MAURICE G. DANTEC « VILLA VORTEX »
Enregistrement : Archives de La Spirale (1996-2008)
Mise en ligne : Archives de La Spirale (1996-2008)
Réalisé entre les mois d'août 2002 et de février 2003, entre Paris, Montréal, Genève, New York et Barcelone, cet entretien suivait de près la publication de Villa Vortex. Où l'on distingue, avec le recul, certaines intuitions parfois plus perspicaces que les vociférations des détracteurs de l'auteur des Racines du mal. Certes, perdues dans les arcanes d'un délire schizotrope d'excellent niveau, mais néanmoins plus acérées que les édits des médias parisiens de cette même époque.
Avec un clin d'oeil à la journaliste et essayiste franco-suisse qui avait proposé d'attaquer La Spirale en justice pour incitation à la haine raciale, suite à la publication sur nos pages de la réaction de Maurice G. Dantec aux événements du 11 septembre 2011. Déjà une forme de « cancel culture » avant l'heure.
Propos recueillis par Laurent Courau.
Les faux prophètes vont d'autant plus pulluler que nous sommes depuis un bail entré dans un autre type de narration, une narration post-historique, ou anti-historique, qui combine en elle deux figures : celle de l'Apocalypse comme Révélation, et celle du Jugement Dernier comme Fin des Temps. Deux figures qui modulent en secret absolument TOUS les nihilismes du moment (comme quoi le nihilisme est AUSSI une opération particulière d'investigation sur la vérité).
Or c'est le XXe siècle qui, en quelques phases cruciales, nous fait entrer dans ce nouveau type de narration. Les prédicateurs de catastrophes sont généralement INCAPABLES non seulement de resituer les événements sur une carte dynamique, géopolitique et intégrale, mais ils sont généralement incapables de faire la différence entre la CARTE et le TERRITOIRE. Ils sont donc dans l'INCAPACITÉ de PRÉ-VOIR quoique ce soit, - c'est à peine s'ils "post-voient" ce qui se produit devant eux tous les jours -, donc pas même des événements comme le 11 septembre, et en tout cas pas la dynamique secrète qui allait conduire à cette brutale "actualisation" du nihilisme terminal.
Or, dans les dynamiques productives de l'histoire des hommes, comme dans beaucoup de systèmes physiques, des "inversions intensificatrices" ont lieu en permanence, c'est une sorte de spirale indéfinie mais qui définit l'histoire paradoxale de la conscience.
Personne n'a compris ce qui s'est passé, en douze ans, entre la Chute du Mur, et celle des Tours. Or il s'agit d'une double (dé)-Généalogie : Un phénomène très complexe que j'essaie d'éclairer dans le roman que je termine présentement. J'attends avec une impatience non feinte, les "écrits" qu'on va voir sur les étals en cette rentrée littéraire. Au cas où la littérature nationale-contemporaine soit sortie de son autofiction, il est probable que des platitudes sans fin vont venir se dérouler en longues saucisses sur le terrorisme, ou en courtes odes au ramassé intestinal pour le nihilisme pétro-wahabbite des talibans.
Autre idée en vogue, la thèse prospective d'un Accident Global, à l'échelle humaine ou planétaire. Une thèse souvent floue et mal définie mais néanmoins récurrente. Tu l'avais pour ta part abordée dans Babylone Babies à travers la venue au monde des deux jumelles apocalyptique. Quelle en est ta vision aujourd'hui ?
Il y a peut-être quelque chose d'encore obscur à ce sujet dans Babylone Babies, c'est que les Jumelles sont les figures inversées/intensifiées de cet Accident Social Global qui, en fait, se produit chaque jour, mais qui culminera sans doute prochainement lors de "points chauds" très éruptifs. L'Accident Global, extensif, social, est sous les yeux du lecteur durant toute la durée du roman, des guerres vécues par les personnages, ou vues à la télévision, guerres inter-étatiques et/ou inter-maffieuses, et cela y compris jusqu'au building des "cyborgs". Mais parallèlement, et nouée paradoxalement à toute cette déshistoire des hommes par eux-mêmes, Marie Zorn, CONVERTIT en son corps toutes les tendances de cet Accident Global, sous la forme BIOLOGIQUE, INCARNÉE des jumelles, qui ne sont plus tout à fait humaines.
Elles ne sont pas l'Accident, mais sa vérité, c'est-à-dire sa contrevérité poussée au seuil d'intensification/inversion suivant.
