VOL WEST « LE SURVIVALISTE »


Enregistrement : 16/04/2013

Comme La Spirale l'annonce déjà depuis plusieurs années, l'actuel contexte de crise économique, écologique et sociétale favorise de nouvelles formes d'activisme, au sens premier du terme. Pour un nombre croissant de nos contemporains, l'heure est à la reprise en main de leur mode de vie, en privilégiant une forme d'indépendance vis-à-vis du système économique dominant.

Français installé depuis de longues années aux États-Unis et aujourd'hui résident de l'État du Montana, Vol West fait partie des figures les plus en vue de la nouvelle mouvance survivaliste francophone. Outre son blog Le Survivaliste au travers duquel il expose sa philosophie et le fruit de ses recherches, il a co-écrit Rues Barbares - Comment survivre en ville avec l'auteur suisse Piero San Giorgio.

Entretien à bâtons rompus avec une personnalité atypique, à mille lieux des clichés et des préjugés entretenus par les médias de masse, au cours duquel sont invoqués les mânes de George Orwell, du Mahatma Gandhi, de Jean-Jacques Rousseau et de Henry David Thoreau.


Propos recueillis par Laurent Courau.



J'ai lu que la découverte des USA avait changé votre vie au début des années 90 et vous vivez en effet aujourd'hui avec votre famille dans le Montana. Comment passe-t-on des allées de Vitry-sur-Seine aux immensités de cet État rural du nord des États-Unis ? Quel fut votre parcours depuis la banlieue parisienne ? Je crois que vous avez notamment vécu et travaillé à Los Angeles...

Une multitude d'influences plus ou moins décisives ont parsemé mon enfance... mais peut-être que mon intention « d'aller voir ailleurs » a surtout été motivée par une sensation omniprésente d'incompatibilité avec mon univers ambiant.

J'ai eu la chance de visiter le sud ouest des Etats Unis après mes études. Pendant quelques mois, j'ai traversé la Californie, l'Arizona et le Nouveau Mexique à pied et en auto-stop... À partir de là, ce n'était plus qu'une question de temps et de moyens pour m'installer définitivement aux USA. Et après mon service national, j'ai simplement entamé un plan d'austérité personnel pour pouvoir me payer le billet d'avion. Ca m'a pris neuf mois, un peu comme une grossesse !

Dans un premier temps j'ai effectivement atterri à Los Angeles... où j'ai vécu pendant seize ans, après un détour de près d'une année par le désert des Mojaves. C'est dans cette non-ville que j'ai rencontré mon épouse et où j'ai construit mon propre business de charpenterie avec un ami... refusant toujours de me soumettre aux lois du salariat.

Puis petit a petit, la ville a changé, avec une rupture importante en 2008. D'une attitude générale plutôt tranquille pour une mégapole de quinze millions d'habitants, la sensation de dégradation systémique était soudainement palpable. Nous avons toujours vécu dans un quartier populaire avec son lot de pauvreté, de braquages, de meurtres, de fusillades et de cambriolages, mais la pression devenait jour après jour intenable.

Nous avons toujours eu le projet de partir et surtout de construire une vie fondée sur l'auto-suffisance. Dans cet esprit, nous avons continué d'évoluer sur un principe d'auto-austérité pour avoir les moyens un jour de nous relocaliser intelligemment. Nous avons fait des économies pendant des années avant de partir et de nous installer dans le Montana... magnifique état américain, le « dernier » comme disent les locaux.

Dans l'imaginaire populaire, le survivalisme est lié aux différentes formes de catastrophes globales. Qu'il s'agisse d'un effondrement économique, d'une guerre civile ou nucléaire, voire d'une pandémie ou d'un accident écologique majeur. Votre vision est plus pragmatique, puisque vous parlez plus volontiers d'autonomie alimentaire et énergétique, d'indépendance individuelle ou familiale, d'anticipation d'accidents plus classiques tels qu'un accident de la route ou la perte d'un emploi. Pourriez-vous la résumer pour nos lecteurs ?

Le survivalisme est pour moi l'expression, plus ou moins maladroite selon le parcours et les influences de vie de chacun, d'une prise de conscience et d'un constat personnel liés à la santé de notre monde. Le signal d'alarme est tiré depuis longtemps... et il n'y a pas besoin de vivre dans un quartier populaire de Los Angeles pour s'en rendre compte.

