FILO LOCO « LA PARISIENNE DU PAPELART »
Enregistrement : 07/03/2018
Mise en ligne : 07/03/2018
À commencer par la « Parisienne du Papelart », un stand de bouquiniste qui a ouvert ses boîtes à la fin du mois de mars 2018 dans le cinquième arrondissement parisien, au numéro 27 du quai de la Tournelle. Future caverne d'Ali Baba de la pop et de la contre-culture, où il fera bon chiner.
De quoi raviver quelques joyeux souvenirs chez les anciens gamins du Quartier latin, dont je faisais partie, habitués à traîner nos Dr. Martens et nos guêtres entre New Rose, les librairies de bande-dessinée de la rue Dante, Un Regard Moderne et ces fameuses boites vertes sur les bords de Seine.
Propos recueillis par Laurent Courau.
Vers l’âge de 12-13 piges, j’ai commencé à arpenter les boîtes de bouquinistes à la recherche de comics, j’étais dans le trip Strange et Marvel à cette époque. Je me rappelle très bien du premier comics que j’ai trouvé, quai de la Tournelle. C’était un Captain America avec « Red Skull » en couv' ! Je dois toujours l’avoir ! Bref… J’ai longtemps fréquenté les quais, autant pour l’ambiance que pour y dénicher des trucs.
Il y a quelques années, j’ai commencé à chercher à savoir comment ça marchait. J’avais en tête l’idée d’y installer un spot Serious Publishing. Pour moi, cet endroit correspond tout à fait à l’esprit de Serious. On est dans l’authenticité et la transmission… des concepts qui sont au cœur de mon travail d’édition.
J’ai rempli une demande auprès du « bureau des bouquinistes de la Mairie de Paris »… et attendu. Il s’est passé cinq ans avant que j’obtienne un emplacement. Le processus d’attribution est super long, ponctué de rendez-vous et d’attentes de réponses de commissions qui jugent ton projet ! Remarque, certains ont attendu jusqu’à huit ans et d’autres beaucoup moins. Je dois être dans la moyenne, mais il faut être motivé !
La page officielle de la Parisienne du Papelart en parle comme d'un « lieu de rencontre avec les auteurs et les artistes, ainsi que d'un espace de vente pour les titres Serious Publishing et une sélection d'ouvrages liés à la culture populaire ». Peux-tu nous en dire un peu plus sur la manière dont tu envisages d'animer le 27, quai de la Tournelle, à quelques mètres de la prestigieuse Tour d'argent.
C’était important pour moi d’être installé rive gauche et précisément sur ce quai.
Ça venait en choix « numéro un » dans les préférences que j’avais indiqué sur mon dossier. Historiquement, c’est celui de la BD et de la littérature populaire, grâce à des figures comme le regretté Jean-François Cachot.
Maintenant, j’ai pas forcément envie de faire comme les anciens. Les boîtes seront aérées, pas trop encombrées de titres pour que tout soit bien visible et accessible. J’ai prévu une signalétique claire pour identifier mon spot de loin et donner le ton !
Une fois par mois, je vais essayer d’installer un rendez-vous fixe (genre le premier jeudi du mois) pour qu’on se retrouve autour d’un verre. J’organiserai des rencontres avec des auteurs, des lancements de titres, les miens ou ceux d’éditeurs amis et partenaires, des signatures.
Un emplacement, c’est quatre boîtes. Il va y avoir une boîte « Serious Publishing » avec mes titres, une boîte « Pop Culture » avec des éditeurs indépendants, le magazine Hey !, une boîte « Rock n’Roll » avec des vinyls dont ceux de Tricatel et de Born Bad qui participent, une boîte « Freak Show » avec de l’occas', des livres en anglais…
Et puis ça sera sympa de se retrouver les soirs de printemps ou d’été ! Concrètement, je tiendrai les boîtes un jour fixe par semaine et les autres jours ça sera quelqu’un d’autre !
Ca valide surtout mon envie de publier des livres qui me touchent et me parlent ! Ensuite, oui bien sûr, il existe un cœur de cible, pour parler marketing, sensible à ce type de sujets.
Il n’est pas très grand, mais suffisant, pour le moment, pour me permettre de continuer à exister. En fait, chaque ouvrage permet de financer le suivant. Cependant, c’est vrai que j’ai l’impression que l’intérêt pour la culture populaire bouge un peu dans le bon sens.