Tes détracteurs te reprochent souvent ton exil québécois, en utilisant ce prétexte pour nier la pertinence de tes critiques à l'égard de la société française. Penses-tu qu'il soit nécessaire d'être présent sur place pour analyser et critiquer un événement ou un fait de société ? Ce qui reviendrait presque, par ailleurs, à valider la pertinence des propos de Bernard Henri Levy qui semble passer sa vie en transit entre deux avions pour la Bosnie ou l'Afghanistan ?
- Primo, on remarquera que mes détracteurs sont parfaitement intégrés dans la machine entropique de dévolution générale, dont la Culture Nationale-Contemporaine est depuis longtemps le moteur principal. BHL et ses manies de tour-operator du totalitarisme ont plus fait contre les ex-yougoslaves que toutes les milices serbo-communistes réunies. Idem pour Shah Massoud. Quand la République Française ne sait plus quoi faire pour venir en aide aux soldats de la liberté (c'est-à-dire à chaque fois), elle leur envoie BHL. Il est plus facile ensuite de caser deux kamikazes arabes déguisés en journalistes.
- Secondo, je ne vois pas en quoi mon point de vue depuis le Canada m'empêcherait de critiquer la société française. Dois-je rappeler la longue liste des "exilés" dont notre nation aujourd'hui se targue, jusque dans ses manuels scolaires ? Enfin, je crois qu'un exil en Amérique du Nord française n'est peut-être pas une solution plus absurde qu'un "enracinement" à Saint-Germain-des-Près ou sur la Place de la République.
Cette interview a été planifiée de longue date, et reportée à de nombreuses reprises. Tu avais un temps exprimé le souhait qu'elle soit publiée à l'occasion du premier anniversaire des attentats du onze septembre 2001. Peux-tu revenir sur l'importance que revêt ce symbole pour toi ?
Pour le dire franchement, je m'attendais à ce que des commémorations diverses se déroulent un peu partout sur la planète et, aujourd'hui, je crois que je suis assez satisfait que nous évitions cette date fatidique. En fait j'aurais préféré marquer le coup pour l'assassinat de Shah Massoud, tué par deux caméras vidéos à peine alphabétisées, et dont tout le monde se contrefiche comme du premier bouquin de BHL ou de Thierry Meyssan. Sinon, je pense que Vendredi 13 sera au poil.
Nous sommes potentiellement à quelques semaines d'une nouvelle offensive occidentale sur l'Irak. T'étant pour le moins férocement engagé sur la question du conflit qui oppose l'Islam fondamentaliste au monde occidental, comment envisages-tu le futur géopolitique ? Ta vision d'ensemble paraît extrêmement pessimiste.
Ah, non, pas du tout, je suis au contraire d'un OPTIMISME invétéré, maintenant que nous sommes vraiment au Seuil de l'Apocalypse, comme disait Léon Bloy en 1917, et même par-delà, tout concourt au contraire à VOIR ce qui se produit comme la Punition Divine qui attendait aussi bien l'Occident néo-bourgeois et déchristianisé que les hérétiques d'Orient qui nient la divinité du Dieu Vivant. L'Homme du XXIe siècle va commencer, je le pense, à comprendre qu'on ne fait pas mumuse impunément avec la Puissance de Dieu, pas plus qu'on ne sert de son Nom en vain, ou pour l'oeuvre du Démon, comme le Coran lui-même le rappelle fort justement.
Les petits aviateurs improvisés du onze septembre n'ont pas eu l'air de se rendre compte que leur idée fort télégénique pourrait aisément être retournée contre eux, et leurs centres religieux disséminés dans le monde, ou au coeur des déserts. Comme Guillaume II, Luther, Mao ou Hitler, et bien d'autres, leur "politique" n'est pas autre chose qu'une très courte fuite en avant. Courte, car l'Abîme est déjà là, et un second attentat, analogue à celui de l'an dernier, sonnerait définitivement le glas de toutes les populations islamisées de la planète. Ce fut donc un joli "one-shot", certes, mais aussitôt recouvert à coup de bombes thermobariques. Ben Laden et ses sbires, ou ses "potes", feraient bien de réaliser qu'en Occident aussi on sait prendre des lecons de vol aérien. Mieux encore, nous avons à notre disposition un arsenal militaire, officiel ou officieux, que des "civils motivés" pourraient fort bien utiliser à leur tour, et dont personne ou presque ne sait encore rien.
