LUKAS ZPIRA - INTERVIEW 3.0


Enregistrement : Archives de La Spirale (1996-2008)

Toujours dans le cadre du huitième anniversaire de La Spirale, une nouvelle interview de Lukas Zpira de Body Art qui revient nous parler de l'enterrement de la contre-culture, du retour du tribalisme et de l'importance du body-hacking en ce début de 21ème siècle. Les internautes qui ne sont pas familiers avec l'univers des modifications corporelles sont invités à visiter à lire mes trois précédentes interviews de Lukas, réalisées en 2000 et en 2002, avant de se lancer dans ce nouvel entretien.

Propos recueillis par Laurent Courau.


Lors de notre dernière conversation téléphonique, tu avais exprimé ton envie de réagir sur les thèmes abordés lors de la récente interview de Maxence Grugier dans La Spirale. Peux-tu nous expliquer ce qui t'avait interpellé dans cet entretien ?

Tu avançais l'idée d'enterrer l'idée même de contre-culture, de disparaître afin d'échapper au joug du marketing... Cette idée m'a semblé pertinente voire essentielle car la notion même de contre-culture est complètement faussée aujourd'hui. Tout est devenu contre-culture à tel point que c'est à se demander si cela existe encore vraiment ou si en fait la culture ne serait pas qu'un énorme melting-pot de pseudo contre-cultures ? De plus la notion de contre-culture est galvaudée au moment même où ses défenseurs essaient à travers l'utilisation des médias de la faire connaître. Les contre-cultures font des bons sujets de plateau pour des émissions qui grâce à elles vont avancer et faire de l'audimat, sans que cela soit réellement bénéfique pour cette contre-culture. Bien même au contraire? Car à faussement comprendre celle-ci, le spectateur finit par la dénaturer ou à trop bien la comprendre par la récupérer. Une contre-culture popularisée devient de fait une culture de masse...

La Spirale célèbre actuellement son huitième anniversaire. De l'explosion de l'Internet à l'effondrement des tours du World Trade Center, on ne peut nier que les bouleversements en cours durant ces huit dernières années aient été d'importance. Et justement, quelle est ta vision de cette période, que ce soit à un niveau général ou au niveau de ton parcours personnel ?

Nous avons accueilli le 21ème siècle avec un peu de déception car nous nous attendions à ce que ce basculement de siècle nous emmène directement dans nos romans de science-fiction, sans nous rendre compte que nous sommes passés en à peine dix ans à travers le miroir pour entrer directement dans le cauchemar cyberpunk. Personnellement, là où je reste un peu déçu, c'est qu'à la place de guerriers révolutionnaires utilisant les nouvelles technologies afin de bouleverser le monde, je ne vois que des gens perdus cherchant par ce moyen à atteindre leur quart d'heure de gloire. Le réseau est, comme tous les instruments de notre "évolution", devenu ni plus ni moins qu'une extension de notre pénis avec orgasme garanti sur présentation d'une Visa ou d'une Master Card. Notre monde reste à son niveau le plus pathétique. Car ce qui permet réellement de faire évoluer le monde, ce ne sont décidément pas les outils mais ceux qui s'en servent? et de ce côté là rien n'a encore changé.
J'ai pour ma part commencé à développer consciemment mon concept il y a exactement huit ans, au moment où est née La Spirale, même si j'ai créé l'anagramme de Lukas Zpira deux ans plus tôt en 1993. J'ai entamé à ce moment là un véritable processus de mutation qui m'a amené bien au-delà de ce que j'avais imaginé à cette époque mais pas exactement à l'endroit supposé. C'est un peu comme si je m'étais installé sur le siège d'une machine à remonter le temps qui m'aurait projeté dans une dimension parallèle au lieu du futur supposé. Rien n'est encore gagné d'avance et il ne fait aucun doute qu'il reste du travail.

Comment imagines-tu la manière dont les personnes extérieures à la scène des modifications corporelles te perçoivent ? Que penses-tu représenter pour elles et inversement comment aimerais-tu qu'elles te perçoivent, en bref quel rôle penses-tu jouer dans le chaos actuel ?

