C-DRIK FERMONT « SONIQUE NOMADISME »
Enregistrement : 23/05/2012
Mise en ligne : 23/05/2012
Ici, c'est sur les conseils de Miss Sunalee et de Diane Cairn, amis bruxellois de La Spirale et grands spécialistes de l'improbable, que nous nous sommes mis sur la piste de C-drik Fermont. En commençant par la découverte du site Syrphe.com, de sa base de données consacrée aux musiques expérimentales africaines et asiatiques, et enfin de la surprenante compilation « Beyond Ignorance And Borders » .
Artiste multi-facettes, compositeur, producteur et activiste végétalien, C-drik a grandi en Belgique, avant de s'installer à Berlin où il demeure toujours aujourd'hui, après une période hollandaise. Une capitale allemande dont on peut dire qu'elle lui sert principalement de base arrière, tant cet éternel globe-trotteur ne cesse de sillonner la planète pour se produire à travers l'Europe, l'Amérique du Nord, l'Afrique, l'Asie et le Moyen-Orient.
En attendant un portrait audiovisuel que nous envisageons de filmer à la première occasion, première rencontre avec un être humain remarquable et dont la place était rien moins qu'évidente sur La Spirale.
Propos recueillis par Laurent Courau.
Commençons cet entretien en abordant ton parcours (forcément) atypique... Tu es né au Zaïre, d'une ascendance multiple : zaïroise, belge et grecque. Tu as vécu en Belgique, en Hollande et tu t'es installé aujourd'hui en Allemagne. Tu composes, tu produis et tu édites de la musique électronique depuis 1989, avec un intérêt particulier pour l'Asie et l'Afrique, et ta biographie te décrit comme un artiste multi-facettes et végétalien. Est-ce que tu vois un lien entre tes origines, le métissage, et tes choix de vie à l'écart des normes ?
Il y a probablement un lien entre mon intérêt pour d'autres cultures et mes origines multiples, même si j'ai principalement grandi en Belgique et dans un milieu qui n'était que peu tourné sur l'Afrique et artistiquement parlant assez fade... Toutefois, d'autres éléments m'ont aussi poussé en-dehors des normes.
Adolescent, je me suis souvent demandé pourquoi j'étais un des rares basanés dans cette scène punk - new wave - skin - indus, cela m'a poussé à me tourner vers ce qui se passait ailleurs qu'en Europe de l'Ouest et en Amérique du Nord à l'époque.
J'ai parfois été rejeté par certaines personnes de mon entourage étant enfant, puis adolescent, cela n'a fait que renforcer mon caractère et je suppose, d'abord inconsciemment, ma recherche de l'autre, de la différence, du non-conformiste, du non-conformisme.
Je n'étais pas pris entre deux cultures (congolaise/belge) mais métissé, par contre certaines personnes me renvoyaient toujours à mon origine africaine, je ne pouvais donc pas me sentir totalement inclus à tout moment, cela a vraisemblablement été l'une des raisons de me tourner vers un milieu hors-normes, l'étant déjà moi-même de par mes origines "ethniques".
Plus spécifiquement, qu'est-ce qui t'a amené à t'intéresser aux scènes noise et expérimentale ? À quel moment et de quelle manière s'est produit le déclic ?
Cela a commencé lorsque j'avais 14 ans, en 1986. J'avais un ami plus âgé que moi qui écoutait de la musique électronique ; des groupes comme Klinik, Laibach, Skinny Puppy, Nitzer Ebb, etc. Il m'a fait découvrir pas mal de choses et j'ai aussitôt voulu avaler plus de musique alternative, surtout électronique mais également métal, punk, hardcore, oï, new wave (...), via les gens que je fréquentais. C'était en Belgique, à l'époque, il était très aisé de plonger dans ces musiques différentes, on en servait à la radio nationale, à la télé aussi, on échangeait des cassettes, il y avait pas mal de disquaires, j'ai découvert le réseau de home-taping et le mail art et donc très vite le noise, l'industriel, l'expérimental via des labels tels que Staalplaat, Nuit & Brouillard (j'avais aussi la chance d'habiter près de la France et de capter leur émission radiophoniques), Corrosive Tapes, Kinky Music Institute, Fraction Studio, ZNS Tapes, Sakura Records, Network 77 et tant d'autres.