Très mauvais calcul, messieurs les Jihadistes, retournez à vos abaques. Sur le plan géopolitique, j'ajouterais que les islamistes contemporains, ou les anciens Baasistes récemment reconvertis, comme Saddam Hussein, Sauveur-du-Peuple-Irakien, me font irrésistiblement penser aux nationaux-socialistes allemands vers 1941. Ils conduisent directement toute leur civilisation à la catastrophe, en jouant les gros bras avec quelques bombinettes atomiques ou bactériologiques, sans savoir, ni même deviner, qu'ils condamnent environ un milliard de personnes à être, définitivement, rejetées dans les déserts de la non-histoire, et de la mort collective.
En ce qui me concerne, je plains très sincèrement les populations arabophones et musulmanes de France. Elles auront à choisir entre le chantier Ben Laden and Co, et l'entreprise Le Pen et Cie, ou un de ses repreneurs. Merci le Réseau Voltaire, merci Edward Saïd !
L'inversion nihiliste des valeurs, à savoir la remise en question des racines de la société judéo-chrétienne par un tribunal Pop, défini dans un contexte franco-américain par le peloton de tête Bourdieu-Dustan-Chomsky-Ramonet, fait dorénavant partie de tes chevaux de bataille. On peut dire que tu as affaire à forte partie, du moins sur le terrain médiatique francophone. Qu'est-ce qui motive cette croisade, quasiment masochiste dans le contexte actuel ?
Le peloton de tête dont tu parles c'est le quadriumvirat du nihilisme post-moderne. Détestation de tout l'ordre occidental ancien, judaïsme, antiquité, moyen âge, christianisme en tête de liste. Mais aussi "militarisme", "eurocentrisme", "patriarcat", j'en passe, bref toutes les traditions dont l'Occident tardif était encore, souvent à son corps défendant, le porteur jusqu'il n'y a pas si longtemps ; ainsi l'Amérique impériale de la méchante "droite chrétienne" - par exemple Jefferson, Abraham Lincoln ou Roosevelt, tous de dangereux nazis comme on sait -, ou bien l'OTAN, et, bien sûr, l'Église Catholique, ou Orthodoxe... bref au-delà de tous les différentiels encore à l'oeuvre, notre quadriumvirat de viragos post-modernistes rêve encore tout éveillé à un "mondeuh-sans-frontièreuh", surtout pour les ordures terroristes, bref une sorte de communisme new-age, avec manifestations quotidiennes contre le "Système" et distribution gratuite de pâtés de soja et de manuels d'économie mondiale par les modernisateurs de la médiocrité, ATTAC par exemple.
Quand on sait que les 3/4 des rédacteurs du Monde ou de Libé sont d'anciens trotskistes - connus pour leur ouverture d'esprit - on devine comment de forts bruyants gargouillis intestinaux, à l'évocation de certains mots ou concepts, puissent leur tenir lieu de bavardage.
Le processus de conversion développé à travers les deux tomes du Théâtre des Opérations me paraît évident. Je fais bien sur référence à ton processus de conversion au christianisme. Et nombreuses sont les personnes autour de moi à avoir partagé cette même lecture. Tu dis pourtant que le seul critique à l'avoir compris serait Paul Garapon de la revue Esprit. Aurions-nous peut-être mal compris et décodé ? Et sinon, comment expliques-tu la différence qu'il y aurait entre tes lecteurs et les critiques littéraires ?
Attention: j'ai bien dit le seul "critique". C'est-à-dire le seul à en avoir fait état publiquement. Je ne sais pas exactement, sinon par quelques lettres qui me parviennent, comment mes lecteurs ont perçu ce mouvement assez imprévu de ma propre pensée. Mais je dis "imprévu", en sachant très bien que c'était tout le contraire. Quelque chose, pour ne pas dire "Quelqu'UN", l'avait prévu, évidemment.
Pour revenir sur le point initial de ta question : Je suis tout à fait certain, en fait, que la majorité des lecteurs aura constaté ce mouvement de conversion. Il est probable que cela soit partiellement la cause explicative des torrents de haine qui se déversent sur moi depuis un an ou deux : certains d'entre eux, je le sais, on vu cela comme une effective "trahison". Et je ne leur donne pas tort. Il était temps que je les trahisse, eux qui, chaque jour, reconduisent leur petit marchandage à trente deniers.
Tu reviens fréquemment sur l'idée de "nihilisme terminal", ce moment que tu définis comme étant celui où l'humain courant, le sursinge, entrevoit avec délices l'avènement d'intelligences artificielles, nées de sa propre intelligence, qui viendront le remplacer. Quelles pourraient être les alternatives ?
Je l'ai déjà dit, et je le redis de la seule manière possible : Le Christ-Roi, ou la mort.