Très peu de gens perçoivent réellement ce que je suis et ce que j'essaie de faire passer à travers ma démarche. Peut-être cela vient-il de sa radicalité qui me place pour beaucoup dans la "case" des extrêmes, donc de quelque chose loin de leur univers? Cela amène soit a des rejets purs et simples ou pour d'autres à une espèce de tolérance, parfois teintée de mépris, sans véritable recherche de sens. Et puis il y a ceux qui cherchent à comprendre mais dont le jugement se retrouve faussé car passant par le prisme de leur propre certitude. Je me suis ainsi retrouvé par exemple à lire de véritable aberrations écrites par des gens avec qui je communique beaucoup et par lesquels je pensais avoir été entendu. Je ne m'enfermerai pas dans le mutisme de l'artiste se croyant maudit et/ou incompris, car ce constat n'est heureusement pas général, mais je me pose sérieusement la question de l'utilité de toute forme d'explication, me demandant si finalement le simple fait d'être un élément de remise en question n'est pas suffisant, sans qu'il y ait une absolue nécessité de véritable, et apparemment impossible, compréhension. Mon rôle n'est-il pas simplement celui d'un grain de sable pouvant être le déclencheur de réactions en chaîne, pourvu qu'il ne se perde pas dans le désert intellectuel actuel.

Est-ce qu'il t'est déjà arrivé de regretter de t'être engagé sur la voie qui est la tienne ? Qu'est-ce que ça a pu impliquer en terme de souffrances et de difficultés et pourquoi penses-tu t'être engagé là-dedans ? En d'autres termes, qu'est-ce qui peut pousser une personne à se reconstruire comme tu as pu le faire d'un point de vue identitaire ?

J'étais, et je suis encore, poussé par la même nécessité égoïste qui pousse un peintre à remplir de couleur sa toile blanche? Il ne peut tout simplement pas en être autrement. Comment pourrais-je le regretter, même si je sais que mon oeuvre de par sa nature ne pourra jamais être achevée. Rien n'a jamais été facile et je pense que rien ne le sera jamais. La satisfaction du travail accompli et l'intérêt que mon travail suscite chez certains me soulage dans les moments difficiles car je n'ai pas la possibilité de recouvrir mon oeuvre d'un drap pour la dissimuler et je dois apprendre à vivre aussi avec mes erreurs, même si je ne les pense pas trop nombreuses ? Mais j'ai conscience que le fait d'utiliser le corps comme médium a une portée métaphysique bien plus importante que celui d'utiliser une simple toile. J'ai choisi de vivre mon oeuvre et de ne la dissimuler que sous son linceul.

On peut imaginer sans trop de difficultés que ton mode de vie peut encore choquer ou déranger beaucoup de gens. Que leur réponds-tu et en retour qu'est-ce qui te choque dans le monde actuel ?

Ce qui me choque le plus dans le monde actuel, c'est le manque de tolérance, surtout quand il vient de ceux qui le réclament le plus ? Et la France est un des pires endroits dans le monde à ce niveau là. Mais que veux tu répondre à ça ?
Je suis parfois dans des situations où la violence pourrait apparaître comme une solution, mais je me refuse à entrer dans ce jeu même si je reste sur la défensive et n'ai pas l'intention de me laisser manger. Il y a aussi des situations beaucoup plus mesquines. Il y a par exemple le fait que ma démarche, mon mode de vie et de pensée, dérangent beaucoup de gens dans ce que tu appelles le "milieu des modifications corporelles". Les critiques fusent d'une partie de l'aristocratie de ce milieu qui, alors que la plupart sont issus de l'underground et ont basé leur travail sur une certaine forme de révolte, cherchent maintenant à atteindre une certaine forme de respectabilité très "petite bourgeoise" Ces arrivistes voient d'un très mauvais oeil la supposée mauvaise publicité que fait mon travail aux modifications plus soft, devenues à la mode, et à l'excellent business qui leur assure tranquillement leur place de petit commerçant. Ils essaient de se débarrasser du gros bébé bruyant que je suis avec l'eau de son bain, en lançant dans des critiques très fortes contre ce genre de pratiques, et les rejettent en bloc, n'hésitant pas à leur tour de les qualifier de déviances en me traitant de fou et de gourou.

De plus en plus de voix s'élèvent pour nous avertir de l'effondrement proche de la société occidentale dans son incarnation actuelle. Ayant passé beaucoup de temps à voyager à travers le monde, depuis l'Amérique du Sud jusqu'au Japon, quelle est ta vision de l'état de notre planète ?

Il me semble évident que nous sommes arrivés au bout de quelque chose et que nos sociétés se retrouvent au moment du bilan devant un constat d'échec. Mais personne n'a vraiment compris pourquoi et chacun est persuadé d'avoir un bout de la solution. Mais à avoir appréhendé quelques-uns de ces bouts, je m'aperçois que le tout ne constitue pas un puzzle, mais plutôt une espèce de mikado. Quand tu bouges un élément, c'est peut être tout le reste qui se met à bouger sans que tu ne puisses savoir la place que cela va prendre dans le nouvel univers ainsi constitué. Cela ressemble plus au chaos qu'à un nouvel ordre. En tout les cas, je suis persuadé que nous vivons une époque charnière.