Avec du recul et en discutant avec des ami-es, je me suis rendu compte que nous avions presque toujours baigné dans la musique électronique sans nous en rendre compte : enfants, pendant les années 1970 et 1980, le disco était très présent et la musique de nombreux dessins animés était électronique, krautrock, ambiante... Je pense à Wattoo Wattoo, Capitaine Flamme, Albator et tant d'autres, cela peut faire rire mais je suis sûr que cela a été une grosse influence pour moi.
Puis, j'aimais beaucoup les films d'horreur ou de science-fiction qui avaient pour certains des bandes-sons très électroniques voire expérimentales. « Massacre à la tronçonneuse », « La planète sauvage », « De Lift » (L'ascenseur), « Stalker », « Eraserhead »... et puis si on remonte plus loin, on tombe facilement dans l'expérimental comme « La Planète Interdite » et nombre de documentaires qui contenaient des bandes-sons extraordinaires, comme « L'Aventure des plantes » ; le genre de choses que l'on entend rarement de nos jours, le cinéma (grand public ou documentaire) a beaucoup standardisé sa musique que je trouve en général fadasse, voire infecte, à l'exception de certains réalisateurs comme Gus Van Sant ou Jim Jarmusch pour en citer deux.
Bien sûr, aussi bien dans le passé qu'à l'heure actuelle, on continue à trouver des films alternatifs qui comprennent des musiques intéressantes mais même dans ce domaine, je pense que dès les années 1950 et ce jusque dans les années 1980, il était plus courant d'accompagner des films ou des dessins animés de sonorités électroniques et/ou expérimentales.
Bref, je pense être tombé au bon moment pour cela et dans un bon entourage, malgré un nombre invraisemblable de gens qui me mettaient des bâtons dans les roues, ma famille qui n'a jamais rien compris à ma démarche, entre autres.
Il fallait fouiller bien plus que maintenant pour découvrir ça mais cela avait un côté vraiment excitant qui me motivait énormément, rien ne m'arrêtait, j'ai toujours eu un caractère obsessionnel et ça n'a pas changé, j'ai toujours soif !
En parallèle et dans le cadre de tes activités artistiques, tu consacres une part importante de ton temps aux voyages. J'ai noté que tu t'es produit en Algérie, en Chine, au Laos, en Finlande, en Tunisie, en Bulgarie, en Turquie et dans une quarantaine d'autres pays. L'introduction de tes (passionnants) « Carnets du bourlingueur alternatif » sur le site À l'arrache souligne que tu as souvent participé à des évènements interdits par les autorités locales. Quelles ont été les étapes les plus marquantes de tes périples et que pourrais-tu dire à nos lecteurs afin de les motiver à prendre la route à leur tour ?
Certaines grandes tournées ont été marquantes d'un côté personnel : la première tournée nord-américaine en 2000 ; c'était pour moi/nous (à l'époque avec Ammo et Dead Hollywood Stars) une énorme étape dans nos carrières d'artistes.
Quelques concerts dans des pays qui s'ouvraient plus aisément aux nouvelles musiques ont été intenses de par la réaction et l'enthousiasme du public ou d'une partie de celui-ci : en Lettonie, en Turquie ou en Thaïlande durant la première moitié des années 2000. Des gens qui étaient heureux, soit de découvrir de la musique inconnue pour eux auparavant, soit d'autres personnes contentes de voir enfin des étrangers débarquer et jouer autre chose que de la dance, de la pop ou du rock.
L'un des évènement les plus marquants aura été une tournée de six mois en Extrême-Orient en 2005 où je suis parti seul jouer, enregistrer et rencontrer des artistes dans sept pays différents.
Mais d'autres faits, on va dire plus personnels, m'ont profondément marqué et donné envie de continuer.
La rencontre de Faruk à Istanbul, un jeune réfugié afghan vivant illégalement là-bas, il était tout heureux d'entendre de la musique qu'il ne connaissait pas (breakcore, noise, expérimental) et moi heureux de partager ça avec lui et de pouvoir aussi connaître l'histoire de ce jeune homme, d'être confronté à une réalité tout autre que la mienne, bien plus dure que tout ce que j'avais pu voir ou entendre jusque là.