Qu'il soit question d'un malaise écologique, technologique, sociologique, politique ou encore économique, il me paraît raisonnable aujourd'hui de comprendre que notre univers, de par sa force motrice, n'est plus qu'une machine titanesque et dépendante de sa propre amplitude. En tant que passager titulaire d'un billet, et puisque notre effort de mondialisation a su convertir une multitude de vaisseaux, autrefois plus ou moins libres et indépendants les uns des autres, en un seul paquebot géant à multiples étages et à direction unique, je me pose des questions :

. Sommes-nous sur la bonne voie ?

. Devons-nous aller aussi vite ?

. Avons-nous assez de ressources pour le voyage ?

. Avons-nous assez de canots de sauvetage pour la totalité des passagers au cas où ?

Il y a des passagers qui se moquent de tout cela, et d'autres plus prévoyants. Cette prévoyance se transforme alors en démarche calculée pour augmenter notre résilience (à l'échelle personnelle, mais aussi familiale, locale, régionale, nationale et puis globale) dans le cadre d'un événement perturbateur : perte de l'emploi, accident de la route, inondation, incendie, coupure d'eau, effondrement économique, émeute, pénurie, catastrophe naturelle ou technologique, etc.

C'est tout simplement de prévoir un gilet de sauvetage et un plan d'évacuation au cas où... le bateau coule.

Nos gouvernements sont d'ailleurs les premiers à prévoir des sorties de secours, des stocks de nourriture, des canots de sauvetages (il n'y en a jamais assez pour tout le monde !), des équipes d'intervention (souvent trop lentes, en sous-effectifs ou démoralisées), des détecteurs de fumée, etc. Beaucoup diront que notre bateau ne peut pas couler... qu'il est trop grand, trop beau, trop moderne... et qu'il est ridicule et farfelu de s'abandonner à l'hystérie de l'anticipation et de la prévoyance, même si notre histoire est lourdement jonchée d'échouages plus ou moins conséquents.

Cette démonstration naturelle de responsabilisation citoyenne, de prévoyance et de résilience n'est cependant qu'une facette du survivalisme et comme je l'explique sur le blog depuis quelques années maintenant, la réelle portée du survivalisme n'est pas dans la préparation, mais dans la construction personnelle d'une manière de vivre qui reflète une intention résolue d'indépendance et de liberté.

Pour continuer l'analogie du bateau, être prêt, au moyen de bouées de sauvetages et de fusées de signalisation, à subir l'impact d'une situation d'urgence me paraît logique et pertinent, mais se donner les moyens de construire sa propre caravelle, pour ne pas subir la totalité des convergences actuelles, est source de liberté.

Les médias de masse rapprochent volontiers le survivalisme d'une certaine extrême-droite. J'ai lu que vous vous définissez comme « libertarien », un courant politique peu connu et souvent mal compris en France. Pourriez-vous nous éclairer sur cette approche, qui semble avant tout prôner la liberté individuelle ? Et comment réagissez-vous à l'approche « critique » des médias de masse ?

Le libertarianisme est avant tout une philosophie politique, largement fondée sur le principe de non-agression, tant physique que psychologique.

De chez moi, l'opposition droite/gauche n'est que l'expression d'un même et unique sentiment étatique, qui pourrait se résumer grossièrement à l'exploitation d'une direction formatée pour, au final, nous dire comment vivre, ce qui est bon pour nous, ce que nos enfants devraient apprendre, ce que nous devrions acheter ou encore ce que nous devrions manger. Il y a différents degrés de libertarianisme, du plus sauvage au plus souple, mais principalement, et si je devais résumer sa pulsion, un libertarien est une personne qui s'engage à considérer la liberté individuelle en tant que droit naturel et qui sera dans la plupart des cas favorable a une réduction plus ou moins importante de l'État en tant que système gouvernant.

Pour les médias de masse, et intuitivement parlant, je pense que le rapprochement avec l'extrême-droite vient souvent de la présence des armes à feu dans le survivalisme et de ce qu'elles impliquent symboliquement à l'intérieur même des mouvements politiques. La notion de responsabilisation citoyenne, d'abord tournée vers l'affirmation résolue de sa propre conscience, vient sans aucun doute se confronter et bousculer l'idéologie ambiante de victimisation, idéologie lourde et suffocante en France.

Peut être qu'il y a d'autres éléments a prendre en compte pour expliquer ce rapprochement, et même si c'est une erreur globalisante, je pense qu'il est logique, dans le paradigme actuel, de confondre un peu tout et n'importe quoi, sans réellement s'investir d'un esprit critique quelconque.