Ca fait environ deux ans que tu as décidé d'adhérer aux préceptes du straight-edge en arrêtant de consommer des drogues, qu'elles soient légales ou illégales, et de manger de la viande. Peux-tu nous dire ce que t'a apporté cette hygiène de vie ?

Cela m'a apporté un meilleur contrôle de mes pulsions et de mes actions. Ca a aussi changé mon regard sur notre société, ainsi que les rapports que nous entretenons avec les autres et par rapport a nous même. Notre compréhension de notre environnement est faussée par l'usage de drogues diverses, qu'elles soient légales ou illégales. Nous nous retrouvons dans des situations où au lieu d'affronter notre environnement et de nous affronter nous-mêmes, nous nous fabriquons des prisons narcotiques dont nous sommes à la fois les prisonniers et les geôliers. Je me sens plus libre. Mon regard s'est affûté et est devenu plus critique. Je trouve notre mode de fonctionnement assez pathétique. Nous n'avons aucun respect pour nous même? Il est normal de ce fait que nous n'en ayons pas pour nos semblables et pour notre monde.

L'idéologie straight-edge prône également la modération sexuelle. Ton univers est pourtant fortement imprégné de fétichisme et de sado-masochisme. Comment concilies-tu de tels extrêmes ?

En ne me laissant pas emprisonner par des dogmes.

Lorsque je vous avais interviewé au début de l'année 2000, Anne et toi, tu m'avais répondu que tu ne considérais pas faire partie d'une tribu mais d'une communauté d'intérêt. Comment te situes-tu aujourd'hui par rapport à la communauté des modifications corporelles, pour autant qu'une telle communauté existe ?

Quand je parle de communauté d'intérêt, je parlais certes d'une partie des gens qui pratique la modification corporelle, mais pas seulement. Le corps n'est pour moi qu'un médium et il serait réducteur de parler de ma démarche en la ramenant à un simple travail de l'apparence. Je me sens plus proche de gens tels que Hakim Bey que de Fakir Musafar ! Il me semble important de ne pas faire les mêmes erreurs que nos aînés en croyant que tout est dans l'apparence et de juger au travers de celle-ci.

Pour poursuivre sur cette idée, que penses-tu du retour actuel au tribalisme, qu'il s'agisse du phénomène esthétique ou de la tentation communautariste ? Est-ce que cette tendance à l'enfermement, cette envie de vivre avec des gens qui nous ressemblent, ne constitue pas une forme de retour en arrière ?

Elle naît de la peur de se perdre en s'enfonçant vers cet inconnu qu'est le futur annoncé comme révolutionnaire. Peut-être par peur de ne pas être à la hauteur ou d'être un élément d'une éventuelle erreur. D'où le besoin de se raccrocher à des valeurs sures. De se rattacher à quelque chose qui ressemble à des certitudes. Mais tout ce rapprochement tribal est illusoire dans le sens où nous nous raccrochons à des valeurs qui ne sont pas les nôtres, et que nous ne faisons que les interpréter en y mettant dedans ce qui nous arrange. C'est une erreur qui en plus nous empêche de voir la réalité des choses. Nos tribus sont urbaines et le béton dans lequel nous avons grandi pousse plus vite que les chênes sous lesquels se penchaient les druides. C'est la came qui y pousse, pas le gui?. Nos grottes de Lascaux s'appellent "stations" et les peintures rupestres s' y font à la bombe. C'est ça la réalité. Et à force de regarder en arrière, nous finirons par ne pas comprendre les signes et les codes que d'autres, qui eux n'ont rien à perdre, sont en train d'inventer à notre place.

Même question qu'à Maxence, comment as-tu réagi lorsque tu as vu Matrix ? N'as-tu pas eu le sentiment de voir la récupération et commercialisation de la cyberculture par l'industrie du divertissement hollywoodienne se dérouler sous tes yeux ?

J'y ai vu (en fait pour le premier car le second est une farce commerciale) la représentation filmée de mon univers fantasmatique et j'ai adhéré à 100 %, comme un gosse, à la philosophie de comptoir qui y était distillée. Peut-être cela vient-il de ma culture bande dessinée et du fait que pour la première fois le cinéma se donnait vraiment les moyens d'approcher cet univers sans bêtement le copier comme cela fut le cas pour X-Men et compagnie. J'étais scotché au fauteuil dès que Trinity a commencé à courir sur les murs. Il y a aussi une approche très surréaliste de la perception de ce que peut être notre monde, ce qui m'a renvoyé a des références artistiques sur lesquelles s'est construit mon imaginaire. Et je suis resté un grand gamin, un peu naïf parfois !