Ãtre invité au Vietnam pour participer à un spectacle organisé par Ä?ào Anh Khánh pour les mille ans de Hanoï, cinq ans après y avoir joué on va dire de manière pas très officielle. C'était un honneur d'avoir été choisi et puis aussi formidable de voir à quel point la situation avait positivement évolué pour les artistes vietnamien-nes, même si cela reste encore dur de nos jours.
Jouer un concert imprévu dans un village pangcah (une société aborigène matriarcale ou à tendance matriarcale) à Taïwan et partager un repas (végane pour ma part) avec les gens qui nous accueillaient, discuter de nos points communs et de nos différences.
Assister à un opéra traditionnel chinois dans les rues de Changsha et être le premier à qui on offre le thé (je n'ai jamais vu de personnes venant de l'étranger dans cette ville et de fait, elles sont assez rares, très peu de gens parlent une langue étrangère là-bas, on va dire que je faisais tâche mais les gens étaient très accueillants).
Passer beaucoup de temps avec des punks m'expliquant les rouages de la société en Algérie et puis recevoir des jets de pierres dans une Tunisie post-révolutionnaire parce que mon look (et celui d'une amie tunisienne m'accompagnant) ne plaît pas du tout. Un évènement qui m'aura vraiment fait prendre conscience de l'extrême bravoure des punks ou même des emos, des goths, des métalleux et d'autres gens différents dans certaines régions du monde ; cela m'aura aussi éclairé sur les soit-disantes révolutions actuelles.
Il y a bien d'autres étapes qui m'ont marqué, pour la plupart très positives et dans tous les cas, je ne regrette rien ; partir explorer des endroits qui sont en pleine explosion culturelle et sociale, en permanente évolution, bref des endroits qui ne stagnent pas comme une grande partie de l'Europe, est une expérience des plus enrichissantes qui soit. J'apprends toujours beaucoup en voyageant, même en allant dans des pays plus proches, et découvre des approches artistiques différentes, des concepts de vies intéressants.
C'est peut-être un peu bateau de dire cela, mais on ne vit qu'une fois, alors autant y aller à fond et surtout arrêter de croire connaître le monde parce qu'on possède Internet et la télé ; la réalité c'est principalement sur le terrain qu'elle se passe et les émotions qu'elle engendre y sont tellement fortes !
Lorsque l'on rencontre des musicien-nes ailleurs, ce n'est pas seulement la musique que l'on partage en vitesse, en zappant comme sur le net, mais des techniques, du savoir, éventuellement de la nourriture, de l'histoire, des sentiments, des regards, des modes de pensées tout autres...
La Spirale a récemment décidé de se focaliser sur d'autres contrées, notamment l'Afrique et l'Asie du Sud-Est, mais aussi l'Asie Mineure, le Moyen-Orient, l'Amérique du Sud et l'Amérique Latine. Notamment parce que je ressens pour ma part une baisse d'intensité culturelle et activiste en Europe et en Amérique du Nord. Qu'est-ce qui a motivé ton propre intérêt pour ce qu'il se passe hors du monde occidental ?
La principale raison est l'omniprésence de la musique occidentale dans la plupart des réseaux, même alternatifs, je trouve ça très dérangeant, particulièrement dans un monde aussi global que le nôtre.
Dans le domaine musical, comme dans l'art moderne.
D'une part, il y a des médias qui tentent d'imposer tout ce qui sort en Occident ou bien les musiques dites traditionnelles ou "du monde" (en général une soupe innommable), pour des raisons que je ne perçois pas toujours ; d'autre part, il y a le public qui se complaît dans une ignorance crasse et ne cherche pas à aller voir ailleurs. On entretient le mythe de l'Occident qui sait tout, fait tout mieux que les autres et donne des leçons ; l'esprit colonialiste est toujours tapi et l'Occident n'a pas envie de perdre sa place en haut de la pyramide, cela fait des siècles qu'il l'occupe !
Qui a entendu parler du makonde (une forme d'art moderne tanzanienne), du shangaan electro (une musique électronique sud-africaine), de l'onkyokei (une musique expérimentale minimale provenant du Japon mais se répandant dans d'autres pays asiatiques) ?