La réalité est bien sûr, et comme d'habitude, beaucoup plus subtile et complexe.

D'abord, le survivalisme n'est pas un mouvement politique. La décision personnelle ou familiale de construire de l'indépendance, de se donner les moyens de consommer de la nourriture saine et réellement locale, de solidifier un idéal de vie et de bien-être, n'est pas gouvernée par un engagement politique traditionnel.

Certains survivalistes sont de droite, d'autres de gauche et d'autres encore sont libertariens !

Puisque nous venons d'évoquer les armes à feu, j'aimerais connaître votre position sur la question de l'auto-défense que vous n'évacuez pas, mais que vous ne placez pas non plus au-dessus d'autres sujets de préoccupation essentiels...

Si seulement détester le racisme, l'esclavagisme, l'oppression, la violence, le viol, la torture, le génocide ou plus généralement la prédation était suffisant pour enrayer l'intention oppressive d'une minorité, était suffisant pour garantir un idéal relationnel d'abord entre voisins, entre peuples, puis entre peuples et « rois »... alors je n'aurais peut être pas la conviction, et sous les règles de jeu en place, que le droit d'affirmer sa propre conscience devrait être un droit naturel et inaliénable.

Nous pouvons assurément détester et maudire certaines réalité liées aux lois qui gouvernent de notre univers, lois largement ancrées dans un rapport de force constant, où l'un tente de dévorer l'autre, où l'un tente d'enchaîner l'autre, mais cette négation intellectuelle, philosophique, ésotérique, spirituelle, juridique ou émotionnelle, n'a jusqu'à ce jour eu un quelconque pouvoir sur la nature humaine, sur son axe comportemental et sa propension à la violence sous toutes ses formes.

Personnellement, je pense qu'un individu devrait avoir le droit et les outils (physiques et intellectuels) de protéger intelligemment son intégrité physique et psychologique, et ceci dans un cadre de loi décomplexé d'une fausse identité évolutive. Si nous avons fait d'énormes progrès depuis l'époque de nos ancêtres caverneux, la nécessité de prendre en compte notre intégrité au sens large n'a pas, elle, réellement évolué... et jusqu'à preuve du contraire, ou d'un changement radical de direction de la part de notre espèce, il me paraît naturel que l'auto-défense soit réfléchie et intégrée à nos routines.

Directement, l'arme à feu permet d'enrayer ou de stopper l'intention immédiate d'une force destructrice, comme par exemple un individu violent ou une idéologie cancéreuse et envahissante. Dans ce contexte, l'arme est une contre-force, un contre-pouvoir immédiat et surtout démocratique, dans le sens où, et comme le disait George Orwell, une arme complexe rend les forts encore plus forts, alors qu'une arme simple d'utilisation donne des griffes aux faibles.

Comme l'exprime Gandhi dans son autobiographie, indirectement, l'arme permet d'influencer et d'équilibrer notre niveau de liberté : elle est ici, et paradoxalement, promesse d'un certain idéal de vie : « Parmi tous les crimes du règne britannique sur l'Inde, l'histoire prouvera que celui de priver une nation toute entière d'armes est le plus obscur. » - Mahatma Gandhi

J'ai lu que votre film préféré reste My Diner With André, film de la période américaine du réalisateur français Louis Malle, sorti en 1981. Pourriez vous nous toucher quelques mots de votre attachement à cette oeuvre ? Intérêt qui ne m'étonne d'ailleurs pas, puisque vous citez également Gurdjieff comme influence...

C'est d'abord la dichotomie de l'ambiance qui me touche dans ce film... avec cette superposition de mondes et d'apparences.

D'un côté, nous avons un restaurant new-yorkais moderne et chic (tout un symbole), lourdement attaché à certains protocoles typiquement humains et bruyants. C'est le paraître qui recouvre l'être. Et de l'autre cette sensation de plus en plus intuitive et dense d'investigation et de découverte de soi au travers du dialogue intime des deux « acteurs ».

La lourdeur des séquences, le confinement, l'intimité, la rupture des rythmes et des pensées... tout vient lentement effacer le monde bruyant du restaurant pour laisser place a notre propre investigation... et puis on sort dehors, dans les lumières de la ville. Je pourrais regarder ce film tous les jours.

