KING'S QUEER « DANS LE BUS MAGIQUE »


Enregistrement : 14/10/2020

Près de quarante ans après le tournant libéral des années 1980 et les turpitudes du gouvernement de Margaret Thatcher, dont la brutalité économique, sociale et legislative avait jeté de nombreux jeunes Britanniques sur les routes, une nouvelle génération opte pour le nomadisme.

L’objectif reste le même. S’adapter à un monde en tension, où le coût de la vie s’alourdit constamment, à la fois dans les grandes et les petites agglomérations, sans que le moindre projet de société viable et partagé ne vienne sous-tendre les efforts demandés aux populations.

Cette fois-ci, La Spirale a choisi de suivre les préparatifs et bientôt les pérégrinations de King's Queer, cellule d’agitation multimédia permanente et désormais itinérante, à bord d'un bus « magique » encore en cours de réfection à l'heure où nous publions cet entretien.

Il y a fort à parier que l'avenir ne se passe pas dans la rue, mais sur les routes. Encore et toujours sur nos chers sentiers et chemins de traverse, sur ces zones de création temporaires à l'écart des grandes voies de transhumance et des autoroutes, qu'elles soient réelles ou virtuelles.


Propos recueillis par Laurent Courau.



C'est donc officiel, King's Queer met les voiles et se lance dans une nouvelle aventure « nomade ». Qu'est ce qui vous a décidé à prendre la route aujourd'hui, alors que le reste du monde s'enferme et se calfeutre par peur de la pandémie ?

Et oui, King's Queer part en clandestinité, création d'une unité mobile sonore pour s'adapter à une époque d’incertitude, d'impermanence totale, et de trouble qui frôle avec la liberté d'action…

Se mouvoir pour mieux déjouer les interdits. Être rapide et autonome ! Et pouvoir continuer à exister à l'heure où les États renient toute forme de création non institutionnelle ! Nous n'avons pratiquement plus de droits en tant qu'artistes indépendant.e.s, nous refusons donc la notion de devoir tels que les gouvernements nous les ordonnent ! Nous rentrons dans l'insurrection et la désobéissance culturelles.



On nous a proclamé.e.s criminel.le.s par le seul fait de jouer de la musique, de transporter du matériel sonore et surtout de faire danser. Par ces faits, nous assumons une logique de hors-la-loi. « À l'heure où le monde se calfeutre par peur de la pandémie », comme tu le dis si bien, nous luttons contre cette claustrophobie ambiante en projetant de créer des Zones Autonomes Temporaires (TAZ) pour simplement ne pas crever, ne pas se mettre à genoux !

Mais attention, nous ne nions absolument pas les dangers de ce virus, bien au contraire, nous sommes en pleine conscience et essayons de rester très informé.e.s sur le sujet. Et nous sommes d'ailleurs, actuellement, en pleine réflexion pour créer des instants de partage, de fête, tout en responsabilisant les un.e.s et les autres à l'impératif de protéger les minorités les plus faibles…

Bref, c'est l'ébullition dans nos cerveaux… comme d'habitude chez King's Queer.
Un état d'être d'urgence… de vivre !



Vous avez choisi d'investir un bus, qui vous servira désormais de maison mobile et de studio d'enregistrement itinérant, au prix de longs travaux. Est-ce que vous pouvez nous parler de ce que ça a demandé en terme d'investissements financiers et d'heure de bricolage ? Ne serait-ce que pour démontrer à nos lecteurs que c'est possible, si tant est qu'on en possède la volonté. (sourire)

Nous avons une phrase fétiche : « rendre l'impossible possible ». Et toute l'histoire de King's Queer s'est construite sur ces fondations. Nous nous sommes toujours démerdé.e.s par nous-mêmes et avec l'aide de notre public – qui est extraordinaire. En fait, on préfère le terme de « réseau » que celui de « public », car au fil du temps, de véritables liens se sont tissés avec les gens qui nous suivent, parfois depuis le début. Oui, rendre l'impossible possible, avoir la tête dans les étoiles donne la force de bâtir des rêves. Les rêves d'une vie plus humaine, loin des machines à broyer les envies… Et nous avons l'intime conviction que tout un chacun peut renverser son existence avec de l'aide, de l'auto-détermination et cette furieuse envie de faire.