J'ai été assez dégoûté par l'histoire officielle qui présente l'Europe, puis les États-Unis (et vice versa de l'autre côté de l'Atlantique) comme pionniers absolus en ce qui concerne l'avant-garde musicale (et artistique en général). Très peu de documents mentionnent les pionniers africains, sud-américains, asiatiques des années 40, 50 et 60. Et on commence seulement à parler ouvertement des génies de la musique expérimentale soviétique, de l'histoire du punk d'Europe de l'Est et de la Turquie, les portes s'ouvrent mais lentement.
Tout cela m'a poussé à présenter des artistes, organiser des concerts, des conférences et commencer à écrire un livre.
J'ai l'air négatif, mais cela change, surtout au niveau des musiques alternatives (que ce soit expérimentales, punks, métal, electronica, gothiques...). La Spirale en est la preuve et des labels, blogs, magazines tels que Tien An Men 89 Records, Norient, Delusion of Terror Records, Shaytan Productions en sont la preuve également, nous sommes minoritaires mais je suis convaincu que la situation évolue bien et vite.
Oui, l'Occident stagne, s'enlise peut-être et s'auto-congratule malgré tout ; il est temps d'aller voir ailleurs, de donner un coup de pied dans la fourmilière, de réécrire l'histoire aussi.
Est-ce qu'il y a encore aujourd'hui des différences notables, en terme de composition ou de sonorités, entre les productions musicales issues de différentes cultures que tu édites ? Ou à l'inverse, est-ce que tout converge dans une dynamique de globalisation artistique et technique à l'échelle mondiale ?
On retrouve les deux démarches.
Dans l'absolu, oui, nous vivons dans un monde global, interconnecté et les musiques expérimentales sont pour la plupart liées aux technologies actuelles qui ont donc souvent tendance à uniformiser celles-ci.
Toutefois, certaines régions du monde tendent à réserver une grande importance à leurs traditions et à les recadrer, cela se ressent dans leurs musiques ou bien elles développent leurs propres compositions modernes basées sur leur environnement actuel qui diffère assez bien de celui dans lequel nous vivons en Europe par exemple ; la modernisation de l'Europe s'est faite il y a longtemps déjà et les institutions dirigeantes, voire la population, poussent souvent au conservatisme (dans l'architecture), tandis qu'en Asie, en Afrique, en Amérique Latine, on bâtit à nouveau sans arrêt, des villes émergent de nulle part, tout est en (re)construction perpétuelle, cet environnement inspire pas mal d'artistes qui créent une musique que je qualifierais d'urbaine, possiblement liée d'une certaine manière à la musique futuriste du début du 20ème siècle et à la musique industrielle des années 70 et 80. Pas dans les sonorités, mais dans le concept de recyclage sonore de l'environnement dans lequel les artistes émergent.
Même si le monde est global, même si on retrouve les mêmes enseignes un peu partout, des spécificités culturelles restent et déteignent sur les travaux artistiques et c'est tant mieux.
Beaucoup d'artistes du monde arabe et moyen-oriental créent de nouvelles variantes de musique électronique, cela est de plus en plus marqué : Hassan Khan, Jawad Nawfal...
Des outils de production non-occidentaux sont développé : les Sufi plugins (certains basés sur l'échelle maqam) ou encore Gamelan Symphony et Gameltron produit par Adhi Susanto dans les années 70 permettant de créer de la musique indonésienne à l'aide de synthés analogiques.
On sent de plus en plus une volonté de détachement culturel par rapport à l'Occident de la part de certain-es et par contre une inspiration profonde de la part d'autres, ayant pour référent le monde « libre » occidental, qui ne l'est pas tant que ça au fond.
Qu'il s'agisse de ton affirmation du végétalisme ou des titres de certaines de tes productions, par exemple « Beyond Ignorance and Borders », on ressent un engagement fort. Considères-tu que ta démarche relève aussi du champ politique ? Et si c'est le cas, comme je le pense, quels sont tes domaines d'engagement ?
Oui, ce sont des choix aussi politiques, je dis aussi car la politique n'en est pas la seule raison.
Mes engagement sont aussi bien individuels que collectifs.
À petite échelle et n'ayant rien à voir avec le musique : je boycotte les produits d'origine animale dans les limites du possible, car je n'ai pas le droit d'exploiter, de torturer et de tuer ces êtres sensibles ; j'apporte de l'aide dans un jardin collectif à Berlin, en échange je reçois des fruits et des légumes, pour moi il est important de consommer le plus d'aliments locaux et de savoir ce que l'on mange, d'apprendre à connaître le monde qui nous entoure et de pouvoir se débrouiller seul au lieu de dépendre des grosses entreprises, tels les supermarchés et autres multinationales ou l'état.
