REBOOT.FM « FREE SOFTWARE FOR OPEN RADIO »


Enregistrement : Archives de La Spirale (1996-2008)

Partis de la création d'une webradio diffusant en live la musique des clubs de Berlin et d'Hambourg, les fondateurs de Klubradio poursuivent l'expérience en émettant pendant trois mois sur la FM allemande. Si la radio était l'Internet des années 20, le projet Reboot FM mêle la musique électronique, les débats théoriques et l'open source pour créer un nouvel avenir à ce média qui semblait moribond.

La Spirale est allée rencontrer Pit Schultz, le rédacteur en chef de Reboot.fm, dans l'immense espace berlinois qui abrite cette belle idée : « Free Software for Open Radio ».


Propos recueillis par Eric Ouzonian.


Où sommes nous ?

Nous sommes dans le centre de Berlin, au Telegraphenamt, l'ancienne poste impériale. C'est ici que se trouve le studio de Reboot FM, qui fait partie de l'association Bootlab. Le bâtiment est inoccupé depuis 1992 ; au temps de la RDA, c'était le siège de la poste centrale et des services de télécommunication.

C'est une sorte de squatt ?

Le modèle berlinois est plutôt un squatt version légale. C'est en quelque sorte un squat culturel avec l'autorisation du propriétaire. Cela porte un nom : on appelle cela une "occupation intermédiaire des lieux". L'idée est d'utiliser avec l'accord du propriétaire un bâtiment inoccupé afin de lui donner une valeur ajoutée culturelle. Pour le propriétaire, cela présente l'avantage d'accroître la valeur du bâtiment pour son exploitation future en attirant l'attention sur des projets culturels ou en valorisant de manière générale un emplacement dans une rue, un quartier donné. L'occupation intermédiaire dans un but culturel est donc une source de valeur ajoutée dans la perspective du marché immobilier. C'est un modèle berlinois dont profitent les clubs et les galeries qui existe depuis une dizaine d'années, depuis la chute du Mur. C'est l'un des principes fondamentaux de l'économie berlinoise : on sait que beaucoup de bâtiments sont vides et c'est cela qui rend possible tout le travail culturel à Berlin, ces espaces de liberté au niveau local.

Quelles sont les racines de votre initiative ?

C'est une question complexe. Le mouvement de Bootlab en lui-même est issu d'un mouvement culturel des années quatre-vingt-dix basé sur le principe de l'interdisciplinarité, sur l'utilisation d'espaces libres, qu'il s'agisse d'espaces médiatiques, d'espaces urbains ou d'espaces de savoir ? l'idée est d'exploiter des espaces de possibilités. Tout est parti de la chute du Mur et cette impulsion s'est maintenue jusqu'à aujourd'hui, elle continue à être mise en pratique dans des configurations variées, notamment par nous. Nous nous sommes lancés vers 1995 dans ce travail sur les médias. Bootlab est le stade actuel du projet. Auparavant, il portait un autre nom, Micro. Notre travail se manifeste sans cesse à travers de nouvelles configurations, de nouvelles constellations. Bootlab est un lieu où sont amorcés des processus. "To boot", dans le langage informatique, cela signifie amorcer. En même temps, cela fait référence à Doug Engelbart, l'un des fondateurs des interfaces utilisateur, des GUI ; Dough Engelbart a participé à l'invention de ces interfaces graphiques. Il avait un laboratoire de médias qui s'appelait Bootstraplab. "To bootstrap", en anglais, c'est se sortir d'affaire en se retenant à un lacet*. Cela désigne donc la possibilité de créer quelque chose à partir de rien, de partir de presque rien pour arriver à quelque chose, d'accomplir la phase initiale d'un processus. Pour cela, il faut être plusieurs, on ne peut pas y parvenir tout seul ; c'est donc toujours aussi un processus social.

Et Reboot FM en particulier ?

Reboot FM est un projet qui a de nombreuses racines. Il est fondé sur le travail effectué par divers groupes de radio au cours des deux dernières années. Il y a eu une phase préparatoire sous le nom de Juniradio, avec environ 53 participants de différents pays. Désormais, le projet Reboot FM comprend d'une part la programmation du logiciel et, d'autre part, un programme d'utilisation de ce logiciel sur trois mois. Il réamorce en quelque sorte le modèle de la radio. Nous partons d'un système d'exploitation pour le remplacer par un autre système d'exploitation. Le système d'exploitation existant est le système des radios publiques et privées ou des radios libres, et nous essayons de développer un autre modèle de radio issu de la culture du réseau.