« Mais Wally, ne voyez-vous pas que le confort peut être dangereux ? Je veux dire, vous aimez être a l'aise, et j'aime être à l'aise aussi, mais le confort peut nous bercer dans une tranquillité dangereuse... nous avons une merveilleuse vie confortable avec nos couvertures électriques et nos poulets rôtis, et en même temps, nous mourrons de faim parce que nous sommes si coupés de tout contact avec la réalité que nous n'obtenons pas une nourriture réelle. Parce que nous ne voyons pas le monde. Nous ne nous voyons pas nous-mêmes. Nous ne voyons pas comment nos actions affectent d'autres personnes... »

Votre blog comporte une rubrique intitulée « premiers pas ». Quels sont les premiers grands principes à intégrer (ou les premières questions à se poser) afin d'améliorer nos capacités d'indépendance et de résilience ? En somme, par où commencer et quels conseils sont à donner en priorité aux novices ? Je me souviens de vous avoir lu faisant référence au premier étage de la pyramide de Maslow...

Les premiers pas physiques vont dépendre d'une multitude de paramètres liés à notre environnement proche : condition physique, familiale, économique, géographique, etc. Mais le plus important est effectivement de se rendre compte de l'ampleur de notre dépendance, de l'ampleur de la connerie ambiante et de la fragilité de nos systèmes de support les plus basiques.

Si je devais être radical, je dirais qu'il est aujourd'hui évident que notre espèce est largement bornée à une auto-destruction à court terme de son univers de jeu. Monoculture, produits OGM, racket fiscal, insécurité, dépouillement systématique de ressources non renouvelables, pollution, dérèglement climatique, endettement, pauvreté, appauvrissement intellectuel, manipulations bancaires, enjeux géopolitiques douteux... et puis... fin du pétrole bon marché ? Si tout cela ne nous donne pas envie de construire pour nous, notre famille et les générations futures, un petit peu de cohérence... rien ne le fera.

Alors la grande question est effectivement comment faire pour être moins dépendant ?

Il faut comprendre que le survivalisme, ou ce qui devrait s'appeler le « revivalisme », est un projet à long terme. Beaucoup font l'erreur de ne voir que l'aspect « survie » et nous avons tendance ici à raisonner sur le court terme : eau, bouffe, énergie, bobologie... ou ce que nous appelons aux USA, les 3B : Beans, Bandaids and Bullets - soit Haricots, Pansements et Munitions. Mais puisqu'il est question non pas de seulement se préparer à une situation d'urgence, mais plutôt de revivre, de construire, de reprendre notre indépendance, de manger mieux, de dormir mieux et même peut-être de penser mieux... alors je pense que le premier pas doit être la décision :

. Voulons-nous vivre en ville ou à la campagne ?

. Voulons-nous un balcon ou une terre cultivable ?

. Voulons-nous être branchés 24/24h à la machine pour la totalité de nos besoins les plus fondamentaux (eau, nourriture, énergie, sécurité) ou voulons-nous nous émanciper d'elle et tenir sur nos propre jambes ?

Justement, quels furent vos premiers pas, qu'est-ce qui vous a motivé pour vous lancer sur cette voie ? Et quelles furent les principales difficultés que vous avez rencontré lors de cette période d'apprentissage ?

J'ai toujours été plus ou moins habité par un sentiment de suffocation... sans doute que le Montana est mon antidote, avec une densité de population inférieure à trois habitants au kilomètre carré. Mais c'est sans aucun doute en vivant dans une ville comme Los Angeles que j'ai rapidement compris que le bien-être de ma famille était, catastrophe ou pas, de ma propre responsabilité.

Los Angeles possède la particularité d'être une ville construite dans un désert. Toute son eau vient d'ailleurs, grâce à un aqueduc de 360 kilomètres de longueur, construit en 1913. Bien sûr, il y a aussi les tremblements de terre fréquents, l'insécurité (émeutes de 1992) et plus généralement les problématiques de distribution partagées par toutes les grandes villes du monde. Simplement, c'est un bateau très fragile.

Notre première priorité a donc été de sécuriser une réserve d'eau potable et de nourriture, de rembourser nos dettes, de nous responsabiliser quant à notre propre sécurité et puis de mettre en place un plan d'évacuation, c'est à dire un plan sur le long terme nous permettant de nous émanciper de la ville et de ses problèmes.

La plus grosse difficulté rencontrée a été le manque de place. L'eau prend beaucoup de place, et s'atteler à la résilience en appartement peut s'avérer un défi sans fin.

Vous avez grandi en région parisienne, puis vécu dans une mégapole. On peut imaginer que la transition vers un mode de vie rural ne s'est pas déroulée sans surprise. Comment s'est passée votre installation dans le Montana ?