Alors concrètement, nous avons un bus de 12 mètres de long, en cours d'aménagement, chauffé au bois, production électrique par panneaux solaires de 1500 W, réservoirs d'eau de 400L. Nous avons donc du 12V et du 220V… enfin, nous devrions plutôt dire que nous aurons tout ça, car pour l'instant c'est en stand by, le système solaire coûte cher, et comme nous ne pouvons plus exercer notre métier, ben… faut qu'on se démerde avec le système D.

Pour l'aménagement, l'isolation, etc, c'est 80 % de récup' et beaucoup d'huile de coude ! Notre quotidien rime avec marteau, scie, clous et vis ! D'ailleurs les tendinites surgissent ainsi que d'autres maux. On s'auto-forme sur le tas et on reçoit pas mal de coups de mains. Honnêtement, on ne peut pas vraiment chiffrer car on est nul.le.s dans les comptes et la gestion… haha… Le bus a coûté 3000 euros, don d'un généreux mécène qui croit en notre projet. Quant aux heures passées dessus, il y en a tellement, que rien que d'y penser, on a le vertige ! Et c'est loin d'être fini.

En plus, on réalise les travaux sur un terrain qui n'est pas raccordé au réseau électrique. Du coup, nous sommes tributaires d'un autre système de production solaire, les jours de pluie ralentissent les travaux. Se retrouver confronté.e.s aux éléments naturels nous dicte un autre rythme… C'est très intéressant d'être dépendant.e.s du temps. Tout à coup, tu reprends conscience de la place de l'être humain dans un tout. Oui, on s'égare, on s'égare, mais pas de panique, on ne vire pas hippie pour autant, haha !

En parallèle, on nous a offert un petit poids lourd qui devient le studio son, aussi alimenté en solaire et poêle à bois et qui va devenir le nerf de la guerre artistique. Le toit : une scène pour se produire ! Et nous envisageons aussi de créer une radio itinérante…

Comme tu peux le voir, c'est pas demain qu'on va s'ennuyer !

Et pour conclure cette question : si un maximum de personnes décident de devenir plus autonomes et mobiles, on pourrait créer plein de micro-nations, sans drapeaux, ni frontières, qui fonctionneraient en réseaux de solidarité !



Tant que nous en sommes à parler de bricolage et de technique, pouvez-vous nous détailler les équipements de votre nouvelle maison mobile ? Je sais que vous utilisez notamment des panneaux solaires ?

Comme on est des mauvais.e.s élèves et des sales gosses, on a un peu mélangé les questions… Et oui, c'est un peu notre marque de fabrique !

Comme on le disait ci-dessus, nous essayons de créer un modèle auto-suffisant et plus raccord avec un mode de vie écologique… Essayer d'avoir moins d'impact sur l'environnement :

. Niveau électricité : 8 panneaux voltaïques sur le toit du bus, branchés en 48V que l'on transforme en 12V et en 220V. Et pour le stockage, ce seront 4 batteries de 100 Am.

. Niveau chauffage : poêle à bois

. Niveau eau : deux réservoirs de 200L (il faut savoir que le terrain où nous sommes pour l'instant possède son propre forage) équipés d'une pompe de 12V et d'un chauffe-eau au gaz (à terme on aimerait aussi un système solaire pour l'eau)

. Pour le poids lourd/studio son : panneaux solaires

Bien sûr, nous avons installé des toilettes sèches pour lesquelles nous récupérons la sciure dans les scieries environnantes.

On fait pratiquement tout avec de la récup', donc on essaie de ne pas être trop en mode « serial consommateur.ice.s ». Après, au niveau du gazole pour les déplacements, c'est sûr que ce n'est pas le truc le plus écolo, on l'avoue, mais si on a neuf vies comme les chats, peut-être que nous pourrons mettre en œuvre une autre solution.