Puis, j'éprouve un malin plaisir à me balader en jupe ou en robe avec une crête, des tatouages, des piercings dans des pays conservateurs et/ou machistes. C'est une autre combat pour moi.
Pour revenir au domaine musical et aux voyages, le fait de jouer un peu partout me permet de rencontrer d'autres artistes, mais aussi d'autres cultures, langues, système sociaux et politiques, voire philosophiques et ce de manière directe et non biaisée par un média quelconque.
Le fait de me rendre sur place permet un échange de pensée et de savoir.
Produire une compilation comme « Beyond Ignorance And Borders » a été une étape primordiale : jamais un label n'avait produit une compilation regroupant tant d'artistes d'Afrique et d'Asie (et certainement pas dans ce domaine musical), ce disque a ouvert des portes, brisé des certitudes : combien ne m'avaient pas dit qu'il ne se passait rien dans ces pays ? Cela a été le début de la création d'un réseau, non seulement entre l'Occident, l'Afrique et l'Asie mais également au travers de ces deux derniers continents avec des artistes de Chine, de Singapour ou de Hong Kong qui n'en revenaient pas qu'il y ait dans des pays voisins (Indonésie, Vietnam par exemple) des artistes évoluant dans cette scène expérimentale.
Cette compilation et les suivantes, ainsi que les concerts que j'ai donné, ont prouvé que ces régions n'étaient pas des déserts culturels, elles ont aussi prouvé qu'il est devenu quasi impossible pour n'importe quel gouvernement de museler intégralement la population, les artistes, d'ailleurs le seul bastion qui résiste encore est la Corée du Nord, je ne pense pas qu'il existe un seul endroit au monde ou l'art est totalement annihilé ; même des pays très stricts envers les expressions musicales (Somalie du Sud, Iran, Arabie Saoudite) ne peuvent plus totalement contrôler ce domaine.
Nous développons des réseaux et chaque fois que nous le pouvons, nous organisons des concerts pour ces artistes en Europe et l'inverse ou à travers d'autres continents, nous échangeons des contacts afin de générer le maximum de collaborations, de briser des barrières, il s'agit de pouvoir faire circuler les informations et l'art par tous les moyens, y compris dans des régions où cela est mal vu, voire interdit, il est important pour les artistes locaux de garder contact avec l'extérieur, de créer une dynamique même au sein d'une seule ville afin de ne pas laisser disparaître les germes d'une scène alternative qui va à contre-courant de la société ou du régime local.
De nombreux acteurs des scènes alternatives jettent l'éponge pour rentrer dans le rang, à ce qu'il conviendrait d'appeler l'âge adulte. Où trouves-tu la motivation de continuer et d'avancer après tant d'années de création et d'activisme ?
Je pense que l'art et particulièrement la musique et l'art sonore sont quelques-uns des piliers qui me font vivre. Cela a un côté hédoniste je suppose.
Tout arrêter et rentrer dans les rangs que la société tente d'imposer serait plus que la mort, la mort c'est une délivrance, l'art ma liberté, se ranger, c'est accepter la torture et la dictature.
Évidemment, ce n'est pas simple en cette période : des économies qui s'effondrent et donc des gens qui ont moins d'intérêts ou de moyens pour nous supporter, des associations, des états qui nous laissent tomber, une surabondance d'artistes et de productions artistiques (ou autres), on surnage, non ? Donc je conçois que certain-es n'aient plus la force de continuer. De mon côté, je sais que je ne pourrais plus recommencer à avoir un boulot régulier, je ne tiendrais pas longtemps, même en étant très bien payé, ma motivation n'est pas l'argent et au fond, je préfère être libre mais fauché que de m'enterrer et de mourir à petit feu en me payant une petite liberté offerte par des congés payés ou une pension (qui n'arrivera possiblement jamais) si je vis assez longtemps.
Une autre motivation, sans vouloir être prétentieux, c'est que je me demande parfois qui fera ces recherches si j'arrête ? Tellement peu de gens sont motivés ou osent se lancer dans cette aventure...
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