Quels sont vos choix éditoriaux ?

Nous passons beaucoup de musique. C'est une question délicate. La programmation repose sur un modèle éditorial spécifique que nous qualifions de divisé. Il existe plusieurs rédactions. Le principe, c'est d'avoir de nombreuses rédactions. Le logiciel permet de faire participer une cinquantaine ou une centaine d'équipes différentes. Voilà pour le modèle. Actuellement, nous avons une dizaine de rédactions. Certaines sont liées aux radios DJ inspirées de la radio pirate londonienne, comme la rédaction TwenFM. Il y a aussi la rédaction de Klubradio qui émet directement depuis des clubs. Ensuite, il y a des émissions de labels pour lesquelles nous travaillons avec des labels à Berlin. L'idée est de mettre au point un modèle qui non seulement reflète les tendances culturelles d'une ville, y compris dans leur dimension internationale, bien sûr, mais aussi qui les transforme. C'est-à-dire que nous mettons le producteur directement en contact avec le média, en évitant dans la mesure du possible d'utiliser trop de filtres. De nombreuses rédactions sont donc impliquées dans le travail et ont la possibilité d'intervenir à la radio. Cela débouche sur un modèle qui accorde une large place à la musique. Si tout le monde se mettait à débattre dans les clubs berlinois, il est probable que nous discuterions, nous aussi, davantage dans nos programmes radio.

Quelle est la base logicielle que vous utilisez ?

Notre logiciel est constitué essentiellement de trois modules. Il est inspiré de plusieurs histoires, en particulier du texte d'Enzensberger sur la radio, Les Éléments d'une Théorie. C'est une boîte à outils pour radio qui peut être utilisée pour différents publics, sous-publics ou subjectivités. Ce n'est donc pas un produit fini et standardisé, mais plutôt une boîte à outils. Cette boîte à outils est constituée de trois modules principaux, un pour le playout, les listes de programmation, un pour le calendrier et un pour les archives. Ces trois modules principaux sont eux-mêmes basés sur divers projets antérieurs. Nous travaillons en coopération très étroite avec la communauté existante des programmeurs open source et nous investissons beaucoup d'énergie dans le projet. Normalement, dans le secteur commercial, c'est un projet qui coûterait entre 20 et 50 milliers d'euros. Cela demande donc beaucoup de travail pour tout implémenter dans une radio. Nous ne fournissons pas aux radios un produit fini, comme du Nescafé sur lequel il suffit de rajouter de l'eau chaude, et hop ! On a sa radio. Il faut encore adapter certaines choses pour que le tout réponde à certaines exigences. Nous essayons d'avoir un système aussi ouvert que possible.
Bien sûr, je pourrais aussi vous parler des archives?

Quel est votre rapport à l'argent ?

Nous nous efforçons en tout cas de construire un modèle qui fonctionne de manière durable. C'est-à-dire autofinancé d'une manière ou d'une autre. Là encore, nous nous inspirons davantage de l'esprit Linux que de celui des radios libres. L'histoire des radios libres a toujours été liée à une grande débauche d'efforts? Je ne dirais pas que c'est un échec, mais l'organisation du travail pose problème. Linux montre qu'on a besoin avant tout d'une équipe pour prendre les décisions de base et qu'on peut alors confier une grande partie du travail à la communauté ou aux différentes communautés qui vont assurer elles-mêmes l'organisation. Voilà le modèle auquel nous croyons. Nous verrons si cela fonctionne vraiment. C'est une expérience sur 100 jours. Le financement est basé sur l'économie de l'attention. Nous attendons en particulier que certains labels et mouvements culturels investissent un peu dans ce modèle de radio. Nous n'avons besoin que de... Je ne vais pas citer de chiffres, mais ce n'est pas très cher, car la radio est un média très rentable. L'effet, c'est de toucher le public. On investit bien dans la publicité, les campagnes d'affichage, on peut aussi investir dans la radio sous une forme ou une autre. Un modèle de radio culturelle coûte peut-être 5 % de ce que coûte une station culturelle officielle. Que serait Arte si la chaîne ne coûtait que un pour cent de son budget actuel ? Une sorte de Free Arte. Ce n'est bien sûr pas la même chose, mais c'est beaucoup moins cher. Notre but n'est pas de concurrencer quoi que ce soit, c'est de proposer un modèle à coût réduit. Ce qui nous intéresse surtout, c'est de concevoir un nouveau modèle de radio qui exploite les possibilités d'Internet et des médias numériques et utilise la radio comme un espace de publication dans un esprit non commercial, comme avec Linux ou encore Internet. Non commercial, cela ne signifie pas forcément qu'on ne va pas gagner d'argent, mais simplement que le projet se place dans une optique de « social profit », pour le bien de la communauté, et non pour le bien de la radio elle-même. Les différents intervenants sont désireux de se faire connaître. Les petits labels et leurs artistes n'ont sinon aucune chance d'apparaître dans les médias. C'est très difficile de réussir à se faire entendre. Notre modèle est un moyen économiquement rationnel d'avoir accès aux médias. Le modèle non commercial est plus souple que le modèle commercial.