... comme une tortue de mer qui retourne à sa source après être née dans le sable.

Beaucoup de citadins redoutent le changement de vitesse d'un environnement à l'autre. L'urbain est habitué à un certain rythme, à une certaine tension et à une cadence d'exécution et de possibilité importante. Et je comprends que ce changement de densité soit parfois trop difficile ou amer, mais pour nous, cette transition était voulue et attendue.

Selon les données de la banque mondiale, le pourcentage d'humains vivant en zone urbaine a dépassé le seuil des 50 % de la population mondiale en 2007. Rues Barbares - Comment survivre en ville, le livre que vous avez co-écrit avec Piero San Giorgio s'adresse directement aux citadins. Outre la nécessité de s'enfuir au plus vite des grands centres urbains en cas de catastrophe (sourire), pourriez-vous nous résumer les grandes lignes de cet ouvrage qui semble connaître un succès impressionnant ?

Il est préférable de déménager quand tout va bien, et d'aller revivre a la campagne, plutôt que de s'enfuir quand tout va mal.
Ca, c'est effectivement le message de départ.

L'ouvrage est principalement parti de deux motivations :

. La première est basique, directe et se penche sur les solutions pratiques et simples, à plus ou moins court terme, pour élever notre niveau de résilience en ville, au cas où. Eau, nourriture, hygiène et santé, énergie, connaissances, défense, lien social et évacuation sont donc les principaux chapitres du livre, avec des astuces et des principes larges qui reflètent nos besoins vitaux.

. La deuxième motivation était pour nous de transmettre cette idée plus abstraite d'indépendance et de conviction, en amenant le lecteur à redéfinir son idéal de vie.

Puisque nous venons de faire référence à votre ouvrage, j'aimerais aussi aborder la question de votre blog et de votre chaîne vidéo sur YouTube qui connaissent une fréquentation impressionnante. Qu'est-ce qui vous a amené vers cette démarche publique et de partage ?

La décision de rendre publique mes réflexions sur le survivalisme vient surtout d'un désir de démystification. Le survivalisme est largement représenté d'une manière qui ne me convient pas. Par exemple, je n'ai pas de bunker et je n'attends pas la fin du monde.

Outre l'aspect « revivre a la campagne », il était donc nécessaire pour moi de démystifier cette philosophie de vie, de réengager la conversation sur les armes à feu de manière raisonnable et raisonnée, de réengager l'idée de clan, de famille, de résilience, de responsabilisation, d'entraide et pourquoi pas de liberté.

La question de l'entraide que vous venez d'évoquer me semble d'autant plus intéressante que l'on reproche souvent aux survivalistes d'agir de manière égoïste. Or il semblerait que ce ne soit pas tant le cas, ne serait-ce que par la masse de connaissances que vous partagez gratuitement sur votre blog ?

Peut être que cette question d'égoïsme vient d'un sentiment de paralysie propre à la cellule culturelle que nous respirons. En Suisse ou aux US A, par exemple, cette notion que le survivalisme serait l'expression d'une démarche égoïste n'existe pas.

Avant, pendant et après les situations difficiles, un individu résilient et prévoyant, une famille résiliente et prévoyante, sera à même d'apporter un soutien logistique, technique et émotionnel important à la totalité de son environnement proche... tout en libérant des équipes de secours souvent surchargées et débordées durant une perte de la normalité.

Ne sommes-nous pas ici dans une notion de responsabilisation bienveillante et d'entraide ?

À voir certains reportages sur le survivalisme calculés pour l'audimat, il n'y a aucun doute que nous pourrons toujours déterrer de son trou le farfelu et le sclérosé. Mais il faut comprendre que cette démonstration médiatique du survivaliste américain bunkerisé n'est pas majoritaire, ni représentative.

Durant l'ouragan Sandy par exemple, les survivalistes new-yorkais ont été les premiers à porter secours, à nettoyer les rues, à partager leurs panneaux solaire pour recharger les batteries de téléphone du quartier, à donner à manger et à boire, à cuisiner pour les voisins, à aider les personnes âgées, à soutenir les forces de l'ordre... tout simplement parce que nous ne sommes pas des victimes ou des spectateurs, mais bien des acteurs.

Sur le long terme, le survivalisme ne peut qu'être diamétralement opposé à cette notion d'égoïsme, puisque notre idéal de vie est souvent calqué sur une manière de vivre sensible aux problématiques pouvant créer de la dysharmonie et du chaos pour tous.

