BAK XIII « POURVOYEURS D'HYMNES POUR GÉNÉRATIONS DÉSENCHANTÉES »


Enregistrement : 18/01/2022

« Dans la mythologie nordique, le Ragnarök renvoie à une fin du monde prophétique comprenant un hiver de trois ans sans soleil, suivi d'une grande bataille où la majorité des divinités et la quasi-totalité des hommes périssent. Une renaissance s’ensuivra, où les dieux restants rencontreront Líf et Lífþrasir, seul couple humain survivant et appelé à repeupler le monde. »

Joyeux programme, s’il en est, par lequel s’ouvre Memento Mori, nouvel et neuvième album de BAK XIII. Où l’on retrouve nos Helvètes plus pugnaces, pessimistes et mélodiques que jamais, toujours à la croisée des genres avec cette alchimie si particulière qui les caractérise depuis leurs débuts.

Puissants kicks industriels, ritournelles electropop, guitares métalliques, mélodies dépressives et refrains eschatologiques à entonner en chœur. BAK XIII continue de jouer les équilibristes avec brio, rejeton mutant du Top 50 et des scènes alternatives les plus radicales où le groupe est né.

L'occasion d'un échange épistolaire avec Damian Weber alias DDDMix, membre fondateur du groupe, pourvoyeur d'hymnes pour générations désenchantées et connaissance de longue date depuis les couloirs de l'incontournable Usine de Genève et le comptoir de nos amis d'Urgence Disk Records.


Propos recueillis par Laurent Courau.
Photographies de concert par Gabriel Asper et Nivu.pics.





Memento Mori s’ouvre sur un joyeux « Welcome to Ragnarok », en référence à la fin du monde prophétique des mythologies nordiques. Morceau qui nous plonge d’emblée dans l’une des grandes marottes de BAK XIII : l’effondrement de nos sociétés humaines, aussi cupides que corrompues et in fine inhumaines. On va finir par croire que vous appelez réellement cet anéantissement de vos vœux. Et d’ailleurs, ne serait-ce pas le cas ? (sourire)

Nous pensons qu’en effet nous vivons un age sombre. Une économie illisible et sans plus aucune limite est devenue le gouvernail d’un bateau, ivre depuis bien longtemps.

Un système où tout le monde participe au désastre en se déchargeant de toute culpabilité sur les autres. L’issue n’est pas de l’ordre de la prophétie, elle pourrait simplement être calculée comme étant aussi inéluctable que logique.

Nous aimerions bien qu’un autre mode de pensée émerge de ce chaos, un espoir. Ce n’est ni bien parti, ni pour tout de suite, il semblerait.



En tant que fan absolu de BAK XIII, je ne saurais trop me réjouir de la sortie de ce onzième album. Qu’est-ce qui motive votre résilience depuis vos débuts en 2001, votre pugnacité et cette volonté de continuer l’aventure, au-delà des années et des changements de line-up ?

Merci de mettre en exergue notre pugnacité, ce n’est néanmoins que le neuvième opus. Nous avons nos nécessités intérieures, une plus grande maturité, qui nous évite de perdre du temps à croire encore aux mythes du succès, de la richesse et de la rock star et surtout beaucoup de rage.

Quand on a enfin compris qu’il n’y aura pas grand chose à gagner, on peut se consacrer à l’essentiel.



Et justement, beaucoup d’artistes se plaignent du manque à gagner lié au piratage de la musique sur internet et dorénavant de la mainmise des plateforme telles que Spotify sur la distribution musicale. BAK XIII semble faire partie des groupes qui créent et produisent sans volonté de « faire carrière » d’un point de vue économique. Est-ce que cette position alternative était évidente pour vous dès le départ ?

Ce serait très hypocrite de dire cela, l’idée de pouvoir gagner plus en cas de succès, on est jamais à l’abri d’un accident, nous permettrait d’investir plus dans la scénographie en améliorant l’aspect visuel de nos spectacles. Toujours est-il qu’en effet le marché n’est plus ce qu’il était et un succès commercial est assez improbable.

Notre musique est définitivement alternative et nous savons que le succès est plus qu’hypothétique. Ce n’est donc pas ça qui nous a motivé. Si des gens piratent en masses nos albums, tant mieux, l’important est que notre musique tourne au maximum, plus de popularité nous amènerait plus de concerts et on finirait peut-être par pouvoir augmenter nos cachets, ce qui nous donnerait les moyens d’engager plus de collaborateurs et d’acheter du matériel.

Contrairement à son image de carte postale pour milliardaires, Genève a longtemps constitué un refuge pour les marginaux de tous poils. À la désormais lointaine époque des squats des années 1980, mais aussi plus récemment au travers de nombreux lieux de vie, dont la fameuse Usine de la place des Volontaires. Qu’en est-il aujourd’hui ? Comment se portait la scène alternative genevoise avant la crise du coronavirus et quel est l’impact de la pandémie sur ses activités ?

Genève est une ville contrastée comme tu l’as souligné, malheureusement l’age d’or de l’alternative est derrière nous, en attendant peut-être de nouvelles révolutions.

Nous avons des lieux, des clubs et de très bons artistes. Cette pandémie est un sérieux coup dans l’aile, mais je crois qu’il y’a encore beaucoup d’envie et de rage. L’époque que nous traversons va engendrer beaucoup de choses, je pense que les sociologues n’ont pas fini de décrypter cette crise et ses conséquences.