Ce modèle peut il constituer un nouveau souffle pour la radio ?

Dans certains domaines, la radio est morte, tant elle est devenue répétitive sur le plan acoustique. C'est une radio de format, mais le modèle de la radio de format n'a pas été appliqué de façon vraiment conséquente en Europe. La radio de format américaine offre une gamme de genres relativement large. En Europe, on ne trouve généralement que Hot AC, des radios de hits. Aux États-Unis, il y a du rock alternatif, du rock, du R&B... Ce n'est pas forcément mieux, mais c'est un peu plus varié. Quand on écoute la radio en Europe l'après-midi, aux heures de travail, c'est la même musique qui est jouée partout et sur toutes les stations, que l'on soit à Paris, à Berlin, à Hambourg ou n'importe où. C'est du rabâchage total. Ce rabâchage est si omniprésent que même l'industrie du disque a du mal aujourd'hui à faire connaître ses propres nouveautés. Économiquement, ce n'est donc même pas intéressant de diffuser en permanence les tubes des dernières décennies. Cela repose sur le calcul économique d'une ligne musicale uniforme, la peur que les gens éteignent leur poste. On se concentre ainsi sur une moyenne radicale qui n'existe pas dans la réalité, mais qui peut être calculée statistiquement. Il existe une véritable science des playlists. Cette forme de rabâchage existe également dans les chaînes publiques, et c'est ce que nous voulons éviter à tout prix. Chez nous, chaque émission fait se rencontrer de nombreux DJ et des subjectivités différentes ; ces personnes se connaissent et ne vont en aucun cas établir des playlists de 40 titres par jour avec les tubes des dernières décennies.

Quel est votre point de vue sur le copyright ?

La radio est fondamentalement un média gratuit pour l'auditeur. On peut aussi enregistrer librement ce qui passe à la radio. Nous trouvons cela très bien, car c'est proche de l'idée des téléchargements libres. Le tout est rendu possible par une technologie de l'exploitation des droits. La technologie est moins ancrée dans le code informatique que dans le code du droit. La radio en elle-même est gratuite. C'est bien sûr lié avant tout à son mode de diffusion et au fait qu'il est pratiquement impossible de contrôler le consommateur. On ne peut pas surveiller qui copie quoi. La radio est donc libre du point de vue du copyright. C'est pour cela aussi que nous nous intéressons à la radio : c'est un média qui a toujours autorisé la possibilité de faire une copie privée, cela fait partie de sa culture. Dans un environnement qui devient de plus en plus restrictif au fur et à mesure que la situation se dégrade, la radio est un espace de liberté traditionnel qui ne peut plus être supprimé. La radio est un média analogique. Elle est pour nous comparable aux disques vinyle, à l'époque de la musique et de la culture électroniques. C'est un média de niche en stagnation, mais qui ouvre justement à ce titre des possibilités nouvelles. Toujours ce jeu avec les espaces de liberté ; la crise et les possibilités.

Quels sont les rapports entre analogique et numérique, où sont les évolutions ?