Tu distingues le méta-humain ou l'homme intégral, celui qui ose embrasser le Zéro et l'Infini, l'homme réuni des kabbalistes juifs, de la post-humanité qu'on nous prépare, celle qui vient de naître. J'aimerais assez que nous revenions ensemble sur ces deux définitions ?
Cher Laurent, je viens de me farcir un roman d'environ 700 pages pour essayer de circonscrire le mystère. Pourrions-nous en reparler plus longuement après sa sortie ?
Mais pour faire bref, il est tout à fait clair selon moi que la soi-disant "post-humanité" plus ou moins cyborg qu'on nous promet, avec clonage réplicatif sauce Raël pour faire bonne mesure, est la tentative désespérée de la Technique pour faire croire aux humains qu'elle est en mesure, par elle-même, et elle seule, de "changer" quoi que ce soit à notre ontologie. Or, précisément, c'est parce que nous ne voulons toujours rien changer de nos conceptions dualistes et mécanistes de la "vie" que nous croyons parvenir au "bonheur" grâce à la neuronnexion avec un centre-serveur de recettes de cuisine, ou à la pause d'un circuit orgasmatique dans notre anus, "nouveau centre rayonnant de la sexualité humaine" - je cite un auteur contemporain dont le nom ne me revient pas.
Pour donner suite à une question que me posent fréquemment les lecteurs de La Spirale, qu'est-ce qui a motivé ton éloignement de la production fictionnelle au profit des tes deux journaux polémiques et métaphysiques durant ces dernières années ?
Ceux qui croient que l'écriture est un "métier", une "carrière", voire même, pire encore, une "vocation" ignorent tout de ce en quoi elle consiste : la lumière qui jaillit de la mort. En fait, je ne me suis jamais "éloigné" de la production fictionnelle. Durant tout le temps de l'écriture des deux TdO, j'ai continué, parallèlement, à travailler sur des plans et des ébauches de romans. Je viens juste d'en terminer un, le premier d'une trilogie, qui devrait être publié par Gallimard en janvier 2003. Les deux volumes du TdO me furent indispensables, ou plutôt furent indispensables à ce qui, dans ma conscience, me poussait déjà à entreprendre la transformation générale de ma propre écriture. C'est-à-dire la transformation générale de ce que je suis.
Le vocabulaire et les références littéraires, théologiques ou philosophiques de tes dernières interventions éditoriales, interviews accordées aux médias et publication de tes journaux métaphysiques et polémiques compris, risquent de te couper d'une partie de ton lectorat. Sans penser pour autant un nivellement par le bas, ne crains-tu pas d'établir une distance dommageable avec des esprits en quête d'informations ? N'était-ce pas là un des points forts de la culture pop, à savoir l'accessibilité, avant qu'elle ne succombe au monde marchand ?
Je ne crois pas qu'on puisse se "couper" d'un lectorat. Ce sont les lecteurs qui, éventuellement, se coupent de toi. Crois-tu qu'un Philip K. Dick se posait la question de savoir si ses lecteurs le "suivraient" ou non dans son cycle Valis ? Tu connais, de plus, comme moi, la réponse. Était-il ou non, un auteur "pop" ? Je crois que peu d'entre nous s'en soucient.
En ce qui me concerne, je n'y pense même pas. Je produis pour les consciences qui voudront bien me suivre, au moment où je produis. Si les références théologiques ou littéraires ennuient certains représentants de mon "lectorat" (notion complètement abstraite pour moi), ils peuvent aisément trouver la nourriture spirituelle dont ils ont besoin dans les romans d'Anne Gavalda ou de Nicolas Rey, de Florian Zeller ou de Virginie Despentes, là ils ne risquent pas de tomber sur la citation d'un auteur né avant leur naissance, ou de celle de Casimir. Pour conclure, j'affirme ici tranquillement que je n'écris pas pour des "esprits en quête d'informations" - on disait "opinions" il n' y a pas si longtemps, - mais, au risque de passer pour un dingue, risque désormais ridicule, pour des "esprits en quête d'Absolu", pour ne pas prononcer le gros mot banni de la nouvelle scholastique décadente : VÉRITÉ.
Une question qui risque de t'agacer, mais qui ne me semble pourtant pas dénuée d'intérêt, à plus forte raison pour toutes les personnes qui te suivent depuis la publication de La Sirène Rouge, voire des Racines du Mal, et je sais qu'elles sont nombreuses parmi les lecteurs de La Spirale. Quelle analyse fais-tu du chemin que tu as parcouru depuis l'époque de la publication de tes premiers romans en Série Noire ?