Tu t'es toujours largement exposé aux médias, ce qui t'a d'ailleurs été largement reproché dans les milieux alternatifs. La dernière fois que nous en avions parlés, tu m'avais dit être partagé sur le sujet. Qu'en est-il aujourd'hui ? Penses-tu que tes interventions aient eu un effet bénéfique en éveillant par exemple la curiosité du grand public ou à l'inverse as-tu le sentiment d'avoir participé à la récupération de cette culture en restant au passage cantonné au rôle du freak de service ?

J'ai toujours essayé d'utiliser les médias, principalement télévisuels, proportionnellement à ce qu'ils m'ont utilisé? Je n'ai jamais été dupe et j'avais dès 1998 engagé la réflexion sur l'intérêt que cela pouvait avoir à travers ces quelques mots : « Se justifier, s'expliquer c'est s'affaiblir. A trop vouloir montrer une certaine image peut-être ne montre-t-on pas la bonne? Ne serions-nous pas face aux médias, comme des chiens en extase devant un os qui pue ? »

En fait pour moi les débats stériles de la télévision n'ont été que des moyens de susciter suffisamment d'intérêt pour me retrouver ensuite sur des médias plus intéressants et face à des gens ayant une vraie démarche journalistique sans aucune contrainte d'audimat. De toutes façons, l'écrit me semble mieux à même de véhiculer des idées. Et la télévison est aussi un bon moyen de gagner le respect des blaireaux que tu croises dans ton quotidien et qui voient tout à coup en toi quelqu'un de respectable? La télévision t'enveloppe d'une aura aux yeux de ceux qui croient au dieu cathodique. Mais si cela a été le chemin le plus court, ce n'était peut être pas le meilleur. J'ai certes commis quelques erreurs de jugement en croyant servir, au-delà de mes intérêts personnels, ceux d'une quelconque cause. Le piercing est devenu grâce à sa médiatisation, un gros business qui profite plus à des requins qu'aux précurseurs du milieu qui eux se font doucement mais sûrement manger, et pour ce qui est des modifications corporelles, devenant plus accessibles et pratiquées plus par des gens pressés de flatter leur ego que de faire avancer les choses ou à engager une véritable mutation du monde, elles sont en train de devenir les futurs stigmates d'un monde en perte de repères.

Comment vois-tu l'évolution des modifications corporelles dans les années à venir ? Que peut-on faire après les implants, les ablations, la scarification ou le branding ? Est-ce que tu espères toujours qu'il se passe quelque chose d'intéressant du côté des implants technologiques ?

Il y a une surenchère démonstrative et l'on se retrouve de plus en plus entourés de gens qui pratiquent ou se font faire des motifs qui ressemblent plus à des tentatives de clonage d'un modèle qu'à de véritables recherches personnelles. Dans l'univers des bodmods se retrouvent aujourd'hui tous les problèmes de manque d'identité et de personnalité que tu peux retrouver à peux près dans tous les milieux. Les bodmods sont certes des moyens de transcender nos personnalités mais elles sont aussi pour certains des moyens supplémentaires pour se fabriquer des masques. Je m'éloigne de plus en plus de ce "milieu" qui prend des airs de mafia, avec ses parrains, ses lieutenants et toute une gamme de seconds couteaux, sans pour autant stopper ma démarche. Mais il est vrai qu'il y a une vraie perte de sens. Mais elle n'est malheureusement pas réservée à ces pratiques. Il en est de même de la musique électronique, du fétichisme, etc. On est loin d'un monde meilleur visible à l'oeil nu et encore une fois on s'aperçoit, si je puis dire, que « l'habit ne fait pas le moine ». Mais je suis de très prêt le travail de Kevin Warwick qui au-delà de l'anecdote amène des possibilités intéressantes pour le "body hacker" que je suis. Son travail est très proche de mon univers fantasmatique.

Un nombre croissant de scientifiques et chercheurs, Bill Joy et Kevin Warwick en tête, s'inquiètent d'un futur où l'homme fusionnerait avec la machine. Warwick y voit même une ultime forme de totalitarisme, quelque chose comme une humanité connectée en réseau et de ce fait contrôlée de manière permanente. Est-ce que tu attends encore, est-ce que tu espères toujours l'avènement du post-humain, d'une nouvelle forme d'humanité ?