Dans l'histoire de la musique électronique, il y a eu au début des années quatre-vingt-dix un débat intéressant entre le numérique et l'analogique. Même à l'époque du numérique, les médias analogiques jouent un rôle bien défini et sans cesse ravivé. C'est ce qui se trouve en dehors du numérique, c'est l'infini des ondes analogiques, c'est un son plus chaud. On peut émuler, simuler l'analogique, mais cela reste pour le numérique quelque chose d'extérieur, hors d'atteinte ; le retour à la radio est donc aussi le retour à l'intensité, à l'instantanéité des médias analogiques dont le flux de données devance toujours le numérique. Ce sont les données du monde, les données de la nature. Tandis que l'espace de données numérique est un système fermé, l'espace de données analogique est un système plutôt ouvert. La vie se situe davantage au niveau de l'analogique que du numérique. Le numérique ne cesse de se remémorer l'analogique. C'est pourquoi aujourd'hui, avec la fin de la culture du réseau, le crash de la nouvelle économie, nous revenons vers la radio. La radio évolue par vagues et renaît sans cesse. Elle décline dans les années quatre-vingt, quatre-vingt-dix, pour resurgir à nouveau aujourd'hui. La radio est un média ancien, un média électronique très ancien. C'est aussi un média qui a une culture très ancienne et mêle des cultures différentes, de Brecht à Radio Alice en passant par les radios libres? La radio a profité de nombreuses vagues pour se développer à nouveau. C'est peut-être ce qui se passe aussi aujourd'hui.

Vous mixez le net et la FM ?

Reboot FM est un projet qui intègre également la radio sur le réseau. Nous ne nous contentons pas de diffuser au niveau local à Berlin, sur la FM ; nous avons une diffusion mondiale par Internet grâce à la technologie du streaming. C'est une émulation, une application du modèle de la radio à Internet. Un serveur - l'émetteur - envoie directement un stream - le signal radio - à de très nombreux récepteurs.

Quelle est votre audience ?

Dans le monde de la radio de réseau, c'est plutôt la quantité des émetteurs qui compte. C'est ça qui est intéressant. Tout le monde peut devenir un émetteur dans le réseau, il n'y a pas besoin d'obtenir de licence. Tu peux lancer ta station de radio du jour au lendemain et il en existe des milliers. Certaines n'ont qu'un ou deux auditeurs, voire zéro, mais le choix est immense. Les auditeurs de la radio sur le réseau se répartissent entre toutes ces stations. Les chaînes du réseau qui marchent le mieux vont peut-être avoir 6 000 auditeurs à un moment donné. Au mieux, nous avons une centaine d'auditeurs en même temps. C'est un tout autre ordre de grandeur, mais ces chiffres concernent le monde entier. Nous avons des auditeurs au Mexique, au Japon? Comment toucher des gens au Japon avec la FM ? L'écoute revêt donc une autre qualité. Les chiffres de la FM ne sont pas comparables aux chiffres de la radio de réseau, mais c'est aussi beaucoup plus cher. Si nous avions 100 000 auditeurs sur le réseau, cela reviendrait extrêmement cher, car il faut envoyer un stream à chaque auditeur et c'est nous qui payons la bande passante, pas l'auditeur. La radio est donc davantage un média de masse, elle s'adresse à beaucoup plus de gens. La radio sur le réseau est un média de niche qui touche de nombreuses petites communautés et des auditeurs isolés. C'est l'association des deux qui donne naissance à un nouveau modèle hybride de radio. L'autre hybridation de la radio et d'Internet, c'est que nous concevons Internet comme un backend, comme un média complémentaire. Le frontend, dans l'idéal, c'est la radio. Pour l'utilisateur, la radio présente de très nombreux avantages par rapport à l'ordinateur et cela va être le cas encore longtemps. On peut écouter la radio en voiture, dans la cuisine, dans la salle de bain? Les appareils sont bon marché et ouvrent en particulier des possibilités intéressantes dans le Tiers-Monde. Internet est en train de se diffuser dans ces pays, mais les gens ne savent ni lire ni écrire et privilégient donc la radio. La radio est très démocratique, peu chère, pratique également, les piles durent longtemps? Même en Occident, dans les pays industrialisés, c'est un excellent média qui offre des avantages décisifs par rapport au téléphone ou par rapport à un ordinateur portable. C'est beaucoup plus pratique à bien des niveaux. Internet est donc utilisé par les producteurs comme backend et la radio sert d'interface avec l'auditeur. Sur Internet, l'auditeur devient lui-même producteur. Il peut apporter des contributions, charger ses sets DJ depuis San Francisco, Tokyo ou Londres, ou bien faire un stream, comme hier à Zurich, et il devient alors lui-même producteur. Internet est donc plutôt le média des producteurs, alors que la radio? C'est un cercle. C'est aussi cela, le modèle. Le streaming n'est pas envisagé seulement dans la perspective de celui qui reçoit, mais aussi et surtout dans celle du producteur. Voilà notre idée.

* NdT : comme le baron de MÃŒnchhausen.


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