REED 013 « ART CLONE »
Enregistrement : Archives de La Spirale (1996-2008)
Mise en ligne : Archives de La Spirale (1996-2008)
Résultat : visages sans yeux, sexes dupliqués, les nouveaux modèles de la séduction sont des avatars inhumains, des cauchemars. Avec l'artiste Juan Le Parc, spécialisé en recherches sur les OGM et en transgenèse, il a mis au point une société fictive Art Clone. Franchisée dans le monde entier, et qui propose par le biais de catalogues hyper-réalistes de la génétique-cosmétique à petits prix.
Propos recueillis par Agnès Giard.
- REED 013.
- Date d'incarnation : 1960 après J.C - cancer ascendant balance.
- Lieu d'incarnation : Planète Terre, Europe occidentale, France.
- Type : Humain.
- Père : Education Nationale, section de formatage de la pensée et de l'intégration culturelle.
- Mère : Services de la Santé publique, section de réparation corporelle et d'accompagnement à l'anéantissement.
- Qualité : Rêveur actif.
- Défaut : Inadapté passif chronique.
- Lieu de résidence : Mon crâne.
En quoi consiste votre travail actuel ?
- Activité actuelle : Société intime d'import / export émotionnel. Propagande mentale.
- Réalisation portées à l'attention du public : icônes et divertissements.
Comment parvenez-vous, techniquement, à fabriquer des mutants ?
Dans un premier temps grace à une technique de captation des réfractions lumineuses puis par clonage de pixels après une série de soins appropriés.
Où avez-vous appris cette technique ?
Surtout entre les lignes.
Est-elle autorisée ? N'y a-t-il pas exercice illégal de la médecine ?
À l'heure actuelle cette technique est autorisée et même encouragée par les principaux intervenants des places financières (et par là-même par les dirigeants politiques qui y sont affiliés).
Il existe plusieurs raisons à cet état de fait, j'en citerai quelques-unes :
- Ces techniques requièrent l'utilisation d'une technologie lourde et onéreuse, délivrée par des trusts, impossible à reproduire par le commun des mortels. Elles sont donc vouées à être acquises par le jeu d'un échange unilatéral basé sur le profit et le contrôle des masses. Le hardware (ordinateurs, puces électroniques, etc.) et le software (qui n'a de soft que le nom), par nature obsolètes dès leurs apparitions sur le marché, sont appelés à un renouvellement constant et suscitent la nécessité d'achat tout comme la canicule est synonyme de soif.
- Ces techniques permettent de vendre et de diffuser facilement (à peu de coût) une sur-réalité idyllique et publicitaire gommant tous les petits désagréments peu commerciaux liés au vivant (défauts ou configurations physiques se situant hors des normes en vigueur, fluides vitaux, excrétions, maladies apparentes, etc.).
Ce qui est illégal a toujours été lié à l'utilisation non-productive (dite déviante) de systèmes mis en place par les pouvoirs existants afin d'asseoir fermement leur main-mise sur des populations sujet.
Comment considérez-vous vos enfants ? Vos monstres ?
Comme tout bon père qui se respecte, je considère mes rejetons (botaniquement parlant) avec une affection bienveillante qui n'exclue pas une certaine dose de sévérité (c'est pour leur bien).
L'amour rend aveugle, sujet délicat pour le photographe.
Pourquoi vouloir créer une humanité plus parfaite ?
Je ne désire pas créer une humanité plus parfaite, le rôle de démiurge et de contrôleur universel se situant tout à fait en dehors de mes capacités ainsi que de mes envies. Ce marché est de toute façon déjà abusivement saturé de brevets et autres copyrights (religieux, fanatiques idéologues, etc.). Il me parait quand à moi plus intéressant de mettre en scène la représentation d'une humanité conjuguée au plus que parfait de mon temps intérieur.
Pourquoi la perfection est-elle monstrueuse ?
Il est remarquable de noter que toutes les tentative d'atteindre à la perfection, ou pour être juste d'atteindre à une perfection, sont le fait de systèmes d'essence totalitaire. Une humanité parfaite ne l'est que dans l'optique de celui qui la définit comme telle : Hitler visait à l'hégémonie d'une race aryenne pure, toute puissante dans sa magnificence, surhumaine dans son aboutissement (donc excluant l'autre comme sous-humain). Il est évident que la perfection, si elle existe, ne peut l'être que dans la multiplication des propositions adaptée à la multiplicité des attentes passées et à venir, c'est à dire dans l'infini. La perfection est monstrueuse car elle est inhumaine, l'infini ne pouvant s'accomplir ou se résorber que dans la globalité (que nous pouvons nommer l'ordre divin). Toute tentative de représentation de la perfection est donc vouée à l'échec à moins de passer par l'artifice du symbole, toute représentation réclamant un recul par rapport au sujet il nous est impossible de la réaliser car nous nous situons au coeur de celui-ci.
Qu'est-ce que la beauté ?
La beauté c'est l'illusion de ce qui parait agréable et harmonieux ou bien qui procure du plaisir à un moment donné. La beauté est de l'ordre du mirage existentiel.
Le corps est-il un support artistique comme un autre ? Le corps est-il un support tout court ?
Il n'y a d'autre support que le corps, qu'il soit définit ou non comme artistique puisque le corps est le support même de notre perception, la raison de nos sensations et l'objet de notre incarnation. Parler du monde c'est parler du (et par notre) corps.
Pensez-vous que « le corps est obsolète » ? Pensez-vous que nous pouvons changer de corps comme de culotte, comme des données transitant d'une disquette à une autre, ou considérez-vous que nous sommes «incarnés», c'est à dire intimement liés à notre « viande » ?
Nous changeons sans arrêt de corps, je dirais « à notre corps défendant », notre corps est aussi volatile que notre pensée. Chacune de nos cellules se détruit, mute ou se renouvelle en permanence : qu'il y a t'il de plus étranger à nous même que celui que nous avons été sinon celui que nous deviendrons ? Seule la puissance de lâego nous aveugle et entretient en nous l'idée de permanence, nous maintenant dans une trajectoire ayant le mérite de nous apporter un semblant de cohérence.
Si nous sommes incarnés en tant qu'être, toute désincarnation est de l'ordre de l'accident puisqu'il faudrait parler de désincarcération d'un corps habitacle.
Pour vous qu'est-ce que la peau ?
La peau est un émetteur semi-inconscient ainsi qu'un récepteur semi-conscient.
La peau est un semi conducteur et c'est aussi l'enveloppe qui se donne à voir.
La peau est une surface sensible et sexuelle.
Pensez-vous qu'il y a une suite logique entre le body-art des années 70 et les réflexions actuelles sur la "duplication" des êtres vivants ?
Je ne répondrai qu'à mon propre chiffre.
Que pensez-vous de l'art transgénique ?
L'art transgénique est encore plus beau vu d'une plage bordant les eaux primordiales. En ce sens mon artiste préféré est le soleil, surtout la nuit.
De quoi avez-vous peur ?
De la violence subie, de la souffrance et des cons.
De quoi avez-vous envie ?
D'un monde télépathique axé sur un réel plaisir partagé (surtout par moi).
Quels sont vos projets ?
Prendre des milliers de personnes en photo pour me rendre compte que je n'ai jamais réalisé qu'un autoportrait.
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