Parlons un peu de vos plans pour le futur immédiat. Dans quelles directions géographiques comptez-vous vous diriger ? Comment voyez-vous votre planning itinérant des mois à venir ? Vous poser chez des amis ou sur les parkings de collectifs pour des résidences ? Assurer des concerts depuis le toit de votre bus ?

Si on ressort indemnes de ces mois d'ampoules aux mains et de casse-têtes, on se lancera à l'abordage sous des formes variées et multiples. Car notre « unité d'intervention sonore mobile » peut tout faire ! Tout est à imaginer. La route se déploie devant nous, avec vous ! Un terrain vague, un parking d'usine en friche, un champ perdu, une piste d'atterrissage de musée contemporain, une station d'aire d'autoroute ou une ZAD, un festival ou une occupation… On peut se déployer n'importe où à partir du début de l'été prochain. En Europe, dans un premier temps, et ensuite, ensuite… le reste du monde. Partout où il y aura de doux.ces dingues et un peu de folie pour non pas recycler le futur mais créer notre futur !

En parallèle de ces travaux, nous travaillons sur un projet de livre sur l'histoire de King's Queer, depuis 2008 jusqu'à aujourd'hui, qui nous a été commandé par une maison d'édition basée à Bruxelles.

Et puis, nous continuons bien sûr nos émissions de radio en direct sur Radio Bip, tous les mardis de 20h à 21h, écoutables en live dans le monde entier, via le net.

Mais dans un avenir plus proche, on nous a sollicité.e.s pour tourner le clip de notre morceau « Nomades » (comme quoi ce concept de nomadisme ne date pas d'hier chez King's Queer), le 31 octobre, en collaboration avec l'artiste MelN qui justement, travaille sur un projet de créer des œuvres sur des épaves de camions abandonnés en forêt. Son projet s'appelle « Truck is Not Dead » et nous nous sentons en totale adéquation avec sa proposition artistique, bien évidemment.



Cet entretien me semble constituer un moment idéal pour adresser un message aux lectrices et lecteurs de La Spirale. Qu'auriez-vous à leur dire, voire à leur demander puisqu'on peut aussi s'entraider, se rencontrer et collaborer ! (sourire)

Alors là, là c'est super gentil comme proposition, on reconnaît bien l'esprit de La Spirale !

On ne vous cache pas que notre plus gros problème c'est de pouvoir nous procurer quatre batteries à gel à décharge lente de 100Am… le prix pour le tout est de 1200 euros… alors si vous avez ça sous la main, ou bien les moyens de faire un peu de mécénat, c'est welcome ! Vous aideriez des hors-la-loi dans la clandestinité ! Ha ha ha ha !

Si vous avez envie de nous accueillir pour un concert, un set DJ, une rencontre pour discuter de notre projet ou inventer un OVNI festif masqué, n'hésitez pas à nous contacter sur : kingsqueer@yahoo.fr

Mais surtout, Spiraliens, Spiruliennes, restez libres, continuez à créer, imaginer, bâtir, construire, organiser loin des autoroutes de la normativité. Soyez free, freaks, autonomes, debout, « curieux.ses, furieux.ses » pour plagier un ami ! Et demain, rendez-vous quelque part dans la vraie vie pour des amours et des révoltes survoltées.

Et si vous voulez nous apporter votre obole, voici un lien totalement sécurisé : https://kingsqueer.wixsite.com/kings-queer/don



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Titre : KING'S QUEER « DANS LE BUS MAGIQUE »
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Genre : Interview
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Date de mise en ligne :

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Près de quarante ans après le tournant libéral des années 1980 et les turpitudes du gouvernement de Margaret Thatcher, dont la brutalité économique, sociale et legislative avait jeté de nombreux jeunes Britanniques sur les routes, une nouvelle génération opte pour le nomadisme.

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