Memento mori, une locution latine que l’on peut traduire par « souviens-toi que tu vas mourir ». Outre l’emploi de locutions latines pour vos titres d’albums, votre discographie se caractérise par un engagement radical, grinçant et omniprésent. Pourquoi vous acharner ainsi à tenter d’éveiller vos auditeurs, alors que vous pourriez vous satisfaire de les distraire et de les faire danser ? (sourire)

Nous faisons l’un comme l’autre, je l’espère.

Certains de nos titres sont plus léger, d’autres très déprimants ou sérieux. Il faut moduler les émotions, c’est l’aspect cyclothymique qui nous intéresse. Ça crée un rythme, ça évite l’ennui, qui est la pire chose.

Depuis toujours le son de BAK XIII oscille entre des pôles en apparence opposés : mélodies pop électroniques et violence métallique, nostalgie des années 1980 et ardeur apocalyptique millénariste, tendresse dépressive, fausse allégresse de l’eurodance et beats industriels pour dance floor amphétaminé. Comment est né le son si particulier de BAK XIII ? S’agissait-il d’une volonté consciente de mélanger ces influences variées pour arriver à ce résultat hybride ou est-ce plutôt le fruit inattendu d’expérimentations musicales ?

Nous avons toujours tendu vers quelque chose de pop qui réunissait nos influences musicale. Le fait de mélanger tout, traduit simplement le fait que nous écoutons de tout. Il ne s’agit pas non plus d’une sorte de remix universel, il y’a eu une réflexion, du travail et de l’intuition. Notre style unique s’est forgé et perfectionné, il n’est pas le fruit du hasard.

Nous ne ressemblons à rien d’autre, que ça plaise ou non, on ne peut pas nous retirer ça.



Puisque nous venons d’évoquer votre son si particulier, reconnaissable entre mille, comment se déroule le processus de composition et de création de vos morceaux ? Est-ce toi, Damian, qui assures cette continuité de l’identité de BAK XIII, malgré les changements de formation ?

En effet, je compose la musique et écrit les paroles, les guitares viennent en dernier dans ce processus. C’est mon rôle, cette musique vient de mes entrailles.

Par contre, Judge Drek joue infiniment mieux de la guitare que moi, il s’occupe de la communication, est extrêmement doué en vidéo et amène une touche essentielle à l’édifice. Fragle lui s’occupe du lightshow et amène aussi son talent et contribue grandement à l’entreprise.

DIY as fuck encore et toujours, c’est un assemblage de talents, incluant Drop pour ce qui est de l’enregistrement et de la production, qui ont fait et qui font BAK XIII.



Autre dimension importante de BAK XIII, à côté de laquelle il me semblerait dommage de passer, celle de l’humour, volontiers noir, d’un sens de la dérision, voire de l’auto-dérision que l’on retrouve dans vos textes, dans vos vidéos et jusque dans certains accessoires de scène de Damian. C’est une manière de faire passer la pilule du diagnostic terminal évoqué en introduction de cette interview ?

Non, c’est une des particularités qui forment l’ensemble de la singularité que nous sommes. Quand on trouve qu’un monde et son système se comportent de manière ridicule, il ne faut jamais oublier qu’on en fait aussi partie. Si c’est la fin des temps, nous pourrions vivre notre décadence et notre chute avec un peu plus de panache.

La fête est un peu molle en ce moment, vous ne trouvez pas ?

En parlant de panache, quels sont les artistes dont vous vous sentez proches, aujourd'hui ? Et les initiatives culturelles ou autres, tous supports et médiums confondus, qui vous nourrissent ?

Je n’ai pas d’exemple précis, il y’a des aspects qui me touchent dans beaucoup d’oeuvres, arts confondus. Mes collaborateurs auront peut-être un avis plus ciblé, je ne parlerai donc pas pour eux mais en mon nom.

L’art est une invention humaine qui ne tue personne. Je pense que passer son temps à essayer de créer de l’émotion chez les autres est noble. J’ai donc de la sympathie pour tous ceux qui sont partis attaquer ce genre de moulins. C’est courageux, sans garantie, mais guère ennuyeux.

La musique, c’est un très bon moyen de dépenser l’argent que j’ai gagné autrement.

Tu disais plus haut que tu aimerais qu’un « autre mode de pensée émerge de ce chaos, un espoir ». Essayons de conclure cette interview sur une note positive. Qu’est-ce qui peut encore te donner envie de croire à un monde meilleur, à des pistes de sortie de l’impasse que constitue notre monde post-moderne dominé par la spéculation et la cupidité ?

Ce monde me semble si absurde. S’il n’y avait rien de mieux après cette lente déchéance dans l’idiotie au bout du compte, ce serait vraiment une très mauvaise blague.

Je vais continuer à faire simplement de la musique, pendant que des cartons de bananes feront trois fois le tour du monde pour être vendus dix centimes de moins à des gens qui n’en avaient même pas besoin.





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Titre : BAK XIII « POURVOYEURS D'HYMNES POUR GÉNÉRATIONS DÉSENCHANTÉES »
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Genre : Création
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Date de mise en ligne :

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Dans la mythologie nordique, le Ragnarök renvoie à une fin du monde prophétique comprenant une série d'événements dont un hiver de trois ans sans soleil, suivi d'une grande bataille. La majorité des divinités comme Odin, Thor, Freyr, Heimdall et Loki, mais aussi les géants et la quasi-totalité des hommes y périssent.

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