Nous sommes quelques-uns à travailler dans ce sens, dans l’édition papier, DVD, musique… c’est simple pour personne, c’est une économie souvent faite de bouts de ficelle (je parle pour moi là). Mais c’est avant tout un engagement personnel fort et passionné, pour continuer à faire vivre et transmettre tout un pan de la culture qui nous façonne.
Parlons de vos projets. À commencer par le livre Race with the Devil pour lequel vous avez lancé une souscription, un recueil de photographies 100% inédites de Yan Morvan sur les bikers et les rockers parisiens de la fin des années 1970, accompagnées d'une nouvelle inédite de Pierre Mikaïloff et d'un témoignage de Loulou de Crimée sur cette époque. Peux-tu nous dire quelques mots sur l'ouvrage, ainsi que sur Loulou de Crimée, pour nos (nombreux) lecteurs qui n'ont pas connu cette époque ?
J’ai rencontré Yan, grâce à Henri Loenvenbruck, l’écrivain-biker. On s’est tout de suite bien entendu. J’avais tous ses livres de photos et quand il m’a montré ses inédits des années 1970, bien sûr j’ai percuté sur l’idée de faire un livre.
Des virées en bécanes, des concerts, des séances de paluchages. Yan a l’œil partout et un sens du cadre unique. On a donc une sélection de portraits et de tranches de vie exceptionnels.
Comme j’aime bien les livres « définitifs », je me suis dit qu’il fallait y ajouter quelques ingrédients pour corser le tout. Pierre Mikaïloff, que j’aime beaucoup en tant qu’auteur et que bonhomme (oui, je travaille uniquement avec les gens que j’aime bien, c’est un de mes seuls luxes) a accepté d’imaginer une nouvelle, en s’inspirant des images de Yan.
Et pour donner un bon coup de botte de moto dans ce petit édifice, j’ai contacté Loulou de la bande de Crimée. Un ancien qui a distribué pas mal de gifles à cette époque. Il raconte à sa façon les aventures qui faisaient le quotidien de son équipe. Un témoignage rare d’un des derniers acteurs de ces années.
Le livre est en souscription sur https://fr.ulule.com/race-devil/
Je privilégie la distribution directe effectivement. En même temps, je m’appuie depuis un an sur un distributeur spécialisé dans les éditeurs indépendants. C’est un bon complément d’action et de contacts. On est sur une niche de toute façon et je tiens vraiment à travailler comme ça.
Je pense qu’un éditeur « normal » ne sortirait pas la moitié des titres que j’ai publié. Si je commence à calculer le temps passé (plusieurs années réellement sur chaque livre), les déplacements, les frais de fabrication relativement élevés (forcément puisque petits tirages), aucune boîte « sérieuse » ne se lancerait là-dedans ! Ca serait dommage car toutes ces belles choses ne sortiraient jamais et seraient à jamais destinées à disparaitre !
Je pense que je fais, comme tout ceux qui bossent dans ce sens, un travail essentiel. En tout cas, ça me motive déjà pas mal pour me lever chaque matin ! Et pour la première fois, j’ai des projets de parution sur deux ans !
Je pense que c’est une période fondatrice à bien des égards et dans beaucoup de domaines.
Internet, après ses balbutiements militaires, a vite été récupéré et utilisé par des acteurs de la contre-culture. Ça, c’est pour donner un exemple aux plus jeunes ! Effectivement c’étaient des périodes d’expérimentations et de découvertes (j’ai plus connu les années 1980 que 1970 t’es gentil - sourire) et aujourd’hui on assiste à un retour à l’ordre moral et de la bien-pensance. Des choses qui sortaient dans ces années-là ne pourraient plus voir le jour aujourd’hui. Il est donc important de continuer à les montrer, à les faire vivre…
Non pas pour dire que c’était mieux avant mais voilà comment on devrait pouvoir continuer à faire et dire tout ça !
Et pour conclure, est-ce que vos ouvrages et votre Parisienne du Papelart participent d'un besoin de revenir au réel ? D'agir concrètement et de laisser un peu de côté Internet et les réseaux sociaux pour mener des actions sur le terrain ?
Bien sûr ! On commence à s’apercevoir que les supports se désagrègent et disparaissent physiquement au bout d’un moment…à moins de faire des sauvegardes de malades. Le papier est toujours là. Il y a quelques semaines j’étais à la British Library. Tu y vois des enluminures du moyen-âge, des manuscrits des chansons des Beatles, l’original de la Magna Carta, des mots doux écrits par Cromwell… Du 100% papier ! Donc oui, les livres Serious Publishing vous allez pouvoir les transmettre à votre descendance, pas comme ces albums photos digitaux. (sourire)
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