Bien sur et plus que jamais. Je partage ces craintes et je les ai d'ailleurs toujours mises en avant dans mon discours. D'où le terme de "body hacking" dont je me sers pour qualifier ma démarche. Mais ces craintes face à la fusion de l'homme et de la machine, ou tout du moins de l'intégration d'une partie de celles-ci à notre entité biologique, ne doivent pas nous faire oublier que cette forme de possession, où je devrais dire de dépossession du corps, ne date pas d'aujourd'hui. Je mets d'ailleurs largement le doigt dessus dans mon texte manifeste « Pour une approche politique de la mutation ». Ce sont juste les moyens qui évoluent et le pouvoir qui change encore une fois de main. Après les religieux, les états et les médecins, ce sont désormais les sociétés industrielles qui l'exercent. Cela me fait peur mais finalement pas plus que de savoir que mon corps est contrôlé par des cures. Et le risque de finir fiché ne me m'inquiète pas plus que celui de finir sur un bûché. Et puis quelque part c'est un faux problème. Je suis sûr que Kevin Warwick et Bill Joy possèdent un téléphone portable, une carte de crédit et sont en quasi permanence connectés à Internet. Sans que ça les empêche de dormir. Pourtant le contrôle exercé est le même. Cette liberté que nous donne le fait de ne pas avoir intégrés ces produits à notre organisme est illusoire, puisque nous les avons déjà intégrés à nos vies. Cela ne m'empêchera pas d'utiliser ces nouveaux moyens d'évolution mis à notre disposition. Le tout est d'être conscient de ce que cela implique et de créer un véritable contre-pouvoir. C'est à ce niveau que ma démarche devient politique.

Est-ce que tu crois toujours au principe de la mutation ? Et si mutation il doit y avoir, ne devrait-elle pas être avant tout intellectuelle ? Ne devons-nous pas changer notre manière d'appréhender le monde avant d'envisager une évolution physique qui décuplerait nos capacités, puisqu'il s'agit finalement de ça ?

Je crois évidement au principe de mutation et bien sur que je crois qu'elle doit être intellectuelle avant tout. Mais il est clair que ce n'est pas gagné. Nous continuons à nous comporter comme des primates et ceux qui tiennent les rênes et nous manipulent, grâce entre autre aux médias, doivent doucement rigoler. Les évolutions technologiques vont rapidement venir, mais uniquement celles qu'ils auront décidé de mettre entre nos mains et qui seront des moyens supplémentaires de faire de nous des consommateurs disciplinés en nous contrôlant. Si nous n'y prenons pas garde, nous resterons encore pour longtemps des esclaves, les évolutions intellectuelles prendront quelques centaines d'années et les véritables mutations resteront réservées à une certaine élite.

En d'autres termes comment vois-tu l'avenir et que souhaites-tu pour le futur des générations à venir ?

Pour faire une pirouette je dirais que je vois un avenir différent du passé ! En fait, je pense que toute erreur dans une prospective à trop long terme ne ferait que discréditer ma démarche et occulter ce qu'elle peut avoir de vraiment intéressant. Je m'abstiens donc. Pour ce qui est de nos enfants, j'espère qu'ils auront accès à la véritable information et non pas aux données formatées que nous distille la télévision. Il y a beaucoup de travail à faire afin d'ouvrir leurs esprit sur le vrai sens de ce qui nous arrive et leur donner une vision plus globale et moins nombriliste de notre monde et de son évolution. C'est un gros travail que le mode de fonctionnement de nos sociétés, les volontés politiques et les impératifs économiques des tenants du pouvoir ne nous aident pas à faire. C'est ce travail que j'essaie de faire avec ma fille et c'est cette réflexion que j'essaie d'engager avec ceux qui, au-delà des divergences de point de vue, l'acceptent.


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Titre : LUKAS ZPIRA - Interview 3.0
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Genre : Interview
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Lukas Zpira - Une interview tirée des archives de La Spirale.

A propos de La Spirale : Née au début des années 90 de la découverte de la vague techno-industrielle et du mouvement cyberpunk, une mouvance qui associait déjà les technologies de pointe aux contre-cultures les plus déjantées, cette lettre d'information tirée à 3000 exemplaires, était distribuée gratuitement à travers un réseau de lieux alternatifs francophones. Sa transposition sur le Web s'est faite en 1995 et le site n'a depuis lors cessé de se développer pour réunir plusieurs centaines de pages d'articles, d'interviews et d'expositions consacrées à tout ce qui sévit du côté obscur de la culture populaire contemporaine: guérilla médiatique, art numérique, piratage informatique, cinéma indépendant, littérature fantastique et de science-fiction, photographie fétichiste, musiques électroniques, modifications corporelles et autres conspirations extra-terrestres.

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