Il n'y a rien d'égoïste ici.

Pensez-vous que l'audience de votre blog soit pour partie liée à une prise de conscience de la gravité de l'actuelle crise économique ? Et de manière plus générale, est-ce que vous sentez une propagation de ce type d'idées et d'initiatives (survivalisme, résilience, autonomie) a l'échelle française ou a l'échelle européennes ?

Je ne sais pas... sans doute que le climat d'instabilité économique ambiant contribue effectivement à l'érosion d'une pensée et d'une manière de vivre aujourd'hui de plus en plus inadaptées, pour laisser place à l'initiative de rechercher des solutions pragmatiques et j'espère cohérentes. Mais je pense que la plupart de mes lecteurs sont mus par une prise de conscience beaucoup plus intime... et vouloir se prémunir d'une catastrophe économique, ou d'un coup dur, ne peut pas être l'unique raison de visiter le blog.

Peut-être qu'il est avant-tout question d'une crise de l'individu... d'une reconstruction symbolique comme l'exprimait Thoreau dans sa « révolte solitaire ». Peut-être qu'au final, je ne parle de rien d'autre.

Pour ce qui est de la « propagation », le blog, qui se veut francophone, prouve que les Français sont largement plus intrigués, intéressés, vocaux et volontaires que leurs camarades européens. Au départ, je pensais que les Suisses et les Québécois seraient en première ligne, pour des raisons d'environnement et de culture... les chiffres et la participation de ces deux pays sont pourtant ridicules comparés à l'enthousiasme hexagonal.

Ce qui est intéressant par contre, c'est l'aspect démographique : il y a de tout ! De jeunes étudiants, des personnes âgées, des femmes, des hommes, des parents, des célibataires, des croyants, des non-croyants, des écolos, des chasseurs, des socialos, des réactionnaires, des pauvres, des riches, des érudits, des hippies, des militaires, des petits, des grands, des maigres et des gros...

L'homogénéité ne semble pas venir d'une souche particulière, mais plus d'un désir partagé de vivre plus d'indépendance et peut-être de se prémunir d'un monde de plus en plus fragile.

Outre Piero San Giorgio avec lequel vous avez collaboré, quels sont les auteurs ou plus généralement les personnes dont vous appréciez actuellement le travail, tous champs confondus ? Que ce soit aux USA, en France ou plus généralement sur l'ensemble de notre planète...

Je ne sais pas pourquoi mais Joel F. Salatin apparaît en premier. Joel est un fermier américain, auteur, philosophe et gérant de la ferme holistique Polyface.

« Le premier supermarché a été construit aux US en 1946. Il n'y a pas très longtemps. Avant ça, ou était la nourriture ? Mes chers amis, la nourriture était dans les maisons, dans les jardins, des les prés voisins et dans les forets. Elle était a proximité des cuisines, a proximité des tables. Elle était dans nos placards, dans nos caves, dans nos arrières-cours. » - Joel Salatin, extrait du livre Les gars, ceci n'est pas normal : les conseils d'un fermier pour des poules plus heureuses, des gens plus sains, et un monde meilleur.

Sinon, il y a toujours Saint-Exupery, Nietzsche, Thoreau, Rousseau...

Question désormais traditionnelle sur La Spirale, comment imaginez-vous le futur ? Tant d'un point de vue individuel et familial, que global et planétaire ?

Nous vivons une époque fantastique. Un entre-deux décisif.

Nous pouvons, au travers du dialogue, de la réflexion, de la technologie, du bon sens et de la sincérité, construire un futur honnête et largement confortable. Je peux, aujourd'hui, réduire ma consommation énergétique, manger mes tomates d'héritage, capturer l'eau de pluie et jouir d'un confort sans précédent...

Mais nous pouvons aussi fermer les yeux, et continuer tous ensemble notre course poursuite à la croissance. C'est le suicide.

Finalement, le futur n'a jamais été aussi imprévisible qu'aujourd'hui.

Chez moi et quoi qu'il arrive, quelle que soit la décision collective, je vais continuer de construire, de maintenir et de défendre mon indépendance et mes libertés.


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Français installé depuis de longues années aux États-Unis et aujourd'hui résident de l'État du Montana, Vol West fait partie des figures les plus en vue de la nouvelle mouvance survivaliste francophone. Outre son blog Le Survivaliste au travers duquel il expose sa philosophie et le fruit de ses recherches, il a co-écrit Rues Barbares - Comment survivre en ville avec l'auteur suisse Piero San Giorgio.

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