérature générale qui publient de la SF...

Roland C. Wagner : Je pense qu'on peut parler d'un roman de méta-science-fiction. Un roman de science-fiction sur la science-fiction, sur le genre sous toutes ses formes : de ses hordes de fans déguisés en M. Spock ou en Wookie à la capacité du genre de pousser très loin la réflexion intellectuelle et philosophique sans jamais perdre de vue la dimension scientifique des choses. Rien qu'avec ça, Norman n'avait pas d'autre choix qu'une comédie. Sinon, impossible de prendre le recul nécessaire. Mais c'est aussi un genre de méta-comédie, une comédie sur la comédie. Et un livre sur le mysticisme non dénué de mysticisme.

La place de la science-fiction ? Partout.


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A propos de cet article


Titre : SYLVIE DENIS et ROLAND C. WAGNER
Auteur(s) :
Genre : Interview
Copyrights : Laurent Courau
Date de mise en ligne :

Présentation

Sylvie Denis et Roland C. Wagner, tous deux auteurs de science-fiction reconnus, nous parlent d'Il est parmi nous, un roman de Norman Spinrad essentiel et inédit qu'ils viennent de traduire pour le compte des éditions Fayard.

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Fr.wikipedia.org/wiki/Sylvie_Denis
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