Comme disait Heidegger : Chemins qui ne mènent nulle part. Je ne fais franchement aucune analyse de cet ordre. Je ne vois pour ma part qu'une "spirale" sans fin ni début, il m'arrive parfois de discerner une sorte de "volonté surnaturelle" à l'oeuvre dans tout cela, mais là je risque de faire sauter les standards téléphoniques des hôpitaux psychiatriques de la Région Parisienne.
L'entretien que tu as accordé à Pierre Bottura et Olivier Rohe dans le cadre du précis de réanimation littéraire intitulé Le Cadavre bouge encore, se termine par la phrase suivante : « Ce qui m'importe, c'est ce que je vais faire du système marchand pour mon activité littéraire. » Un concept assez jouissif que j'adorerais te voir développer ?
Depuis deux ans je me documente beaucoup sur l'Histoire de la Flibuste. Si la Littérature Nationale-Contemporaine est une sorte de Mer des Caraïbes, disons même une Mer des Sargasses, calme plat et plancton en surface, il va falloir songer sérieusement à jouer les Rackham-le-Rouge. L'objectif consiste à proposer une sorte d'île de la Tortue pour les lecteurs qui ne supportent plus les galions de l'Academie ou les frégates des Goncourt, et pas plus les brigantines crasseuses de l'auto-bio-fiction automnale ou de la Trash-littérature. Nous ne leur proposerons certes pas du "tourisme", même à haute valeur ajoutée sociale, mais une aventure sans lendemains autres que la Fiction comme porte vers L'Infini. Je dis "nous", parce qu'une sorte de "groupe" informel, ou un "réseau" si tu préfères, d'auteurs, de musiciens et d'éditeurs se met doucement en place. La soirée du 15 septembre, à la Cigale, en sera une sorte de prototype. Mais je ne peux guère en dire plus pour le moment. On me dit que quelques gros vaisseaux lourdement chargés de toute la production littéraire de la Rentrée viennent d'apparaître à l'horizon...
La lecture des premiers paragraphes de Soleil vert pour tout le monde, le texte que tu as publié dans Le Cadavre bouge encore, attise ma curiosité. Tu y parles d'un roman-monde qui se développera sur plusieurs volumes. Serait-il possible d'en savoir à peine plus sur ce projet ?
Bon : ce roman s'appelle Villa Vortex. Roman anti-policier, donc anti-politique, donc "criminel", et religieux. C'est aussi un roman sur la (dé)création de l'Homme par lui-même, un roman sur la Ville, le Corps, et les Nombres. Code génétique, mythe du Golem, narration comme Mystère, voilà un peu la Trinité qui a veillé à la conception de ce roman. On constatera aussi, j'espère encore en mes contemporains comme tu vois, que j'ai essayé de faire un Livre "hypertextuel", je veux dire un livre dans lequel les citations venues d'autres livres sont activement intégrées à la narration, à divers degrés, et par différents "moyens". C'était mon pari de départ pour ce premier "roman-monde", en fait "anti-monde" : faire un livre qui condenserait, et "consumerait", toute ou partie d'une Bibliothèque Imaginaire (qui se trouve être un reflet particulier de la mienne propre).
L'époque est incontestablement sombre, voire morbide et mortifère. Je ne peux pourtant m'empêcher de percevoir, de manière certes totalement intuitive, la présence persistante et même croissante d'une lumière dans les ténèbres. Quelque chose comme un sursaut d'espoir derrière les chocs subis à répétition par les systèmes boursiers et politico-médiatiques. Délire paranoïaque ou illumination para-prophétique ?
Pour notre époque néo-rationaliste et post-marxiste, les deux termes sont équivalents. Puisque Dieu est une invention des Trusts Capitalistes tels IBM ou Coca-Cola Inc, tout Christ devra être immédiatement crucifié au nom du "peuple", toute "vision" de Marie soignée au penthotal "universitaire" et toute allusion à une vaine "lumière" non terrestre pnie par le mépris rigolard de la sous-Kultur novamaguesque. Tu devrais faire très attention, une Mona Chollet (Note de La Spirale : journaliste suisse et collaboratrice de Charlie Hebdo qui avait proposé d'attaquer La Spirale en justice pour incitation à la haine raciale suite à la publication dans nos pages de la réaction de Maurice Dantec aux événements du 11 septembre) pourrait te dénoncer aux autorités compétentes, et lancer contre toi un joli petit lynchage médiatique, c'est sa "vocation", à elle, comme à beaucoup d'autres, qu'on croise parfois dans les égouts du Oueb.
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